Israël en guerre - Jour 349

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Interview

Yair Golan : Seul le Camp démocratique peut guérir les maux d’Israël

Pour le n°3 de la liste de l'union de gauche, le parti peut élargir le centre-gauche, déloger Netanyahu, et "continuer le désengagement" en fixant les frontières d'Israël

Raoul Wootliff est le correspondant parlementaire du Times of Israël

Le major général à la retraite, Yair Golan assistant à une discussion tenue à l'Institut israélien de la démocratie, à Jérusalem, le 7 juillet 2019. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Le major général à la retraite, Yair Golan assistant à une discussion tenue à l'Institut israélien de la démocratie, à Jérusalem, le 7 juillet 2019. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Yair Golan a été exposé pour la première fois sous les feux de la rampe lorsque, en tant que chef d’état-major adjoint de l’armée israélienne, il a provoqué une vague de critiques en disant devant l’assistance, lors de Yom HaShoah, la cérémonie nationale de commémoration de la Shoah de 2016, avoir observé dans l’Israël d’aujourd’hui des tendances qui rappellent celles qui prévalaient en Europe avant la Shoah.

« S’il y a quelque chose qui me fait peur dans la mémoire de la Shoah, c’est d’identifier les processus horribles qui se sont produits en Europe … il y a 70, 80 et 90 ans et de trouver des preuves de leur existence ici au milieu de nous, aujourd’hui, en 2016 », a déclaré Golan pendant l’événement, dans un discours fort peu commun pour un commandant militaire.

Les propos du général ont immédiatement suscité la censure de tous les partis politiques ; même ceux qui partageaient ses idées ont dit qu’il avait mal choisi ses mots et le moment. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, en tête d’un déferlement de critiques de la droite, a fustigé Golan, qualifiant ses propos d’“outrageants” et disant qu’ils « sont méprisants pour la Shoah ». Au milieu du tollé, Golan a rapidement clarifié ses propos, disant qu’il n’avait pas l’intention de comparer Israël à l’Allemagne nazie.

Lundi – s’adressant au Times of Israel quelques jours après un accord d’unité passé entre son Parti démocrate israélien, Meretz et l’ex députée travailliste Stav Shaffir qui l’a propulsé à la troisième place dans la liste du nouveau parti Camp démocratique à la Knesset – Golan ne s’en est pas seulement tenu à ses propos de 2016 mais a affirmé que ces derniers constituent la raison qui l’avait décidé de se lancer en politique.

Yair Golan, alors vice-chef d’état-major, en août 2015. (Crédit : Gefen Reznik/unité des porte-paroles de l’armée israélienne)

« Je pense que tout ce que j’ai dit dans mon discours à Yom HaShoah a en fait été étayé par les événements des trois dernières années – avec la corruption, avec les processus dont j’ai parlé », a-t-il déclaré dans une interview téléphonique.

Golan, un officier bien considéré qui a occupé un certain nombre de postes de haut niveau au cours de sa carrière militaire de 37 ans, avait appelé à une « réflexion approfondie » sur la manière dont la société israélienne traite les défavorisés et « l’autre » en son sein, mettant en garde contre l’insensibilité et l’indifférence croissantes envers ceux qui ne font pas partie de la majorité.

« Je n’avais pas l’intention de dire que nous sommes exactement comme les nazis ; ce serait une chose stupide à dire. Je n’ai pas l’intention de dire que ce que nous avons ici est exactement la même chose », a souligné l’ancien major général dans notre conversation. « Mais, vous savez, nous devons tirer quelques leçons de l’histoire et nous devons être à la fois très sensibles et très critiques dans nos rapports avec nous-mêmes. »

Selon Golan, 57 ans, l’ancien Premier ministre Ehud Barak, qui a recruté Golan le mois dernier pour son Parti démocrate israélien naissant, a décidé de revenir en politique précisément pour mettre fin aux « processus » qu’il avait mis en exergue dans son discours de Yom HaShoah.

L’ancien Premier ministre Ehud Barak (g) serre la main de Yair Golan en annonçant la formation de son nouveau parti, à Beit Sokolov, à Tel Aviv, le 26 juin 2019. (Crédit : Jacob Magid/Times of Israel)

« C’est très simple. Ehud Barak est revenu dans l’arène politique pour ma raison principale – changer le gouvernement, et c’est ce dont nous avons le plus besoin », a déclaré Golan, défendant la décision de l’ancien Premier ministre de former un nouveau parti de gauche défiant Netanyahu.

« En changeant de gouvernement, en changeant la direction de la société israélienne, en supprimant les mouvements extrémistes, les mouvements radicaux – d’une certaine manière, même les mouvements anarchistes », a déclaré Golan, leur nouveau groupe politique vise à « nous remettre sur la voie du véritable sionisme et sur celle des valeurs libérales démocratiques ».

Diriger la gauche

Lors de leur première conférence de presse jeudi dernier, les dirigeants de la nouvelle alliance de gauche, le Camp démocratique, se sont engagés à travailler pour empêcher que Netanyahu soit réélu le 17 septembre prochain.

« Nous nous engageons sur une voie qui, dans un mois et demi, conduira au remplacement de la direction actuelle et au changement social », a déclaré Nitzan Horowitz, président du parti Meretz, qui dirigera la liste commune le jour du scrutin. Le nouveau parti, a dit M. Horowitz, défendra Israël contre le « racisme, la corruption, l’occupation et la coercition religieuse » menés par le gouvernement Netanyahu.

Malgré divers désaccords politiques internes apparents, le nouveau parti, dans l’accord de fusion signé par chaque faction, s’engage sur trois principes clés qui le situent résolument à gauche : la recherche d’un accord de paix avec les Palestiniens sur la base de la solution à deux États ; la non-adhésion à un gouvernement de droite ; et l’annulation de la loi controversée sur l’État-nation juif adoptée l’année dernière, qui consacre Israël comme État-nation du peuple juif et a été critiquée par des groupes minoritaires pour ne pas avoir pris d’engagement en faveur de l’égalité pour tous les citoyens israéliens.

Bien qu’il puisse y avoir d’autres partis dignes d’intérêt dans l’arène politique, comme le dit Golan, seule une union de gauche avec Barak dans un rôle de direction peut vraiment réparer les maux qui justifient de comparer les aspects actuels d’Israël à ceux de l’Allemagne d’avant-guerre.

Le président de Meretz Nitzan Horowitz, à droite, le chef du Parti démocrate israélien Ehud Barak, gauche, et la députée Stav Shaffir font une conférence de presse pour annoncer leur nouvelle alliance, le Camp démocratique, avant les élections du 17 septembre, à Tel Aviv le 25 juillet 2019. (Tomer Neuberg/Flash90)

Citant une foule de questions, allant de la religion et l’État aux attitudes envers la solution à deux États, Golan a dit que lui et Barak « sont venus sur la scène politique pour un but principal : revigorer le système politique, combattre âprement le gouvernement Netanyahu et unifier la partie centre gauche du système politique parce que cela ne tient pas debout d’avoir deux, trois partis qui, en fait, ont à peu près la même idéologie ».

Lorsqu’on lui a demandé s’il pensait que la fusion avec Meretz et Shaffir du Parti travailliste avait atteint cet objectif, Golan a admis qu’elle aurait été « beaucoup, beaucoup plus efficace », si l’ensemble du Parti travailliste avait rejoint le parti, mais a répondu ne pas avoir abandonné le processus de rallier ce dernier et son leader, Amir Peretz, au sein de la coalition.

« Je n’ai toujours pas perdu espoir et peut-être que dans les prochains jours, nous verrons peut-être aussi Amir Peretz se joindre à nous », a déclaré M. Golan, concédant qu’à deux jours du dépôt des listes finales des partis, les chances étaient « vraiment minces ».

L’annonce de l’alliance la semaine dernière s’est faite dans un climat de colère persistante à gauche face à la décision de Peretz de fusionner avec le parti Gesher de l’ancienne députée d’Yisrael Beytenu, Orly Levy-Abekasis, qui est plus à droite sur la scène politique et n’a pas recueilli suffisamment de voix pour entrer à la Knesset lors des élections d’avril.

Depuis, les sondages ont prédit une solide performance pour le Camp démocratique – entre 8 et 12 sièges à la Knesset – les Travaillistes connaissant une baisse à seulement 5 sièges dans deux des trois sondages publiés ce week-end, à peine plus que le seuil électoral.

Des gens marchent près d’affiches de campagne électorale montrant le chef du Parti travailliste Amir Peretz, (à gauche), et Ehud Barak, (à droite), à l’entrée de Jérusalem, le 17 juillet 2019. (Noam Revkin Fenton/Flash90)

Séparer l’électorat ou l’élargir ?

Lors des élections d’avril, le parti au pouvoir, le Likud et son rival Kakhol lavan, ont remporté 35 sièges chacun à la Knesset, qui compte 120 sièges, mais sans le soutien du chef obstiné d’Yisrael Beytenu, Avigdor Liberman, ni l’un ni l’autre n’a pu former une coalition majoritaire. En l’absence d’une solution claire à cette impasse, les deux partis construisent à nouveau leurs campagnes en se démarquant l’un de l’autre, dans l’espoir qu’en gagnant plus de sièges que l’autre, le président Reuven Rivlin les chargera de former un gouvernement, indépendamment des calculs de coalition.

Le Camp démocratique bouleverse les plans de Kakhol lavan : Les premiers résultats relativement encourageants de l’union de gauche se font aux dépens directs du parti centriste, qui est tombé à seulement 23 sièges dans un sondage pendant le week-end.

Golan affirme néanmoins que le fait que le Camp démocratique et Kakhol lavan se présentent séparément comme des partis anti-Netanyahu ne compromettrait pas les chances de destituer le Premier ministre.

« Ce qui est important, c’est le bloc, et non les partis », a déclaré M. Golan, faisant référence à la force collective des listes du centre gauche et de gauche, une évaluation rejetée par le Likud et Kakhol lavan.

Le dirigeant du parti Kakhol lavan Benny Gantz (2e à gauche) et ses principaux alliés Moshe Yaalon, Gabi Ashkenazi et Yair Lapid saluent les sympathisants après la publication des résultats des sondages au siège du parti à Tel Aviv, le 9 avril 2019. (Hadas Parush/Flash90)

Selon Golan, l’émergence du camp démocratique crée en fait une opportunité pour Kakhol lavan de s’éloigner du Likud et de détourner ses électeurs, « élargissant et augmentant » ainsi le bloc dans son ensemble. « C’est l’hypothèse de base. Ils iront à droite, ce qui sera très positif, et je pense qu’il est faisable qu’ils puissent obtenir du [soutien] », a-t-il dit.

Contrairement à l’appel qu’il a lancé aux travaillistes pour qu’ils rejoignent l’union, affirmant que les deux sont d’accord sur la plupart des questions, Golan dit que Kakol lavan, tout en étant un « parti positif » et un partenaire politique probable, ne se trouve pas sur la même longueur d’onde que le Camp démocratique, et ne devrait pas fusionner avec celui-ci.

Son parti et Kakhol lavan diffèrent principalement sur « l’attitude envers le conflit avec les Palestiniens », a dit Golan, critiquant Kakhol lavan pour avoir adopté « une attitude d’attente et de recul, ce qui est totalement inacceptable ».

Poursuivre le désengagement

Barak, dans ses promesses de retour, s’est engagé à « fixer les frontières d’Israël dans les deux ans suivant l’établissement du gouvernement » et à faire pression pour mettre fin à l’occupation militaire israélienne sur les Palestiniens de Cisjordanie.

« Tout comme Barak a promis de retirer Israël du bourbier libanais d’ici un an, et l’a fait, nous respecterons cet engagement », a déclaré le parti dans un communiqué au début du mois.

Qalqilya, vue depuis la barrière de sécurité en Cisjordanie, en 2009. (Crédit : Yossi Zamir/Flash90)

Tout en soulignant que « nous devons prendre des initiatives, nous devons faire quelque chose », Golan a semblé couvrir ses paris en s’engageant à former un Etat palestinien dans les délais impartis par Barak.

Dans deux ans, il suffira de fixer les frontières, de dire au peuple israélien : « Voici nos frontières », précise Golan, en expliquant l’idée de « tracer des frontières » comme une déclaration israélienne sur l’emplacement des futures frontières, quelles que soient les négociations qui pourront avoir lieu.

Golan a décrit cette mesure comme la « poursuite du désengagement » d’Ariel Sharon, dans lequel le gouvernement a expulsé de force quelque 10 000 Israéliens de leurs foyers dans la bande de Gaza et le nord de la Cisjordanie. « C’est juste la phase suivante. Elle est peut-être très modeste, mais elle indique au peuple israélien où nous allons ».

« La question fondamentale à laquelle est confronté le peuple juif israélien est très simple : avons-nous l’intention d’annexer [la Cisjordanie] et la bande de Gaza, ou voulons-nous nous séparer du peuple palestinien ? À mon avis, la réponse est très simple : nous devons nous séparer. Si nous voulons maintenir le projet sioniste en vie, nous ne pouvons pas nous permettre une situation où nous annexerions 2,5 ou 4,5 millions d’Arabes », a déclaré avec insistance Golan. « C’est totalement inacceptable. C’est de la folie. Cela ruinerait le projet sioniste par nous-mêmes. »

Ehud Barak (G), chef du Parti démocrate israélien, en compagnie de Yair Golan, membre du parti, lors d’une visite de l’implantation d’Ariel en Cisjordanie, 16 juillet 2019. (Roy Alima/Flash90)

Pour ce qui est d’une solution à long terme, « cela pourrait prendre trois, quatre ou dix ans. Ça n’a pas d’importance. Cela n’a vraiment pas d’importance », a ajouté M. Golan. « Les gens devraient comprendre que, d’accord, il s’agit des futures frontières, même sans l’approbation de l’Autorité palestinienne ou de toute autre entité palestinienne. Ce n’est pas un problème ».

« Nous devons dire au peuple juif, au peuple israélien : ‘Voici nos frontières. Nous aurons peut-être besoin de bien d’autres années pour achever le processus, mais nous devrions commencer par marquer nos frontières' », a-t-il répété.

Plus que tout, Golan a déclaré que la plus grande contribution que le Camp démocratique, Barak et lui-même peuvent apporter à l’arène politique surpeuplée d’Israël serait de faire pression pour « mettre un terme à ce conflit ».

« Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est de dirigeants courageux. C’est quelque chose que nous n’avons pas vu depuis 10 ans, a dit Golan, et c’est quelque chose que nous pouvons offrir. »

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