Un tribunal rabbinique annule le mariage d’une agouna – une première
Deux ans après qu'Oded Guez a préféré fuir le pays plutôt que de donner le guet à sa femme, le tribunal de Haïfa a rétroactivement annulé le mariage
Un tribunal rabbinique officiel a annulé le mariage d’une juive israélienne à qui le mari refuse d’accorder le divorce religieux depuis 5 ans, a annoncé le tribunal lundi. Cette démarche est extrêmement rare.
Il y a deux ans, Oded Guez a fui le pays avec un faux passeport pour échapper aux sanctions et à la campagne de mise au pilori que le tribunal avait ordonné à son encontre, pour son refus d’accorder le guett (divorce religieux) à sa femme.
Lundi, le tribunal rabbinique de Haïfa a annoncé avoir trouvé un moyen légal d’autoriser la femme de Guez, dont le nom n’a pas été publié, de se remarier, même sans avoir reçu d’acte de divorce.
« Après d’intenses discussions, au cours desquelles la cour a entendu des témoignages, des opinions professionnelles et des évaluationS, et après d’intenses efforts mis en œuvre par la cour, il a été décidé d’annuler le mariage et d’autoriser Mme Guez à mettre un terme à son statut de ‘femme enchaînée' », a indiqué le tribunal dans un communiqué. « Cela signifie que le statut de Mme Guez est celui d’une femme célibataire qui n’a jamais été mariée. »
Le tribunal a indiqué que les détails du mécanisme légal par lequel le mariage a été annulé sont confidentiels.
« Je suis ravi que l’un des cas de ‘femme enchaînée’ les plus difficiles que la cour ait eu à traiter prenne fin », a déclaré le rabbin David Malla, directeur des tribunaux rabbiniques nommés par le gouvernement. « Cela démontre une fois de plus que la cour prend toutes les mesures dont elle dispose, à la fois opérationnelles et dans la loi juive, et ne ménage aucun effort pour soulager toutes les femmes enchaînées d’Israël ».
Guez est actuellement en Belgique, en attente d’extradition, après une chasse à l’homme à travers l’Europe. Le tribunal rabbinique avait établi qu’il était coupable d’une infraction pénale.
En 2016, Guez avait été limogé de l’université de Bar Ilan, après que la cour eut diffusé un ordre d’excommunication et avait ordonné la diffusion de son nom, de sa photo et de certains détails personnels.
Le limogeage était survenu une semaine après que la Haute cour d’Appel rabbinique eut émis un herem, un décret d’excommunication, contre Guez.
Le herem du tribunal rabbinique a dit que Guez ne devait pas être honoré, hébergé, autorisé à se rendre dans une synagogue ou même qu’on ne devait s’enquérir de sa santé ni lui rendre visite s’il est malade, entre autres interdictions, « jusqu’à ce qu’il se repente de son entêtement, écoute ses supérieurs, retire les ‘chaînes’ de sa femme et lui accorde un guet « .
Dans le judaïsme, les femmes qui ne reçoivent pas le guet, ou l’acte de divorce religieux juif, par leurs maris sont appelées agunot ou « femmes enchaînés », puisqu’elles ne peuvent pas se remarier selon la loi juive orthodoxe. Tous les enfants qu’elles ont en dehors des liens du mariage ne pourront se marier en vertu du droit orthodoxe religieux.
En Israël, les tribunaux rabbiniques fonctionnent comme des tribunaux aux affaires familiales pour les citoyens juifs et font partie d’un système judiciaire général, qui comprend également les tribunaux de la charia islamique. Ces tribunaux religieux ont le pouvoir d’accorder la garde des enfants et d’imposer de lourdes amendes et même des peines de prison.
Cette annulation survient deux semaines après qu’un tribunal rabbinique privé, supervisé par le rabbin Daniel Sperber et convoqué par le Center for Women’s Justice a annulé le mariage entre une femme et son mari, qui refusait de lui accorder le guet depuis 23 ans. Il s’agirait du cas le plus extrême de femme enchaînée.
Le center a dit que cette décision créait un précédent pour que le tribunal rabbinique puisse prendre de telles décision.
Une source proche du système des tribunaux rabbinique a dit au Center for Women’s Justice qu’il n’avait aucun doute sur le fait qu’il y avait un lien entre l’annulation dans l’affaire Gorodetzky et celle de l’affaire Guez.
Le groupe a fustigé la cour pour n’avoir pas donné de détails sur les mécanismes légaux ayant mené à la libération de l’épouse de Guez. « Nous pensons que le tribunal rabbinique doit faire preuve de davantage de transparence et diffuser une décision aussi importante que celle-ci », a déclaré le groupe dans un communiqué.
Tout en saluant la décision de lundi, le groupe a critiqué la cour pour les sanctions émises à l’encontre de Guez, qui l’ont conduit à fuir le pays, ce qui lui a causé du tort. « Nous tenons le tribunal rabbinique pour responsable d’avoir créé ce problème en premier lieu, en n’utilisant pas les moyens légaux à sa disposition, en ayant opté pour une campagne d’humiliation qui n’a fait qu’exacerber la situation. »
La ministre de l’Egalité sociale Gila Gamliel (Likud) a salué cette décision sur Twitter. « Tout le monde, homme ou femme, mérite le droit à la liberté et c’est aux institutions de l’état de le garantir », a-t-elle écrit.
La députée Rachel Azaria (Koulanou) a écrit sur Twitter que « lorsque le tribunal veut agir, il peut le faire ».