130 appels en 2 ans : Les liens étroits de Netanyahu avec Israel Hayom
Les relevés semblent montrer une corrélation entre les entretiens fréquents de Netanyahu avec le rédacteur en chef de la publication appartenant à Adelson et les titres favorables

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a passé 130 appels téléphoniques avec le rédacteur en chef du journal Israel Hayom sur une période de deux ans entre janvier 2015 et janvier 2017, comme le montre le journal des appels du bureau du Premier ministre.
Les derniers appels ont confirmé la tendance observée pour la première fois en 2017, lorsque les relevés d’appels pour la période 2012-2015 ont montré 223 conversations téléphoniques avec Amos Regev, alors rédacteur en chef, et 120 appels avec le propriétaire Sheldon Adelson.
Les derniers relevés téléphoniques ont été publiés à la suite d’une affaire judiciaire longuement débattue par le journaliste d’investigation de la Treizième chaîne, Raviv Drucker. Le bureau du Premier ministre s’était opposé avec véhémence à la publication de ces informations, mais a fini par céder.
Comme dans le cas de la publication des relevés précédents, les données semblaient montrer une corrélation entre les appels et les titres d’Israel Hayom qui étaient favorables au Premier ministre.

Par exemple, Netanyahu et Regev se sont parlé le 23 février 2015, alors que l’accord nucléaire entre l’Iran et les puissances mondiales prenait forme. Le lendemain, le journal a publié un gros titre disant que l’accord qui se dessinait était mauvais.
La veille des élections du 17 mars 2015, les deux hommes se sont parlé à trois reprises. Le jour des élections, un article de première page critiquait les principaux rivaux de Netanyahu dans cette élection, Isaac Herzog et Tzipi Livni.
Les deux se sont entretenus le 17 février 2016. Le lendemain, la une du journal a annoncé que la police avait « enterré » une affaire de harcèlement sexuel contre Meni Naftali, un ancien concierge de la résidence du Premier ministre qui avait poursuivi Sara Netanyahu pour violences verbales et émotionnelles.
Le 17 novembre 2016, les deux hommes se sont parlés alors que Drucker, alors sur la Dixième chaîne (devenue depuis la Treizième chaîne), a diffusé un reportage d’investigation sur Netanyahu et l’affaire dite des sous-marins.
Le lendemain, comme la plupart des journaux l’ont largement rapporté, Israel Hayom a enterré l’affaire en page 11, dans un article commençant par une déclaration de l’avocat de Netanyahu niant toute irrégularité de la part du Premier ministre.
Regev a été remplacé par Boaz Bismuth en avril 2017. La Treizième chaîne a rapporté que les registres téléphoniques d’une période non spécifiée de deux mois cette année-là ont montré que la relation étroite se poursuivait, Bismuth et Netanyahu ayant passé 17 appels en 60 jours.

Les relevés téléphoniques ont également montré que dans les trois jours précédant son premier interrogatoire par la police en janvier 2017 dans les trois affaires criminelles dans lesquelles il a finalement été poursuivi, Netanyahu a parlé trois fois avec Sheldon Adelson, selon la Treizième chaîne.
Netanyahu a été convoqué pour un interrogatoire le 30 décembre 2016. Le même jour, il s’est entretenu avec Adelson, et a parlé avec lui une fois par jour les deux jours suivants. On ne sait pas très bien pourquoi les deux hommes se sont parlés ni si cela avait un rapport avec l’enquête.
La série de relevés d’appels publiés en 2017 a également montré une corrélation fréquente entre les appels de Netanyahu-Regev et les gros titres du lendemain louant le Premier ministre, attaquant ses détracteurs, ou même citant des sources non nommées fournissant des révélations douteuses sur des développements politiques spectaculaires.
Israel-Hayom, distribué gratuitement, a longtemps été considéré comme fortement pro-Netanyahu dans son orientation. Depuis sa fondation par Adelson en 2007, le journal a toujours soutenu le Premier ministre. Son soutien indéfectible à Netanyahu s’est caractérisé par la minimisation de ses échecs, la mise en avant de ses réussites et la critique sévère de ses détracteurs. En outre, il a évité de faire l’éloge de ses rivaux. De nombreux critiques du Premier ministre se sont mis à l’appeler le « Bibiton » – un amalgame du surnom du Premier ministre et du mot hébreu pour journal (« iton »).

Drucker, le journaliste d’investigation, a demandé des détails sur les appels téléphoniques afin de faire la lumière sur l’étendue des liens éventuels entre Netanyahu et le quotidien – ainsi que sur les éventuels conflits d’intérêts. Les détails des appels téléphoniques ont été demandés conformément à la loi sur la liberté de l’information, au motif que l’information est d’intérêt public.
Les prétendus efforts continus de Netanyahu pour obtenir une couverture positive dans la presse lui ont valu de graves problèmes juridiques. Deux des trois affaires pénales dans lesquelles il est inculpé sont liées à des soupçons selon lesquels il aurait tenté d’obtenir une couverture plus favorable : Dans l’affaire dite « 2000 », Netanyahu aurait demandé la faveur de l’éditeur du quotidien Yedioth Ahronoth en échange d’une réduction du tirage d’Israel Hayom ; et dans l’affaire 4000, le Premier ministre est accusé d’avoir conclu un accord avec le propriétaire du site d’information Walla en échange de décisions réglementaires favorables affectant les autres entreprises de communication du propriétaire du site.
Adelson et Regev ont tous deux témoigné devant la police dans le cadre des enquêtes de corruption contre le Premier ministre.
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Raoul Wootliff a contribué à cet article.