Une petite communauté juive au Nouveau-Mexique veut racheter sa première synagogue
Le bâtiment, qui était devenu une église, a été mis en vente par le diocèse le mois dernier pour récolter des fonds en vue d'indemniser des victimes d’abus sexuels commis par des membres du clergé
La bar-mitzvah de Neal Behrendt a été la toute première célébrée par la synagogue Montefiore, à Las Vegas, au Nouveau-Mexique, en plus de 75 ans.
Cela tient principalement au fait que la communauté juive locale est peu nombreuse : la mère de Neal, Nancy Terr, se souvient que lorsque sa famille s’y est installée en 1958, les habitants avaient plaisanté, disant que grâce à eux, la population juive de la ville avait doublé.
Mais cela tient aussi au fait que le bâtiment qui abritait la synagogue Montefiore est devenue une église dans les années 1950.
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Aujourd’hui, Terr et bien d’autres à Las Vegas, Nouveau-Mexique, ville d’environ 13 000 habitants située à une heure de route de Santa Fe, entendent racheter Montefiore, la toute première synagogue du Nouveau-Mexique.
A cette fin, ils ont lancé une campagne de financement participatif, avec un objectif de collecte de 200 000 dollars d’ici la fin du mois de septembre.
Ils ont déjà recueilli près de la moitié des fonds, sous forme de dons venus de tous les États-Unis et même au-delà, suite à la publication de leur campagne sur les réseaux sociaux début septembre.
La communauté juive de Las Vegas, qui s’est constituée en organisation officielle à but non lucratif depuis 2010 mais existe à l’état de groupe informel depuis beaucoup plus longtemps, souhaite racheter le bâtiment depuis plus de 20 ans, explique Terr.
Mais le bâtiment n’a été mis en vente par le diocèse que le mois dernier afin de récolter des fonds pour indemniser des victimes d’abus sexuels commis par des membres du clergé.
Lorsque l’Eglise a annoncé son intention de vendre cette propriété, des rumeurs ont circulé sur les intentions d’une université locale, désireuse d’acheter le terrain et d’en faire un parking.
« Cela nous a choqués d’imaginer une chose pareille », confie Terr, qui dit avoir entrepris des démarches pour demander l’inscription de la synagogue Montefiore à l’Inventaire national des monuments historiques.
Inaugurée la semaine précédant Rosh HaShana en 1886, la synagogue s’est construite lorsque la création du chemin de fer a conduit des marchands juifs, la plupart d’ascendance allemande, à l’ouest.
Bien que les Juifs n’aient jamais été très nombreux à Las Vegas, ils étaient appréciés. En effet, la moitié des personnes qui ont fait un don pour la construction de la synagogue, dans les années 1880, n’étaient pas de confession juive, selon l’ouvrage A History of the Jews in New Mexico de l’historien Henry Tobias. En outre, l’ouverture de la synagogue a été saluée par une chorale presbytérienne.
Le maire de la ville, Louie Trujillo, a déclaré au Las Vegas Optic en
mars : « Cette ville n’existerait pas sans les marchands juifs qui se sont installés ici dans les années 1800. »
En 1922, la communauté juive se développe et la synagogue est déplacée à un autre endroit, à quelques pâtés de maisons de là. En revanche, en 1950, la population juive s’est tellement contractée que la communauté ne peut plus assumer les frais de la synagogue et les offices à la synagogue Montefiore cessent.
En 1957, l’église biblique de Las Vegas rachète le bâtiment pour 8 000 dollars, mais face aux réparations importantes à prévoir, le revend à l’archidiocèse de Santa Fe en 1964. L’édifice abrite aujourd’hui un centre communautaire catholique, sur le campus de la New Mexico Highlands University.
Dans les années 1990, la communauté juive locale connaît un mouvement de résurgence du judaïsme, à la faveur de familles redécouvrant leurs racines, comme ces descendants de Juifs officiellement convertis au catholicisme pendant l’Inquisition espagnole, mais qui ont secrètement maintenu leurs coutumes.
Ces 65 dernières années, les Juifs de la communauté n’ont eu d’autre choix que de se déplacer à Santa Fe pour aller à la synagogue. Selon Terr, il leur est arrivé de louer le bâtiment Montefiore pour des événements spéciaux, en prenant soin de couvrir les croix et autres symboles chrétiens.
La communauté juive d’aujourd’hui est modeste, mais active, et propose des activités juives, que ce soit des cours de danse israélienne, des événements, des célébrations de Hanoukka et des activités de nettoyage au cimetière de Montefiore, l’un des premiers cimetières juifs établis à l’ouest du fleuve Mississippi.
Elle organise également des événements pour les étudiants au United World College of the American West, pensionnat membre d’un réseau initialement financé par l’homme d’affaires juif, Armand Hammer.
Diana Presser, ex-secrétaire du groupe installée à Las Vegas dans les années 1990 après être tombée amoureuse de cette petite ville, est très impliquée dans la vie de la communauté juive.
« Pour moi, la communauté juive est une véritable bénédiction », confie Presser, qui estime à 20 le nombre de Juifs vivant à Las Vegas. D’après elle, une douzaine d’entre eux ont organisé des services, seuls ou avec l’aide d’un rabbin en visite, au domicile de membres de la communauté ou dans des espaces loués.
Aujourd’hui, ils se sont lancés dans une entreprise plus ambitieuse
encore : collecter les fonds nécessaires pour racheter ce qui fut leur toute première synagogue.
La communauté a obtenu un prêt-relais pour le rachat de la synagogue ainsi qu’un financement pour ses opérations générales de la part de la Fédération juive du Nouveau-Mexique, peu de temps avant que cette dernière ne soit secouée par des accusations de harcèlement et de mauvaise gestion de son PDG . (Terr est membre du conseil d’administration, selon le site Web de la fédération.)
La communauté juive de Las Vegas a donc lancé un GoFundMe [campagne de financement participatif] qui, jeudi, avait déjà recueilli près de 100 000 dollars. De nombreux Chrétiens soucieux de voir la communauté prospérer ont apporté leur soutien à cette campagne, se réjouit Terr, notant qu’ils bénéficieraient de cours d’hébreu en échange.
Le groupe a bon espoir de racheter les locaux mais les frais d’entretien d’un bâtiment vieux de 136 ans restent un sujet de préoccupation.
La communauté peut utilement s’inspirer d’histoires similaires.
Pas plus tard que le mois dernier, en effet, la communauté juive d’Helena, dans le Montana, a conclu un accord avec l’Église catholique, suite à plusieurs mois d’efforts pour racheter la première synagogue de l’État, en partie grâce au financement participatif.
Lors d’une cérémonie organisée le 26 août dernier, le bâtiment a été remis à la communauté juive du Montana. Terr espère que sa communauté de Las Vegas connaîtra, elle aussi, un dénouement heureux, avec l’aide de l’Eglise.
« C’est un rêve de retrouver notre synagogue », conclut Terr à propos du bâtiment de Montefiore. « Ne serait-ce pas génial d’y parvenir ? »
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