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Un siècle plus tard, les contes non-censurés de Sholem Aleichem disponibles en russe

Parce que le régime soviétique a empêché la diffusion de la nostalgie religieuse anti-communiste de l'auteur, ces nouvelles traductions sont pour beaucoup un premier coup d’œil dans la vie du shtetl

Le célèbre auteur en yiddish Shalom Aleichem, dont le centenaire était le 22 mai 2016, assis à son bureau (Crédit : autorisation YIVO Institute for Jewish Research)
Le célèbre auteur en yiddish Shalom Aleichem, dont le centenaire était le 22 mai 2016, assis à son bureau (Crédit : autorisation YIVO Institute for Jewish Research)

« Qu’est-ce qui pourrait être plus facile que d’acheter l’intégralité de la Terre d’Israël aux Turcs ? » écrit Sholem Aleichem en yiddish dans une histoire courte intitulée « Le mal du pays ». L’histoire décrit comment les habitants d’un shtetl imaginaire se voient présenter le sionisme.

« Au premier abord, bien sûr, ils devraient négocier – mais un rouble de plus ou de moins – quelle différence ça fait ? Et si les Turcs ne voulaient pas vendre la terre, pourriez-vous demander. Mais pourquoi ne le voudraient-ils pas ? Ils ont vraiment besoin de l’argent, et en outre, nous sommes leur peuple, vous pourriez dire que nous sommes parents, frères – Isaac et Ishmaël. »

Sholem Aleichem a écrit cette histoire il y a plus d’un siècle, quand la Palestine faisait toujours partie de l’Empire Ottoman, mais le public russe n’a pu la lire que récemment. Ceci s’explique par le fait qu’en l’honneur de l’anniversaire des 100 ans depuis la mort de l’auteur prolifique, certaines de ses histoires qui étaient censurées en Union soviétique ont été traduites en russe pour la première fois.

« Cette histoire exprime des sentiments sionistes. Elle nous montre le Sholem Aleichem que nous ne connaissions pas », explique le rabbin Boruch Gorin, rédacteur au Knizhniki, la maison d’édition basée à Moscou qui a traduit l’histoire du yiddish. L’histoire n’a pas été inclue dans les collections soviétiques car « elle ne trouvait pas sa place dans la façon dont les autorités soviétiques présentaient Sholem Aleichem », a-t-il dit.

Sholem Aleichem, mieux connu pour son histoire « Tevye le laitier » sur laquelle se base le film « Le violon sur le toit », est né dans l’Empire russe en 1859 et est mort en 1916.

Pourtant, bien que des collections substantielles de son travail aient été publiées en Union soviétique, certaines de ses histoires n’ont jamais été traduites – parfois pour des raisons obscures.

Parmi celles qui ne le furent pas se trouve le roman « La blague sanglante », une série d’histoires appelée « Les nouvelles lettres de Menachem Mendel » – dans lesquelles l’homme d’affaires malchanceux de Sholem Aleichem devient journaliste pour un quotidien de Varsovie – et quelques contes sur la vie dans le shtetl imaginaire de Kasrilevka.

Le rabbin Boruch Gorin est l'éditeur de Knizhniki, une maison d'édition basée à Moscou qui travaille à traduire du yiddish vers le russe (Crédit : autorisation)
Le rabbin Boruch Gorin est l’éditeur de Knizhniki, une maison d’édition basée à Moscou qui travaille à traduire du yiddish vers le russe (Crédit : autorisation)

Dans les pièces qui furent en revanche publiées en URSS, les passages faisant référence à la religion ont été coupés, tout comme les passages en hébreu que les traducteurs soviétiques (qui parlaient le yiddish mais pas l’hébreu) ne comprenaient pas, ajoute Gorin. Dans une histoire publiée en URSS dans les années 1930 lorsque la faim régnait en Union soviétique, même le repas du Shabbat fut censuré.

« Dans la traduction soviétique, la moitié des plats n’étaient pas inclus. Je pense qu’ils ne voulaient pas que les gens lisent combien on mangeait bien dans un pauvre Shtetl », affirme Gorin.

Au cours de ces dernières années, Knizhniki a publié « Les nouvelles lettres de Menachem Mendel » (qui n’avaient jamais été traduites du russe vers l’anglais auparavant), et « La blague sanglante », et a également produit une nouvelle traduction des histoires de Kasrilevka. L’histoire de Karsilevka la plus récemment publiée est « Velvel Gambetta », qui a été imprimée en mai pour le centenaire de la mort de l’auteur.

« Lorsque vous commencez à lire Sholem Aleichem, lorsque vous le voyez au théâtre ou au cinéma, vous commencez à imaginer ce monde »

« C’est intéressant de traduire Sholem Aleichem parce que c’est un écrivain très connu », ajoute Gorin. « Il est toujours populaire. »

Il a ajouté que Sholem Aleichem était si prolifique, qu’il restait beaucoup d’histoires à traduire du russe vers l’anglais.

Malgré les erreurs des Soviets concernant Sholem Aleichem, les livres d’autres auteurs en yiddish – parmi lesquels beaucoup ont vécu dans et écrit à propos de l’Empire russe – avaient encore moins de chances d’être traduites en russe.

Par exemple, Isaac Bashevis Singer, qui a reçu le Prix Nobel de litératture, était complètement inconnu en Union soviétique. Ses livres n’ont pas été traduits du tout vers le russe en raison de ses vues anti-communistes, affirme Gorin.

Les livres d’Isaac B. Singer et de son grand frère Israël J. Singer, qui était également un auteur reconnu, ont été imprimés pour la première fois en russe ces dernières années.

Au cours des six prochains mois, Knizhniki va publier la nouvelle historique de Zalman Shneur à propos de l’arrestation par le Tsar russe du premier Grand rabbin de la dynastie Chabad au 18e siècle.

Shalom Aleichem (Crédit : ‘Shalom Aleichem le Film', Wikimedia Commons)
Shalom Aleichem (Crédit : ‘Shalom Aleichem le Film’, Wikimedia Commons)

« Nous voulons présenter une grande culture européenne au public. C’est une culture oubliée que nous devons rendre aux lecteurs », affirme Gorin. « La littérature yiddish peut être comparée (dans sa sophistication) aux littératures anglaise et russe. Et pourtant il semblerait qu’elle soit morte en l’espace d’une génération. C’est une tragédie. »

Kirill Sahmanov, employé de 23 ans d’Hillel à Moscou, et fidèle acheteur des traductions, est tellement fasciné par les auteurs yiddish qu’il essaie de lire chaque titre après leur publication en russe. Il dit que de lire de la littérature yiddish est le seul moyen d’imaginer ce qu’était la vie juive dans l’ancien temps.

« Lorsque vous commencez à lire Sholem Aleichem, lorsque vous le voyez au théâtre ou au cinéma, vous commencez à imaginer ce monde. C’est ainsi que j’ai appris ce qui a trait à la culture juive – je ne vois pas d’autre moyen », a-t-il dit.

Traduire Sholem Aleichem et d’autres auteurs yiddish vers le russe est devenu possible récemment grâce à la création de nouveaux programmes dans les universités russes, programmes qui enseignent le yiddish et forment des traducteurs.

« Comme langue maternelle, elle est presque éteinte, donc les gens ont commencé à l’étudier », dit Gorin.

La Une du magazine ‘Lechaim’, publiée par Knizhniki, montrant une statue de Shalom Aleichem. (Crédit : autorisation)
La Une du magazine ‘Lechaim’, publiée par Knizhniki, montrant une statue de Shalom Aleichem. (Crédit : autorisation)

L’Université d’Etat de Moscou, l’Université d’Etat russe pour les humanités, et l’Université de Saint-Petersbourg ont toutes commencé à enseigner le yiddish au cours des années récentes – ce qui n’existait pas sous l’Union soviétique, a expliqué Valery Dymshits, un traducteur qui a appris le yiddish en classe. Même certains de ses enseignants n’avaient pas le yiddish comme langue maternelle, dit-il.

« Ce n’est que maintenant qu’il est devenu possible [de traduire du yiddish vers le russe]. Il n’y avait pas de spécialistes qui pouvaient le faire avant », a affirmé Gorin.

Malgré quelques problèmes avec les publications soviétiques, bien d’autres travaux de Sholem Aleichem ont été traduits vers le russe plutôt que vers l’anglais, a affirmé Itzik Gottesman, le président du Centre culturel Sholem Aleichem à New York.

En outre, les traductions russes étaient en général de meilleure qualité que les traductions anglaises, car elles étaient faites par des écrivains professionnels plutôt que par des universitaires, ajoute Gorin. Par exemple, l’écrivain réputé Isaac Babel a traduit et édité certains des travaux de Sholem Aleichem, mais les traductions ont été perdues après qu’il a été arrêté par la police de Staline.

En ce qui concerne les traductions anglaises de Sholem Aleichem, nombre d’entre elles sont actuellement épuisées.

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