Un ministre accuse les chefs des forces de l’ordre de « rébellion » contre la coalition
Amichai Eliyahu affirme que le gouvernement est "empêché de gouverner". Yair Lapid l'enjoint de prouver ses dires ou de démissionner
Face à la vague d’attentats terroristes et de tirs de roquettes sur plusieurs fronts, un ministre a reproché, ce dimanche, aux responsables des forces de l’ordre de « se rebeller » contre la coalition et de l’empêcher de tenir ses promesses de campagne sur les questions de sécurité.
Le ministre du Patrimoine, Amichai Eliyahu, membre du parti d’extrême droite Otzma Yehudit, a publié dimanche un long message sur les réseaux sociaux accusant les accords d’Oslo, conclus dans les années 1990 avec les Palestiniens, d’avoir apporté « le chaos, sous couvert d’une paix de façade », d’une manière antidémocratique, « exactement comme aujourd’hui ».
Eliyahu a affirmé qu’il était impossible de remédier « pas plus en un jour qu’en trois mois » – allusion à la durée au pouvoir de l’actuel gouvernement – aux dégâts causés par les accords d’Oslo.
« Ceux qui nous ont apportés Oslo… sont prêts à cautionner le refus d’obéir [au sein de l’armée israélienne], saborder la loyauté des pilotes, l’économie de l’État d’Israël et la sécurité de chacun d’entre nous. »
En réponse à ce message, sur Twitter, une femme a dit à Eliyahu sa colère suite à ses propos, disant que le gouvernement ne pourrait finalement jamais mettre en œuvre ses promesses de campagne.
En réponse, le ministre a écrit que ses collègues et lui-même « s’engageaient toujours » sur les mêmes principes, mais que c’était compliqué « quand, dans le pays, des responsables des forces de l’ordre se « rebellent », contre toute attente. Nous devons tous nous mobiliser pour y parvenir. »
Le chef de l’opposition, Yair Lapid, a répondu qu’« un ministre du gouvernement qui accuse les chefs des forces de l’ordre de rébellion doit prouver ses affirmations ou être limogé sans délai ». Lapid a précisé qu’une telle « incitation à la haine contre la hiérarchie des forces de l’ordre [était] intolérable ».
Le député Yesh Atid et ex-président de la Knesset, Mickey Levy, a fait savoir que cette « déclaration haineuse et scandaleuse contre les responsables des forces de l’ordre – particulièrement en ces temps de tensions sécuritaires – était insupportable … Le temps est venu de mettre un point final à la folie et à la tyrannie des membres de cet épouvantable gouvernement. »
Dans son premier message, Eliyahu impute les accords d’Oslo à un groupe de personnes « qui n’avaient pas reçu le mandat de la population ». Ce groupe non spécifié, a affirmé le ministre, était « soutenu par les médias et un système juridique complaisant » et, « tout comme aujourd’hui… avait acheté le 61e vote par la corruption. »
En 1993, la Knesset avait voté à 61 contre 50 pour soutenir, à une faible majorité, les accords déjà conclus.
Le gouvernement actuel détient pour sa part 64 sièges sur les 120 que compte la Knesset.
Pendant 30 ans, affirme Eliyahu, « les citoyens d’Israël ont élu des gouvernements de droite et n’ont pas obtenu ce qu’ils voulaient, parce que le gouvernement est empêché de mener ses politiques à bien, comme tout le monde le voit aujourd’hui ».
Eliyahu poursuit en assurant que le changement ne peut advenir que si le « peuple de droite et religieux » prend le contrôle des postes clés « et ne permet pas aux groupes antidémocratiques de prendre la démocratie israélienne en otage ».
Ce message du ministre est publié le jour même où un document, qui aurait fuité des services de renseignement américains, affirme que de hauts responsables du Mossad encouragent les membres de l’agence d’espionnage et, plus largement la population, à manifester contre les projets de réforme judiciaire.
Le cabinet du Premier ministre a publié une déclaration au nom du Mossad, récusant ces informations comme « complètement fausses et infondées ».
« Le Mossad et ses responsables n’ont pas compétence sur la question des manifestations et demeurent fidèles aux valeur qui orientent son action depuis sa création », a conclu le communiqué.
Les manifestations de grande ampleur contre le projet de réforme judiciaire se poursuivent depuis maintenant 14 semaines, même après l’annonce par Netanyahu d’une pause dans la procédure législative pour négocier avec l’opposition.
L’opposition aux projets du gouvernement a conduit des milliers de réservistes de Tsahal à menacer de ne plus répondre à l’appel si le projet de réforme était mis en œuvre, au grand dam du gouvernement, qui les a accusés de trahison.
Le chef de Tsahal et le ministre de la Défense ont fait savoir que l’adoption du projet de loi sans consensus préalable était susceptible d’entrainer des conséquences graves.
Yair Netanyahu, le fils aîné du Premier ministre, a pour sa part accusé la CIA de soutenir les manifestations, et une source de haut niveau du cabinet du Premier ministre a affirmé que le gouvernement américain finançait les manifestations, accusations que les Américains ont à plusieurs reprises rejetées et qualifiées d’absurdes.
Le projet de réforme judiciaire de la coalition Netanyahu a vocation à affaiblir le rôle de contrepouvoir de la Cour suprême face au Parlement, et donner au gouvernement un contrôle quasi-absolu sur la nomination des juges.
Ses critiques estiment qu’il aboutira à la politisation de la Cour suprême, à la suppression des contrepouvoirs face à l’exécutif et au recul du caractère démocratique d’Israël. Ses partisans, de leur côté, assurent qu’il permettra de réfréner les ambitions d’un système judiciaire qui, selon eux, excède de loin ses compétences.