Un participant de la rave au kibboutz Reim raconte le cauchemar
Shye Weinstein a filmé son départ précipité du festival électro meurtrier en compagnie de ses amis : " On a ralenti uniquement aux checkpoints et pour éviter les corps"

Après avoir passé la nuit à danser lors d’une rave organisée dans le désert du Néguev, Shye Weinstein a immédiatement su que la fête était terminée quand il a entendu le premier tir de barrage de roquettes en provenance de Gaza, dans la matinée de samedi. Il est alors allé voir ses amis, qui se reposaient à l’écart de la piste de danse, dans la zone prévue à cet effet, et il leur a dit qu’il était temps de partir.
Comme le montre une vidéo filmée par Weinstein sur son téléphone mobile, son cousin et ses amis acceptent – à contrecœur – de quitter les lieux. Le bruit des roquettes est audible dans le clip.
« Initialement, il n’y avait que des roquettes », confie ce nouvel immigrant de 26 ans originaire de Toronto au Times of Israel.
« Quand on vit en Israël, les roquettes, ce n’est pas inhabituel. On a pensé qu’on allait prendre notre temps pour nous préparer à partir. On a pensé que c’était juste des roquettes, que le Dôme de fer suffirait à assurer notre sécurité », ajoute-t-il.
Weinstein, son cousin et leurs six amis de Tel Aviv avaient pris part à ce festival électro qui était organisé aux abords du Kibboutz Reim. Le rendez-vous de ces passionnés de musique électronique avait commencé vendredi soir et il avait attiré environ 3 000 personnes, majoritairement des jeunes.
Selon le dernier bilan, au moins 260 fêtards ont été abattus par des hommes armés du Hamas qui s’étaient infiltrés sur le sol israélien depuis Gaza, samedi matin.

Des images témoignent du chaos qui a suivi la nuit de fête lors de ce festival électro « Supernova Souccot » – des images capturées sur les téléphones mobiles de Weinstein et d’autres. Elles montrent des Israéliens jeunes et moins jeunes, terrifiés, courant dans de vastes champs, sans endroits possibles où se cacher, et parvenant à se dissimuler dans des vergers alors que le bruit des balles se fait entendre en arrière-plan.
Selon un nombre croissant d’analystes militaires, les hommes armés du Hamas avaient apparemment connaissance de l’organisation de cet événement qui se tenait dans un lieu isolé, et qui devait attirer beaucoup de monde. Ils ont encerclé les participants et ils ont abattu des dizaines de personnes avant de se rendre aux endroits où, selon toute vraisemblance, les autres fêtards s’étaient cachés avec la ferme intention de poursuivre leur massacre.

Les dizaines de vidéos – des clips courts – qui ont été tournées par Weinstein illustrent parfaitement le changement graduel d’état d’esprit des fêtards – qui passent de l’inconscience à l’inquiétude et de la confusion à la panique. Il a continué à filmer son retour à Tel Aviv dans une série de prises courtes, avec des images qui trahissent, à l’évidence, une main en proie à des tremblements.
Au début de cette matinée d’horreur, son groupe d’amis se contente de regarder, bouche bée, les roquettes traverser le ciel du petit matin. Le Canadien déclare alors à ses amis qu’il est temps de partir : « Une roquette ou cinquante – c’est terminé, préparons-nous à décoller », leur dit-il.
Pourtant, le groupe est lent à réagir : Comme de nombreux autres raveurs, les amis ont pris des stupéfiants et bu de l’alcool pendant la nuit.
Partis dans trois voitures différentes de Tel Aviv, lui et ses amis sont arrivés au festival électro vers deux heures du matin, samedi, où « ils ont dansé, bu, pris des substances illicites, rencontré des gens et passé du bon temps », explique-t-il. « C’est un festival de musique électro. Il y a des Israéliens, des Arabes et des Juifs, de bonnes vibrations et des gens sympas ».
Weinstein, qui vit en Israël depuis le mois d’avril, avait été informé de la rave par son cousin. « A la base, je ne voulais pas y aller parce qu’il y aurait vraiment beaucoup de gens », dit-il. Il avait finalement acheté le billet vendu à 300 shekels la nuit précédente « pour m’amuser avant l’hiver ».
Toutefois, comme l’indiquent les vidéos tournées sur son téléphone portable peu après 6 heures et demi du matin, au bruit des explosions se mêle tout à coup du bruit assourdi de coups de feu, encore dans le lointain.
« J’ai pensé que j’entendais des coups de feu à distance, pan ! Pan ! Pan… C’était un bruit très faible, des tirs qui se succédaient à grande vitesse… Mais les gens étaient détendus, autant détendus que possible dans une atmosphère marquée par des tirs de roquette », dit-il, riant à moitié. « Un type plus âgé que nous, Scheffer, qui habitait un kibboutz voisin, était allongé dans un hamac. On discutait tranquillement avec lui tout en récupérant nos affaires. »

Quand les coups de feu sont devenus véritablement audibles, les gens ont commencé à paniquer, raconte-t-il. Weinstein et ses amis se trouvaient d’ores et déjà dans l’aire de camping et de repos mise en place dans le cadre de la rave, à proximité de leurs voitures. « J’ai dit à mon cousin : ‘On prend uniquement ce qu’on peut et on s’en va’. A ce moment-là, il y avait tellement de roquettes dans le ciel, ça n’arrêtait pas ».
Une vidéo montre un ami de Weinstein en train de vérifier que ce dernier est bien en état de conduire. Il avait « seulement bu de l’alcool et de l’ecstasy, sept heures auparavant » – son cousin, quant à lui, était sous acide.
Dans la confusion et dans la panique générale, les voitures fuyant les lieux ont entraîné des embouteillages, avec les responsables de la sécurité, sur le site, et la police qui donnaient des ordres contradictoires, explique Weinstein. Plusieurs véhicules ont été abandonnés alors qu’ils attendaient de pouvoir sortir du périmètre de la fête à moitié bloqué par la police, continue le jeune homme, tandis que d’autres attendaient leur tour derrière des voitures vides, ignorant que leurs passagers les avaient laissées là.
« La police a bloqué l’une des voies qui se trouvait à la gauche de la sortie du parking. Tout le monde essayait de partir. Certaines personnes ont commencé à sortir de leurs voitures, elles couraient. Je pense que l’usage de stupéfiants n’a pas aidé les gens à réfléchir correctement et à bien réagir », poursuit-il.
« Tout s’est passé si vite, il s’est passé une heure entre le moment où on a entendu la première roquette et celui où on a entendu les premiers coups de feu. On était tous là, inquiets parce qu’il fallait sauver notre peau, après avoir passé un si bon moment », se souvient-il.

Les vidéos tournées par Weinstein montrent son véhicule parcourir un champ labouré alors que le petit groupe tente de trouver un autre moyen de quitter le festival électro. C’est quand le véhicule était dans le champ que la petite amie de son cousin, raconte-t-il, a suggéré à tous ses occupants de quitter la voiture et de courir. Les jeunes sont alors sortis de l’habitacle – s’accroupissant, face contre terre, en entendant de nouveaux coups de feu. Son cousin, de son côté, a fait part de son désaccord avec l’idée lancée par sa petite amie et il a décidé de réintégrer la voiture malgré tout, même en prenant le risque de rester à découvert. Une décision qui leur aura sauvé la vie, dit Weinstein.
Avec son cousin au volant – il avait « une cigarette à la bouche, brûlée jusqu’au filtre » – Weinstein explique avoir tenté de convaincre des fêtards qui prenaient la fuite à pied de monter à bord de la voiture, « mais ils ont simplement continué à courir ». Il a filmé un pick-up rempli de fêtards s’accrochant au toit du véhicule.
« On a vu des gens partir en vélo, on a vu des voitures abandonnées, des voitures criblées d’impacts de balle. Je me souviens d’une voiture en particulier, il y avait quelqu’un sur le siège avant avec un trou dans le visage. L’occupant avait tenté de fuir, il n’avait pas réussi et il avait reçu une balle dans sa voiture », déclare Weinstein.

Il dit que la voiture n’a ralenti que pour éviter les corps, dont le visage était tourné vers le sol, qui gisaient, épars, sur la route. Il ajoute avoir vu des dépouilles de soldats. Il raconte avoir traversé des checkpoints militaires, et avoir aperçu deux hommes, sur le côté de la route, qui portaient des cagoules et des mitrailleuses, peut-être des membres des forces spéciales, suggère-t-il.
« A chaque fois qu’une voiture passait devant nous, j’étais sûr que c’était le Hamas. A chaque fois qu’on voyait des gens qui ressemblaient à des soldats, devant nous, on ne savait pas si c’était des militaires ou des hommes du Hamas… On a ralenti uniquement aux checkpoints et pour éviter les corps », indique Weinstein.

Le retour a duré deux heures et demie – le véhicule a emprunté le réseau routier secondaire. « Et on s’est retrouvé là, à Tel Aviv, incapables de savoir ce qu’on devait faire ».
Leurs amis étaient portés-disparus. Il s’est avéré que plusieurs d’entre eux s’étaient cachés dans les bois pendant six heures, avant d’être secourus par l’armée. D’autres ont été blessés par balle mais ils ont survécu. « Je connais quelqu’un qui s’est caché dans le guichet qui distribuait les billets, qui a reçu une balle au bras et à la jambe ; il a finalement pu partir », raconte-t-il.
Des dizaines de fêtards sont encore portés-disparus. Ils ont probablement été tués ou pris en otage.
Alors qu’il s’efforce encore d’assimiler les horreurs dont il a été témoin, il dit que « je vivais dans la campagne, au Canada, entouré de champs et de forêts. Et j’ai failli ne pas aller à la rave ».
« Je ne comprends pas comment on a pu permettre à une telle chose d’arriver. L’attaque initiale, et la manière dont le Hamas a été en capacité de détruire le mur avec un bulldozer jaune vif. Comment a-t-on pu autoriser la tenue d’un festival électro à un endroit si proche de Gaza ? Comment cela se fait-il qu’il ait fallu six heures à l’armée pour riposter ? », interroge-t-il, sans grande surprise.
« Je suis tout simplement fou de rage », ajoute-t-il.
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