Un musée juif redonne à Anne Frank ses racines francfortoises oubliées
La plus tristement célèbre victime de la Shoah a quitté l'Allemagne pour Amsterdam à l'âge de 4 ans ; un nouveau musée de 58 millions d'euros présente des objets de famille inédits
FRANCFORT, Allemagne (JTA) – Bien qu’elle soit née dans la ville allemande, Anne Frank est principalement associée à Amsterdam, où elle s’est cachée pendant la Shoah et a écrit ses célèbres journaux intimes.
Aujourd’hui, un nouveau musée juif, doté de 58 millions d’euros et situé au cœur de Francfort, se prépare à présenter le profond attachement de la famille Frank à une ville qu’ils ont quittée pour la capitale néerlandaise en 1933, alors qu’Anne avait 4 ans.
Le centre de la famille Frank sera un élément clé de l’exposition principale du musée juif de Francfort, qui doit ouvrir ses portes le 21 octobre. Le centre présente des objets appartenant à la famille Frank qui n’ont jamais été exposés au public, notamment de l’argenterie, de la porcelaine et des œuvres d’art que les membres survivants de la famille à Bâle, en Suisse, ont conservées pendant toute la Seconde Guerre mondiale.
« D’une certaine manière, ils ont maintenu l’héritage familial en vie », a déclaré Mirjam Wenzel, directrice du musée, à la JTA lors d’un événement médiatique mardi. « Ils ont essayé de maintenir en vie certaines traditions de l’époque où ils vivaient ici, et possédaient une énorme maison et une banque privée. »
Mirjam Wenzel s’est dit particulièrement touchée par le soin apporté à l’argenterie.
« Elle est encore très propre », a-t-elle commenté.
La famille Frank faisait partie des milliers de Juifs allemands qui ont fui leur pays natal lorsque les nazis sont arrivés au pouvoir. Comme elle, un grand nombre d’entre eux ont finalement été tués lorsque les nazis ont balayé une grande partie de l’Europe occidentale.
Mettre en évidence le lien des Frank avec Francfort est certainement logique d’un point de vue marketing. Anne, qui a été assassinée à l’adolescence avec sa mère et sa sœur après la découverte de la cachette familiale en 1944, est probablement la victime de la Shoah la plus connue au monde. Son journal, publié en 1947, a été édité par son père, Otto, le seul membre de sa famille proche à avoir survécu à la guerre. Il est devenu un best-seller, a été traduit dans des dizaines de langues et a été adapté à de nombreuses reprises pour des films, des opéras et des comédies musicales.
Mais selon Mirjam Wenzel, les objets du centre Frank racontent une partie importante et souvent négligée de l’histoire – pas seulement d’Anne Frank, mais aussi des Juifs allemands. Pour elle, ces objets illustrent tout ce que la famille a perdu à cause du génocide.

L’un de ces objets est un service en porcelaine du 19e siècle portant une inscription commémorant le mariage de l’arrière-grand-mère d’Anne, Cornelia Stern. La fille de Cornelia, Alice Stern, a fui Francfort pour la Suisse en 1933, où elle a conservé de nombreux objets de famille jusqu’à sa mort en 1953.
Le nouveau musée, dont la construction a duré cinq ans et qui a été financé en grande partie par la municipalité de Francfort, s’étend sur une superficie de plus de 1 950 mètres-carrés et peut accueillir des milliers de visiteurs par jour. Il présente une architecture asymétrique spectaculaire avec de multiples fenêtres en forme de losange et un site web avancé qui intégrera la technologie de visualisation virtuelle développée dans certains des plus grands musées européens.
Mme Wenzel a déclaré que le nouveau musée, dont la municipalité assurera la gestion, fonctionnera comme « un centre éducatif pour la promotion des idées démocratiques et de la tolérance ».
Sara Soussan, conservatrice des cultures juives contemporaines du musée, a déclaré que le centre Frank sera le seul endroit en Allemagne à présenter sa propre exposition sur la famille, et qu’elle espère qu’il « mettra en lumière » une partie souvent oubliée de l’histoire d’Anne Frank.
L’inauguration est la première d’une série d’événements qui célébreront
1 700 ans de vie juive en Allemagne. Ces événements sont financés par le gouvernement et coordonnés par une association appelée 321-2021.
La célébration a lieu dans un contexte où les Juifs allemands traversent l’une des périodes les plus difficiles depuis la Seconde Guerre mondiale, avec la montée de l’antisémitisme musulman et d’extrême droite. L’année dernière, un homme armé d’extrême droite a tenté de s’introduire dans une synagogue de Halle pendant Yom Kippour et a fini par tuer deux personnes à proximité après ne pas avoir réussi à entrer dans le bâtiment. Ces dernières années, de nombreux cas de violence antisémite perpétrée par des personnes d’origine musulmane ont également été documentés en Allemagne.
« Je suis très ambivalent sur la question de la célébration », a indiqué Mme Wenzel. « Je sens que c’est une période d’insécurité dans laquelle, d’une part, il y a des voix juives, en particulier des jeunes, qui sont plus sûres d’elles, qui se distinguent, qui réclament leur place, qui redécouvrent les traditions qui avaient été interrompues. Et il y a une majorité, probablement, dans la communauté qui n’est pas sûre de savoir où cela pourrait mener, et cela fait remonter des craintes et des souvenirs ».