Un réserviste atteint de paralysie cérébrale gravit en béquilles le Kilimandjaro
Dans la glace comme dans la neige, Maayan Gabai a atteint le plus haut sommet d'Afrique avec 30 autres Israéliens et collecté un million de shekels pour l'ONG Shalva

Maayan Gabai, 24 ans, venait de gravir les 5 895 mètres du Kilimandjaro et il ne pouvait décemment plus faire un pas de plus. Il croise un autre grimpeur et les deux hommes se sourient.
« Je lui ai demandé en anglais d’où il venait », confie Gabai au Times of Israel. « L’alpiniste m’a répondu « Iran », avant de me demander d’où je venais. »
Nous étions alors 10 jours après la conclusion de l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, le 19 janvier. La guerre a commencé le 7 octobre 2023, lorsque des milliers de terroristes dirigés par le Hamas ont attaqué le sud d’Israël pour y tuer 1 200 personnes et faire 251 en otages.
Gabai n’a pas hésité et répondu : « Israël ».
Après trois années passées au service du porte-parole de Tsahal pour les affaires arabes, Gabai parle couramment arabe. Il connaît aussi un peu le farsi, et a ajouté : « Je t’aime. »
Le grimpeur a couru vers Gabai… et l’a pris dans ses bras.
« Il m’a dit que le peuple iranien aimait Israël et que le gouvernement iranien ne représentait pas le peuple », explique Gabai.

Cette rencontre inattendue a donné à Gabai la dernière dose d’énergie pour atteindre le sommet. Il a terminé le trek de huit jours sur le plus haut sommet d’Afrique en compagnie de 29 personnes et collecté plus d’un million de shekels en faveur de l’ONG Shalva, l’Association israélienne pour le soin et l’inclusion des personnes handicapées.
Cette ascension difficile a mis à l’épreuve tous les grimpeurs. Mais seul Gabai, qui souffre de paralysie cérébrale, a fait l’ascension avec des béquilles, dans la glace comme dans la neige.
« Cela n’a pas été, ça, le plus difficile », confie Gabai. « C’était de marcher pendant 18 heures d’affilée avec les pieds gelés. »

L’aide de Shalva a commencé à la maison
Shalva a été fondée en 1990 par Malki et Kalman Samuels, dans le but de créer un environnement thérapeutique dans lequel les enfants handicapés pourraient grandir et s’épanouir, peut-on lire sur le site Internet de l’organisation. L’approche du couple est fondée sur leur propre expérience, avec leur fils Yossi, devenu aveugle, sourd et hyperactif à la suite d’un vaccin.
Yossi avait huit ans quand Shoshana Weinstock, enseignante sourde en éducation spécialisée, a brisé le mur de silence de Yossi en épelant les mots en hébreu sur ses doigts. Elle a appris à Yossi son tout premier mot en hébreu, « shoulchan », qui veut dire table.

Petit à petit, les cours que le couple donnaient à huit enfants, leur fils inclus, l’après-midi, dans leur appartement de Jérusalem, se transforme en centre national.
Aujourd’hui, l’organisation propose des thérapies ainsi que des activités sociales et récréatives, comme par exemple le Shalva Band, qui a pris part au concours Eurovision de la chanson en 2019, ou la formation professionnelle offerte à des milliers de personnes handicapées. Les programmes sont tous gratuits.
« Nous offrons nos services par amour, gratuitement », explique Itamar Shevach, directeur adjoint et financier de Shalva, bénévole au sein de l’organisation depuis le collège. « Pour ce faire, il nous faut collecter beaucoup d’argent. »

Les « aventures » associées aux collectes de fonds de l’organisation ont lieu tout au long de l’année, poursuit Shevach, à commencer par la course à pied lors des marathons de Berlin, Londres ou New York ou encore le vélo au Vietnam. Ces aventures sont un moyen de « changer des vies ».
« L’ascension du Kilimandjaro fut vraiment difficile », reconnaît Shevach.
« Nous le faisons pour les enfants, les personnes et familles qui reçoivent l’aide de Shalva. Pour eux, ce n’est pas une question de semaine et puis c’est fini. Leurs dificultés sont permanentes. »
« Je m’empêchais de penser »
Gabai a fait l’ascension du Kilimandjaro avec Debbie Tannenbaum, 71 ans, mère de huit enfants, grand-mère de 40 enfants et arrière-grand-mère de deux petits-enfants. C’est sa petite-fille, Elisheva, qui le lui a suggéré.

Tannenbaum explique au Times of Israel que tout en collectant des dons pour Shalva, elle s’est préparée au trek en faisant du Pilates et en travaillant avec un entraîneur afin de rendre son corps plus robuste.
« Lors de l’ascension, je faisais en sorte de ne penser qu’à mettre un pied devant l’autre », confie Tannenbaum. « J’étais toujours en queue de peloton. » Elle souligne que Gabai marchait devant, avec les randonneurs les plus rapides.
« Il était très déterminé », témoigne-t-elle. « Tout le monde était en admiration devant lui. Tout le monde l’a aidé, pas en raison de son handicap mais comme ils l’auraient fait pour n’importe qui. Elle estime que c’est là le message principal de Shalva.

Une ascension « pleine de sens »
La paralysie cérébrale renvoie à un ensemble de troubles neurologiques qui apparaissent dans la tout-petite enfance ou à un jeune âge et affectent de façon permanente les mouvements du corps et la coordination musculaire. Elle est liée à des dégâts occasionnés au cerveau, lors de son développement, qui affectent la capacité à contrôler ses muscles. La paralysie cérébrale est le handicap moteur le plus fréquent chez l’enfant.
La mère de Gabai, Dina, explique au Times of Israel que Maayan a fait ses premiers pas, peu assurés, à l’âge de trois ans. À six ans, il se déplaçait avec des béquilles. Elle se rappelle que l’apprentissage de la marche s’est accompagné de chutes répétées.
« Chaque fois qu’il tombait, je tournais la tête pour qu’il ne me voie pas pleurer et je lui disais : ‘Allez, relève-toi’ », confesse Dina. « Si nous avions eu pitié de lui à l’époque, il serait toujours en fauteuil roulant. »

À l’époque, Gabai ne comprenait pas pourquoi sa mère refusait de l’aider. Mais aujourd’hui, dit-il au Times of Israel, il se rend compte que « le secret est de laisser la personne se débrouiller ».
Gabai avait six ans quand son père Gabi l’a emmené faire la randonnée
« D’une mer à l’autre », trek de trois jours entre Achziv, sur la Méditerranée, et la mer de Galilée, près de Tibériade. Gabai l’a faite à dos d’âne.

En 2019, Gabai s’est rendu au Népal avec la Fondation Erez – ONG qui aide les anciens combattants de Tsahal handicapés, les enfants et athlètes handicapés à pratiquer des sports extrêmes – pour faire l’ascension de l’Annapurna. Il dit que son frère Beeri, aujourd’hui âgé de 21 ans, l’a « porté dans [s]on fauteuil roulant tout en haut de la montagne ».
Mais il a tenu à gravir le Kilimandjaro par ses propres moyens. Il a pris une courte permission de la réserve, où il a servi durant la guerre au sein de la division des opérations de Tsahal, unité de la direction des opérations.
« Je n’étais pas du tout sûr d’arriver au sommet », admet-il. « En arrivant là-haut, j’étais tellement fatigué que je pouvais à peine marcher », et des porteurs l’ont aidé à redescendre jusqu’à mi-chemin.

« Et je n’en ai pas honte », précise-t-il. « Parfois, c’est vous qui aidez, d’autres fois, c’est vous que l’on aide. »
Le fait de gravir la montagne en compagnie d’autres Israéliens, en pleine guerre, a rendu le geste « encore plus significatif ». Il explique qu’il leur est arrivé de devoir marcher en pleine nuit, toute la nuit, et de s’arrêter le lendemain après-midi.
« Il y a la neige, et le niveau d’oxygène, qui donne l’impression de perdre la tête », rappelle-t-il. « Les réserves d’énergie sont au plus bas et on a l’impression de ne plus avoir aucun tonus. »
« J’étais tiraillé : pourrais-je ou non continuer ? » raconte Gabai. « Il n’y avait aucune raison de continuer et j’ai dû m’empêcher de penser. »
« Cette ascension m’a poussé dans mes derniers retranchements », conclut Gabai, qui aime parler de son histoire. « Elle m’a montré que les limites que l’on croit être les siennes ne sont pas nos véritables limites. On peut toujours aller plus loin. »
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