« Une vie nous sépare » : quand un lycéen rencontre une rescapée de la Shoah
Dans son documentaire et livre sortis en début d’année, Baptiste Antignani, 18 ans, raconte sa rencontre et son amitié avec Denise Holstein, rescapée d’Auschwitz âgée de 92 ans
La Shoah, vue par les yeux d’un lycéen : dans le documentaire et livre « Une vie nous sépare », sortis tous deux en début d’année, Baptiste Antignani, 18 ans, raconte sa rencontre et son amitié avec Denise Holstein, rescapée d’Auschwitz âgée de 92 ans. Les deux amis, qui ont 74 ans d’écart, ont été scolarisés dans le même lycée de Rouen – lui encore récemment, elle jusqu’à la guerre il y a près de 80 ans. Elle est la seule rescapée rouennaise d’Auschwitz.
Dans son récit, le jeune homme écrit et rend hommage à : « Son regard malicieux, celui d’une camarade toujours prête à rire. Ses cartouches de cigarettes entassées dans un placard près des photos de famille. Ses trous de mémoire de vieille dame, sa difficulté à comprendre la souffrance des autres, pensant qu’elle n’égalera jamais la sienne. Sa manière de parler de ‘maman et papa’ comme une adolescente qui a encore besoin d’eux pour grandir. Son inquiétude récurrente face à ma situation scolaire. Sa vision bien à elle de la politique, sa peur des rassemblements, de la colère, de la foule. Ses anecdotes heureuses dans des moments de grande tristesse. Son sourire qui efface ses larmes. Ce sont tous ces petits détails que je retiendrai de Denise, non pas l’image d’une survivante des camps de la mort, mais celle d’une femme à la poursuite du bonheur comme chimère. »
S’il affirme ne rien avoir ressenti lors de la visite du camp d’Auschwitz avec sa classe, Baptiste Antignani a été bouleversée par sa rencontre avec Denise Holstein.
Née dans une famille juive à Rouen en 1927, elle a été déportée avec sa famille le 15 janvier 1943, avant d’être conduite au camp de Drancy, puis Auschwitz, où ses parents ont péri quelques mois plus tard.
Après avoir été transférée au camp de Bergen-Belsen à la fin 1944, Denise Holstein a été libérée en avril 1945, se trouvant dans un état de grave détresse physique. Elle est devenue vendeuse puis secrétaire médicale à son retour de déportation et a eu trois enfants. Elle a commencé à témoigner de son histoire auprès des jeunes dans les années 1990. Elle a été décorée Chevalier de l’ordre des Palmes académiques en 2001 et Chevalier de la Légion d’honneur en 2006.
“Je suis revenue maintenant mais ces visions d’horreur, je crois, ne pourront plus jamais me quitter, et d’ailleurs je ne veux pas oublier, les Français oublient eux beaucoup trop vite et surtout ceux qui n’ont pas souffert, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas passés entre les mains des Allemands”, écrit-elle dans son Manuscrit de Cayeux-sur-Mer juillet-août 1945.
Réalisée avec Raphaëlle Gosse-Gardet, le documentaire « Une vie nous sépare », émouvant et sensible, qui apporte un nouveau regard sur la Shoah, est disponible sur la plateforme MyCanal.
Le livre éponyme est disponible aux éditions Fayard (15 euros).
Glenn Cloarec a contribué à la rédaction de cet article.