Une ONG demande une législation pour les travailleurs face au dérèglement climatique
Kav LaOved craint que la hausse des températures et les phénomènes météorologiques extrêmes n'aggravent les risques dans l'agriculture, la construction et d’autres domaines
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
Un nouveau document de synthèse publié en anglais jeudi par le service d’assistance aux travailleurs de Kav LaOved accuse Israël d’être »muet » dès lors qu’il s’agit de l’impact du dérèglement climatique sur les travailleurs en extérieur, dont beaucoup sont des travailleurs étrangers, ou des Palestiniens et des Israéliens issus de milieux socio-économiques défavorisés, ainsi que des migrants et des demandeurs d’asile.
Bien que le ministère de la Santé ait publié le mois dernier un guide visant à réduire l’exposition des travailleurs à des risques tels que le stress thermique, avec des recommandations concernant la rotation du travail, les pauses, la formation des travailleurs et la nécessité de les encourager à s’hydrater, il n’existe actuellement « aucune exigence réglementaire sur le marché du travail pour examiner les alertes ou adhérer aux règles de sécurité et de santé adaptées au stress thermique, aux niveaux de radiation, à la force du vent, à la pollution de l’air et à d’autres facteurs pertinents sur le lieu de travail », indique le rapport.
L’année dernière, Nir Dekel, 54 ans, employé de l’Israel Electric Corporation (IEC), a été tué à la centrale électrique de Rutenberg, sur la côte sud de la Méditerranée, près d’Ashkelon, lorsque des vents violents ont renversé la grue sur laquelle il travaillait.
Selon la ligne d’assistance, les travailleurs dans des secteurs tels que la construction sont déjà confrontés à différents risques résultant d’un manque de supervision. Le nombre d’ouvriers tués sur les chantiers israéliens est 2,5 fois supérieur au nombre recensé dans l’Union européenne (pour 100 000 travailleurs), indique l’organisation, qui utilise sa propre base de données sur les accidents du travail, car l’État n’en possède pas.
Le service d’assistance téléphonique craint que les conditions dangereuses ne soient exacerbées par les fortes chaleurs et les phénomènes météorologiques extrêmes, dont l’intensité et la fréquence augmentent en raison du dérèglement climatique.
Le document de la hotline décrit les risques tels qu’ils ont été identifiés par l’Organisation internationale du travail.
Il s’agit notamment de l’exposition au rayonnement solaire, en particulier aux rayons ultraviolets, du stress thermique (surchauffe), de la pollution de l’air et de l’augmentation attendue des parasites tels que les tiques et les moustiques.
Malgré cela, la version la plus récente de l’ordonnance israélienne de 1970 sur la sécurité au travail ne précise pas les niveaux autorisés d’exposition à la chaleur ou aux radiations. Elle n’exige pas non plus que les employés travaillant dans des conditions extrêmes subissent des tests réguliers. Bien qu’il existe des règles concernant les vêtements qu’un travailleur doit porter au soleil, il n’y a pas de critères permettant de déterminer si un travail est sans danger ou risqué. En outre, la réglementation ne s’applique pas au jardinage, à l’assainissement et au nettoyage.
Selon le document, l’ordonnance couvre l’escalade des infrastructures ou le travail en hauteur dans des conditions météorologiques extrêmes, mais laisse à l’entrepreneur la responsabilité de décider de la poursuite du travail et ne définit pas les conditions dangereuses.
La hotline, qui tente de protéger les travailleurs les plus vulnérables en Israël, note que les emplois qui sont les plus affectés par le dérèglement climatique sont généralement occupés par des Israéliens issus des couches socio-économiques les plus basses, des Palestiniens et des travailleurs étrangers originaires de pays tels que la Thaïlande dans le cas de l’agriculture, et la Chine, la Turquie, la Roumanie et l’Inde pour les chantiers de construction.
Les personnes travaillant pour des agences dans des domaines tels que le jardinage et le nettoyage sont en général des travailleurs migrants et des demandeurs d’asile, indique l’organisation.
Parmi les autres groupes exposés aux effets du réchauffement climatique en raison de leur travail à l’extérieur, on trouve les inspecteurs et les personnes travaillant dans des domaines liés aux infrastructures, tels que l’électricité, l’eau et les communications.
Le rapport signale que diverses sources d’information sur le climat sont disponibles, par exemple auprès du Service météorologique israélien (IMS).
Le rapport indique toutefois que si les ministères de la Santé et de l’Éducation utilisent les données de l’IMS pour fournir des conseils sur les activités en dehors de l’école ou sur les risques encourus par les enfants et les jeunes, le ministère du Travail n’exige pas des employeurs qu’ils utilisent ce type de données pour protéger les travailleurs.
Le rapport conclut que « si l’État d’Israël est loin derrière les pays de l’OCDE en matière de réduction des émissions et de préparation de son économie à la crise climatique et à ses conséquences, il reste également silencieux quant à l’impact de la crise sur la sécurité et la santé sur le lieu de travail ».
L’organisation réclame des règles claires, définies à l’avance et fondées sur les connaissances professionnelles, précisant les heures inadaptées au travail, les temps de repos à prendre lors d’activités pénibles, la manière dont le travail doit être effectué dans des conditions météorologiques extrêmes et les cas où le travail doit être strictement interdit.
« Ces décisions ne devraient pas être laissées à la seule discrétion du contremaître sur le terrain, dont les intérêts sont souvent en conflit avec ceux des travailleurs », poursuit le rapport.
Parmi les recommandations de la hotline figurent la création d’un centre d’information basé sur les sources existantes, le financement de la formation et de l’information des travailleurs, ainsi que la supervision et l’application des règles de santé et de sécurité.
Diana Baron, responsable de la politique publique à la ligne d’assistance aux travailleurs, qui a rédigé le rapport, a déclaré au Times of Israel que l’Etat hébreu n’avait pas encore ratifié deux conventions clés de l’Organisation internationale du travail sur la sécurité et la santé au travail.