Un parti ultra-orthodoxe sommé de lever l’interdiction de candidatures féminines
Même si Agudath Israel accepte de changer ses règles, le parti souligne une mesure "symbolique" et "vide de sens" - aucune femme ne pouvant se présenter aux élections en tout cas
La Haute-cour de justice a ordonné au parti Agoudat Israël, jeudi, de changer son règlement d’ici 21 jours pour autoriser les femmes à se présenter aux élections, conformément à un accord conclu sur le sujet au mois de septembre.
Une clause dans le règlement stipule actuellement que seuls les hommes peuvent être candidats à un scrutin au sein de la formation.
Degel Hatorah et Agudat Yisrael forment l’alliance YaHadout HaTorah à la Knesset, qui fait partie de la coalition au pouvoir. Les deux partis ont officiellement fait scission cette semaine, précisant que cette rupture est « procédurale » et n’empêchera pas une présentation commune au scrutin d’avril.
Le parti avait accepté au mois de septembre de supprimer cette clause suite à une bataille juridique de trois ans entraînée par des plaintes déposées par de multiples groupes de femmes – et notamment certains qui représentaient les femmes ultra-orthodoxes.
La formation avait souligné à l’époque que cette initiative ne serait que symbolique dans la mesure où le Conseil des Sages de la Torah – qui décide de la représentation du parti et oriente ses actions – n’approuverait pas la candidature d’une femme.
Le tribunal a toutefois souligné dans son jugement qu’à l’avenir, les femmes répondant aux exigences d’Agoudat Israël et interdites de se présenter à un scrutin pourront porter l’affaire en justice sur la base de cette décision.
Suite à ce jugement, une source interne au parti a dit à Haaretz que cette décision était « largement populiste et vide de sens ».
« La formation ne fait aucune discrimination contre les femmes et elle les représente bien. Ne pas mettre de femmes sur les listes est basé sur une décision historique des grands rabbins depuis la fondation de l’Etat, et la Haute-cour sait qu’il n’est pas prévu de changer cela », a-t-elle déclaré.
« Nous respecterons les instructions de la Haute-cour en modifiant les termes des règles du parti parce que ce sont des sémantiques sans réelle signification », a-t-il ajouté, tout en soulignant que « les choses ne changeront pas dans les décennies à venir ».
La plainte devant la cour avait été déposée par Tamar ben-Porat, une femme laïque, qui avait été rejointe par les juristes Neta Ziv et Neta Levy du groupe Itach Maakei (Les femmes juristes pour la Justice sociale), qui représentent 10 organisations de femmes qui avaient souhaité prendre part à la plainte. Cette dernière avait aussi été soutenue par Nivcharot, un mouvement de femmes ultra-orthodoxes qui se décrit comme les « suffragettes » du début du 19e siècle.
La représentante de Nivcharot Estee Rieder-Indursky avait déclaré à i24 News, au mois de septembre, que les victoires symboliques aussi étaient importantes. « Pour nous, ce n’est pas 2018. C’est 1918, » a-t-elle déclaré. « Nous sommes au beau milieu du combat des suffragettes ».
L’avocate Neta Levy, pour sa part, a estimé que ce jugement est au contraire significatif, affirmant que la cour « a envoyé un message clair : celui que les femmes ne peuvent pas être discriminées au sein des partis israéliens ».
Aliza Lavie, députée de Yesh Atif et ancienne responsable de la commission de la Knesset sur le statut des femmes et l’égalité des genres, a indiqué ne pas être d’accord avec l’idée d’une représentation appropriée des femmes de la part des législateurs ultra-orthodoxes, notant que « lors des délibérations à la Knesset sur la santé, le bien-être et la sécurité personnelle des femmes ultra-orthodoxes, les députés ultra-orthodoxes sont habituellement absents ».
Lavie a qualifié le jugement émis par la Haute-cour de « début de processus », exprimant l’espoir qu’il ait « de nombreuses implications pour le quotidien des femmes ultra-orthodoxes, ainsi qu’en faveur des futures responsables ultra-orthodoxes de sexe féminin ».
Environ 11 % des 8,5 millions de citoyens israéliens sont haredim – ou ultra-orthodoxes. Reconnaissables, chez les hommes, par leurs chapeaux noirs et leurs longs vêtements de la même couleur, ils vivent souvent des vies isolées, séparés de la majorité juive plus laïque et adhérent étroitement aux lois juives. Les femmes ultra-orthodoxes portent traditionnellement de longues jupes et des chemises à manches longues et couvrent leurs cheveux quand elles sont mariées. Hommes et femmes sont séparés à la synagogue et lors des mariages et les femmes et les hommes sans lien de parenté s’abstiennent de tout contact physique.
Non seulement les femmes sont exclues de la politique mais la majorité des médias ultra-orthodoxes israéliens – qui comprennent quatre quotidiens, deux hebdomadaires principaux et deux sites internet – refusent de montrer des images de femmes, disant que ce serait une violation de la règle de la pudeur.