Une délégation d’Amérique latine en Israël sur fond de crise de l’antisémitisme
Cette initiative de diplomatie publique a permis à des responsables locaux d'Amérique centrale et du sud de découvrir les retombées du 7 octobre, une tentative d'apaiser la haine antijuive dans cette région du monde
Une délégation de maires originaires d’Amérique latine est venue, la semaine dernière, en Israël, en signe de solidarité avec les victimes du massacre commis par le Hamas dans la région frontalière de Gaza, le 7 octobre, et avec les autres citoyens du pays.
Cette mission, qui a été organisée par le Combat Antisemitism Movement du 10 au 14 mars, a permis à sept maires et autres responsables élus vivant dans des pays hispanophones de visiter les secteurs dévastés par les hommes armés lors de leur attaque meurtrière, le 7 octobre. Ils ont aussi pu rencontrer des familles d’otages et s’entretenir avec des diplomates israéliens du ministère des Affaires étrangères de Jérusalem.
Une expérience brève mais intense qui semble beaucoup avoir marqué les participants. « On nous a toujours dit qu’Israël est à l’origine du problème. Mais quand on vient ici, on constate que ce n’est pas le cas. On réalise que la réalité est différente », déclare Jose Anibal Flores Ayal, le maire de La Paz, au Honduras, à la fin de son séjour.
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Shay Salamon, chef de cette mission et directeur des Affaires hispaniques au sein du CAM, qui est également un ressortissant israélo-uruguayen, explique au Times of Israel que cette initiative de diplomatie publique est née d’une prise de conscience, celle « que la réalité a changé après le 7 octobre, à la fois pour l’État juif et pour le peuple Juif et nous devons faire évoluer nos actions en soutien à Israël ».
La délégation a compris des responsables élus des pays de tout le monde hispanophone : le Guatemala, le Chili, l’Uruguay, Panama, le Honduras. Les maires, qui sont tous à la tête de villes de taille moyenne – elles comptent entre 50 000 et 200 000 habitants – ne connaissaient que peu le conflit israélo-palestinien et un seul parmi eux était déjà venu en Israël dans le passé.
La délégation a aussi été rejointe par Pilar Rahola Martinez, ancienne maire-adjointe de Barcelone, journaliste de premier plan originaire de Catalogne, écrivaine et soutien d’Israël de longue date.
Cela a été difficile de trouver des maires volontaires pour prendre part à ce séjour, explique Salamon, l’organisateur, compte-tenu du sentiment anti-israélien qui grandit dans des parties variées de l’Amérique latine et des répercussions politiques d’une visite de solidarité faite dans un pays qui est souvent perçu comme l’agresseur.
« Nous avons envoyé plus de 200 invitations à rejoindre ce voyage en utilisant toutes nos relations personnelles », raconte Salamon. « Cela a été très triste de constater que la majorité des réponses ont été négatives, justifiées par toutes sortes d’excuses ou simplement parce que, nous disait-on, ‘la situation est compliquée’. »
« Dans ces moments-là, on est déçu et on se demande où sont vos vrais amis. Il y a des maires que je connais depuis des années qui m’ont tourné le dos. Et ça fait mal », ajoute-t-il.
« Nous savons maintenant avec quoi les Israéliens doivent vivre »
Carla Brittannia Garcia Borace est la gouverneure du district de Panama, le secteur administratif qui comprend notamment la capitale de cette république d’Amérique centrale, Panama City. S’exprimant à la fin de la visite, elle raconte qu’avant son départ pour Israël, sa famille s’inquiétait de son déplacement dans une zone de guerre – ajoutant qu’elle a néanmoins eu le sentiment qu’elle devait « afficher sa solidarité et rassembler tout son courage ».
« Nous savons maintenant avec quoi les Israéliens doivent vivre, nous l’avons vu de nos propres yeux », explique-t-elle. « Nous ne savions pas que les gens, ici, ont une application sur leur téléphone mobile qui les alerte en cas d’attaque à la roquette à n’importe quel moment et qu’ils doivent alors rejoindre un abri anti-aérien aussi vite que possible. Nous sommes tous profondément sous le choc ».
Garcia Borace se rappelle avec horreurs de la dévastation dont elle a été témoin à Nir Oz, l’un des kibboutzim les plus durement touchés par les terroristes du Hamas lors de leur attaque meurtrière du 7 octobre, et les récits portant sur des familles toutes entières qui ont été massacrées.
« Ils ne se sont pas inquiétés de savoir si leurs victimes étaient des enfants, des adultes, des personnes âgées ou des personnes en situation de handicap, même quand ils ont vu leurs visages paniqués et qu’ils ont entendu leurs cris. Ils ont tout simplement tué, violé, enlevé », s’exclame-t-elle.
« Les gens du monde entier peuvent avoir des idéologies politiques et des religions distinctes mais nous devons trouver le moyen de lancer le débat dans un cadre de dialogue et de compréhension mutuelle. Nous ne pourrons jamais tolérer la violence », poursuit-elle.
« Et en même temps, nous avons aussi vu combien les Israéliens font preuve de résilience et de patriotisme. Alors que la guerre en est à son cinquième mois, la vie continue dans le pays, les enfants vont à l’école, les gens travaillent dur et ils s’occupent les uns des autres », dit-elle.
Flores Ayal, maire d’une ville du Honduras, partage le même point de vue, saluant la ténacité dont la population israélienne fait preuve. « A mon retour, je serai une porte-parole pour les Israéliens. Je dirai aux gens combien ils sont travailleurs. Je parlerai du climat de tension constante dans lequel ils vivent et de leur désir de vivre en paix. Ils le méritent. J’espère que cette délégation ne sera pas la seule à pouvoir venir ici, » déclare-t-elle.
Le rôle de la diplomatie publique au niveau local
Évoquant le choix d’organiser un voyage d’études pour les maires et pour les gouverneurs locaux plutôt que pour des responsables des différents États, Salamon estime que « les responsables locaux sont à une position qui leur permet de réellement mettre en œuvre des politiques pour les citoyens ».
L’action au niveau local n’est pas une nouveauté pour l’organisation. Avant le 7 octobre, le CAM s’était investi dans les structures municipales de pays variés, exerçant des pressions en faveur de l’inclusion de la lutte contre l’antisémitisme dans les programmes d’éducation et il a aussi réclamé l’adoption de la définition de travail de l’antisémitisme qui a été élaborée par l’International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA).
Cette définition est saluée par les groupes juifs mainstream ainsi que par le gouvernement israélien – mais elle a toutefois été critiquée en raison de certains exemples qui l’accompagnent et qui, selon ses détracteurs, sont susceptibles d’entraîner une confusion entre mise en cause légitime de l’État juif et antisémitisme.
Parmi les réussites les plus notables du CAM sur ce sujet en particulier, l’adoption de la définition de l’IHRA par la ville de Rio de Janeiro, au Brésil, une adoption décidée au mois de novembre dernier.
Malgré les efforts qui sont livrés sur le terrain, les incidents antisémites, qu’ils soient physiques ou sur internet, sont devenus « quotidiens » en Amérique latine après le 7 octobre, déplore Salamon. « C’est un phénomène auquel nous n’avions jamais assisté auparavant », ajoute-t-il.
Il déclare que le massacre du 7 octobre et les événements qui ont suivi ont pris la communauté de la diplomatie publique par surprise.
« Même si nous avions de bons outils, l’attaque physique, dans le sud d’Israël, a été accompagnée par un assaut médiatique qui était en préparation depuis bien avant le 7 octobre. Il n’a pas été improvisé, nous savons qu’il y a des bots, en Iran et en Russie, qui ont ourdi un complot qui s’est déroulé parallèlement au massacre », soutient Salamon.
« Les ambassades israéliennes sont petites en Amérique Latine ; leurs ressources sont limitées et jamais elles n’auraient pu envisager et se préparer en vue d’un scénario tel que le 7 octobre. Sur le front de la société civile, nous avons fait tout ce que nous avons pu pour répondre à tout ça et nous continuons à le faire », continue-t-il.
« Pour en venir à une note plus positive, les communautés juives d’Amérique latine se sont impliquées dès le début. Des milliers de personnes sont descendues dans les rues pour faire part de leur soutien, parlant à la presse et continuant à se mobiliser de la même façon depuis des mois. Cela m’a surpris », fait-il remarquer.
Au cours de l’une des démonstrations les plus poignantes de solidarité, des rassemblements ont eu lieu dans la capitale de l’Argentine, à Buenos Aires, et à Montevideo et Punta del Este, en Uruguay, pour marquer le tout premier anniversaire de Kfir Bibas, le plus jeune otage se trouvant dans les geôles du Hamas, en date du 18 janvier.
Kfir avait seulement neuf mois quand il a été enlevé au kibboutz Nir Oz et ramené à Gaza par les hommes armés avec Ariel, son frère de quatre ans, et ses parents, Yarden et Shiri Bibas. La famille a la citoyenneté argentine. Après le massacre commis par le Hamas, le ministère des Affaires étrangères argentin avait révélé que sept ressortissants du pays avaient été tués et que quinze autres avaient été kidnappés.
Un sentiment anti-israélien en recrudescence en Amérique latine
Certains pays d’Amérique latine témoignent d’affinités de longue date avec l’État juif. Garcia Borace, gouverneure de Panama City, s’était félicitée du fait que son pays accueillait plus de 12 000 Juifs et Israéliens, une communauté florissante de commerçants s’étant développée autour du Canal du Panama, qui coexiste en paix avec la minorité arabe et musulmane locale.
Le pays avait été l’un des premiers membres des Nations unies à reconnaître l’État d’Israël lors de son établissement en 1948. Il a été dirigé, au 20e siècle, par deux présidents juifs et le président actuel, Laurentino Cortizo Cohen, est un chrétien pratiquant d’origine juive.
D’un autre côté, les relations diplomatiques avec d’autres pays d’Amérique latine, comme le Venezuela, sont gelées depuis plusieurs décennies et les tensions sont devenues encore plus vives depuis que la guerre opposant le Hamas à Israël au Hamas dans la bande de Gaza a éclaté, en particulier alors que le gouvernement est un gouvernement de gauche.
La Bolivie a rompu ses relations diplomatiques avec Israël au mois d’octobre tandis que le Chili, la Colombie et le Honduras ont rappelé leurs ambassadeurs peu après. Les liens sont également tendus avec le Brésil, la puissance régionale, qui est actuellement dirigée par le président Luiz Inacio Lula da Silva qui a comparé, au mois de février, l’offensive menée par Israël au sein de l’enclave côtière à la Shoah – un virage politique marqué par rapport à son prédécesseur Jair Bolsonaro.
Salamon, toutefois, reste optimiste, estimant que la diplomatie publique finira par payer. Parmi les réussites de son organisation lors de cette mission, note-t-il, le fait d’être parvenu à faire venir en Israël deux maires du Chili et du Honduras, deux pays qui appartiennent au bloc anti-israélien.
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