Un kibboutz déraciné par les tensions entre Israël et le Hezbollah
Les violences de part et d'autre de la "ligne bleue", censée être surveillée par l'ONU, ont coûté la vie à deux personnes du côté israélien et 11 du côté libanais, en 11 jours de guerre

Déracinée de son kibboutz situé à deux pas de la ligne bleue, qui sépare le Liban d’Israël, Lea Raivitz a trouvé un point de chute, à une cinquantaine de kilomètres plus au sud. Déboussolée, la sexagénaire a vu ses certitudes être « ébranlées » par les tensions entre Israël et le Hezbollah.
Depuis les massacres inhumains perpétrés par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre, l’armée israélienne bombarde la bande de Gaza en représailles, tandis que les tirs de roquettes depuis l’enclave palestinienne se poursuivent sur le pays. Cependant, elle se bat en même temps contre un autre ennemi juré à sa frontière nord : le Hezbollah soutenu par l’Iran.
Les violences de part et d’autre de la limite, appelée « ligne bleue » et censée être tenue par l’ONU, ont coûté la vie à deux personnes du côté israélien et 11 du côté libanais, en 11 jours de guerre entre Israël et le Hamas.
Dans ce contexte, la région du nord n’était plus sûre pour Lea Raivitz et le kibboutz Baram, à deux pas de la limite avec le Liban. Le village a été évacué dès le deuxième jour du conflit.
« Cela a ébranlé toutes nos certitudes », témoigne auprès de l’AFP Mme Raivitz, 68 ans. Elle a trouvé refuge dans un hôtel de Tibériade, une cinquantaine de kilomètres au sud de son kibboutz, sur la rive ouest de la mer de Galilée.

Tout le monde, du nouveau-né aux vieillards de 90 ans, a dû partir. C’est seulement la deuxième évacuation du village depuis sa fondation en 1949.
« Tout a changé » après le carnage du Hamas, continue Mme Raivitz, sonnée par le bilan humain d’une guerre qui a essaimé loin de là où elle a commencé.
Israël a renforcé sa présence militaire dans la zone à la suite d’escarmouches et d’échanges de tirs de roquettes, bien que le pays concentre toujours son attention principalement sur Gaza.
Tanks, véhicules blindés transportant des militaires et voitures de réservistes sillonnent les collines proches de la ligne bleue.
Lundi, l’armée a annoncé la mise en place d’un plan pour évacuer ceux qui habitent près de la frontière, jusqu’à deux kilomètres, vers des logements financés par l’État.
Une menace venue du nord qui grandit
Le récent regain de tensions à la frontière fait craindre une nouvelle guerre entre Israël et le Hezbollah après celle, dévastatrice, qui s’est achevée en 2006.
Le groupe terroriste libanais est le seul à ne pas avoir déposé les armes à l’issue de la guerre civile libanaise (1975-1990).
Avec une armée israélienne qui se tient prête à envahir Gaza, la menace du Hezbollah grandit alors que la situation au Liban est catastrophique.
Des résidents de longue date du kibboutz Baram disent que les tensions reviennent de manière cyclique et qu’ils avaient l’habitude de voir flotter des drapeaux du Hezbollah de l’autre côté de la limite.
Mais certains d’entre eux ont expliqué à l’AFP que leur sentiment de sécurité s’était envolé après les massacres du Hamas.

« Nous sommes tous traumatisés, nous avons tous peur », explique Angela Yantian, 67 ans. « Je ne pensais pas qu’une telle chose pouvait arriver. »
Israël n’a « pas intérêt à faire la guerre dans le nord, nous ne voulons pas envenimer la situation », a déclaré dimanche le ministre de la Défense Yoav Gallant.
« Si le Hezbollah choisit le chemin de la guerre, il paiera un lourd tribut », a-t-il prévenu. Dans le cas contraire, « nous respecterons la situation et maintiendrons les choses telles qu’elles sont ».
Des villageois de Baram pensent eux que les sacrifices israéliens et les combats à venir auront valu le coup si le résultat est une plus grande sécurité pour Israël.
« Toute organisation terroriste doit savoir que nous allons nous occuper d’eux quand ce sera le bon moment pour nous », lance Tsachi Shaked, 51 ans.
« Si le bon moment, c’est maintenant, alors nous allons devoir le faire maintenant. »