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Netanyahu et le scandale des sous-marins : ce qu’il faut savoir

Alors que les procureurs hésitent à ouvrir une autre enquête sur Netanyahu, que sont exactement les contrats en question, quels sont les soupçons et que pourrait-il arriver ?

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu à bord du sous-marin "Rahav" sur la base de la marine à Haïfa, le 12 janvier 2012. (Crédit : Kobi Gideon/GPO)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu à bord du sous-marin "Rahav" sur la base de la marine à Haïfa, le 12 janvier 2012. (Crédit : Kobi Gideon/GPO)

Des procureurs de l’Etat envisageraient d’ouvrir une autre enquête criminelle contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu, cette fois-ci dans le cadre de l’affaire dite des sous-marins, citant de nouvelles informations « spectaculaires ».

Dans l’Affaire 3 000, plusieurs proches collaborateurs de Netanyahu, mais pas le Premier ministre lui-même, sont soupçonnés d’avoir reçu des fonds illicites dans le cadre d’une opération de corruption massive lors d’un achat public de navires et sous-marins au constructeur naval allemand ThyssenKrupp. Certains dans le pays la considèrent comme le cas de détournement le plus grave de l’histoire d’Israël.

Alors que cette enquête complexe enchaîne les rebondissements, avec de récentes révélations impliquant le Premier ministre lui-même et un témoin d’Etat clé qui vient d’annoncer sa volonté de se rétracter, de quoi s’agit-il exactement ?

Voici tout ce qu’il faut savoir :

Quels sont les contrats à l’origine du scandale dit des sous-marins ?

Quatre contrats impliquant Israël et ThyssenKrupp font l’objet d’une enquête.

Le premier des contrats concerne un achat de sous-marin de classe Dolphin pour la marine israélienne, son sixième, lequel a été promu par Benjamin Netanyahu depuis sa prise de fonction en mars 2009 et officiellement signé en 2012 avec ThyssenKrupp. Le sous-marin doit être livré au cours de cette année.

Les soldats israéliens à bord du navire israélien Saar 5 Class Corvette « INS Hanit » participent à la session de formation « Novel Dina 17 » en mer Méditerranée le 4 avril 2017. (Crédit : AFP/Jack Guez)

Un second contrat, qui n’a pas encore été appliqué, a été encouragé par le gouvernement en 2016 et concerne l’achat de trois sous-marins supplémentaires du même type à ThyssenKrupp. Le ministre de la Défense de l’époque Moshe Yaalon et d’autres officiels de la Défense s’y étaient opposés, estimant que le pays n’en avait pas besoin.

Le troisième contrat, non exécuté également, impliquait l’achat de quatre corvettes Sa’ar  de 6e classe pour protéger les exploitations gazières israéliennes en mer. Des constructeurs navals sud-coréens, italiens et allemands avaient répondu à l’appel d’offres concernant la production de quatre navires de 1 200 tonnes. ThyssenKrupp, cependant, n’y avait pas répondu car il ne fabrique pas de navires de cette catégorie, mais en 2016, l’appel d’offres avait été brusquement interrompu, et le gouvernement avait confié le projet à ThyssenKrupp exclusivement. Les critères de taille avaient soudainement été modifiés et étaient passés de 1 200 tonnes à environ 2 000 — une taille que peut assumer ThyssenKrupp.

Enfin, le quatrième contrat porte sur l’achat par l’Egypte de deux sous-marins de classe Dolphin et deux navires de guerre de lutte contre les sous-marins. Le Caire les avait commandés en 2014. Bien que l’Allemagne n’ait pas besoin de la permission d’Israël pour vendre des sous-marins à d’autres pays, Jérusalem avait avalisé la vente.

En 2015, le ministre de la Défense d’alors Yaalon avait demandé au président Reuven Rivlin, qui rencontrait la chancelière allemande Angela Merkel, de se renseigner sur la raison de l’autorisation de la vente malgré son opposition. Quelque temps après, Merkel avait fait savoir que Jérusalem avait effectivement donné son feu vert. Des informations divulguées cette semaine par Amos Gilad, qui était membre du Bureau des affaires politico-militaires du ministère à l’époque, a indiqué à la police que Netanyahu avait approuvé le contrat sans consulter ou en informer le ministère.

Netanyahu a nié avoir avalisé le contrat.

Qui sont les suspects connus dans l’affaire ?

En juillet 2017, Miki Ganor, un ancien représentant de ThyssenKrupp en Israël, a conclu un accord avec les procureurs pour coopérer dans l’enquête, qui concernait la période pendant laquelle il travaillait pour l’entreprise, soit entre 2009 et 2017. Il a reconnu avoir versé des pots-de-vin à certains hauts responsables afin de garantir la signature des contrats entre ThyssenKrupp et le ministère israélien de la Défense.

Miki Ganor, impliqué dans l’affaire des sous-marins, devant le tribunal de Rishon Lezion, le 20 mars 2019 (Crédit : Flash90)

En conséquence, la police avait recommandé, en novembre 2018, l’inculpation de plusieurs d’entre eux pour corruption, ainsi que de plusieurs proches de Netanyahu

D’après des documents de la police, les preuves sont suffisantes pour mettre en examen l’avocat personnel de Netanyahu et le cousin David Shimron de corruption et de blanchiment d’argent.

Shimron est effectivement impliqué puisqu’il a assuré la défense de Ganor. Il est soupçonné d’avoir servi d’intermédiaire dans le versement des pots-de-vin « pour le compte de Ganor, qui représente le grand groupe allemand, afin de défendre le contrat entre Israel et le groupe en utilisant son statut et sa proximité avec le Premier ministre et de hauts responsables avec lesquels il a travaillé. »

Outre Shimron, La police soupçonne également David Sharan, ancien chef de cabinet du Premier ministre israélien, l’amiral de réserve Eliezer Marom, ancien commandant de la marine, Shay Brosh, ancien commandant de l’unité d’élite de la marine Shayetet 13, Avriel Bar-Yosef, ancien vice-conseiller à la sécurité nationale et l’ancien ministre Eliezer Sandberg d’être impliqués dans cette affaire.

La police a également dit disposer de preuves suffisantes pour inculper un autre avocat de Netanyahu et associé de longue date, Yitzhak Molcho.

L’avocat du Premier ministre Benjamin Netanyahu, David Shimron, son ancien ambassadeur diplomatique, Yitzhak Molcho, son ancien chef de bureau, David Sharan, son ancien conseiller de sécurité nationale, Avriel Bar-Yosef, et son ancien commandant de la marine israélienne Eliezer Marom. (Crédit : Flash90)

Mais Ganor a demandé mardi soir à modifier certaines parties de son témoignage, disant aux enquêteurs qu’il n’avait « versé de pots-de-vin à personne » – une information qui a créé une onde de choc en Israël. Ganor a été arrêté suite à cette révélation (il a été ensuite assigné à résidence dans la journée de jeudi) et les procureurs songent à lui ôter son statut de témoin de l’accusation, ce qui lui enlèverait son immunité face aux poursuites judiciaires dans ce dossier.

Un responsable du bureau des procureurs de l’Etat a clamé que la volte-face de Ganor n’entraverait pas l’enquête de manière significative.

« Selon l’accord définissant son placement sous le statut de témoin de l’accusation, accord qu’il a signé avec l’Etat, nous pouvons encore utiliser son témoignage et toutes les preuves qu’il a transmises et ce, même s’il tente de se rétracter », a-t-il affirmé mardi, des propos repris par le site Maariv. « Sa version a été également corroborée par des preuves extérieures. Son changement de témoignage aujourd’hui n’est donc pas aussi terrible que ça ».

Qu’est-ce que cela a à voir avec Netanyahu ?

Même si le Premier ministre aurait été le moteur derrière les accords conclus en vue de l’acquisition des sous-marins, il n’y a pas eu jusqu’à une période récente de preuve soulignant une éventuelle malversation de sa part.

Toutefois, selon des informations diffusées dimanche par la Treizième chaîne, le bureau du procureur de l’Etat a récemment découvert que Netanyahu et son cousin, l’homme d’affaires américain Nathan Milikowsky, étaient tous deux actionnaires d’une entreprise liée à ThyssenKrupp : SeaDrift Coke, une société qui produit du coke en aiguille pour fabriquer des électrodes de graphite. Au mois de novembre 2010, SeaDrift a été achetée par un conglomérat officiant dans le même secteur, GrafTech International, fournisseur de longue date de ThyssenKrupp.

Après avoir précédemment prétendu qu’il avait acheté les actions en tant que simple citoyen, Netanyahu a semblé changer son histoire, admettant qu’il en était devenu actionnaire en 2007 alors qu’il était le chef de l’opposition, a rapporté lundi Haaretz. Le site The Marker rapporte une version différente, disant que Netanyahu avait acheté les actions de SeaDrift en avril 2015, alors qu’il était ministre des Finances.

Il aurait revendu ses actions à Milikowsky le 29 novembre 2010 – vingt-quatre heures avant la fin de la fusion avec GrafTech – vingt mois après avoir été élu Premier ministre, selon The Marker.

Cette affiliation commerciale de Netanyahu avec Milikowsky a été récemment révélée par la Commission des permis du contrôleur de l’Etat, durant des recherches qui ont précédé le rejet d’une requête du Premier ministre de faire approuver rétroactivement un don de 300 000 dollars de la part de Milikowsky et de l’homme d’affaires Spencer Partrich, une somme qui devait aider à financer la défense de Netanyahu dans trois autres dossiers dans lesquels il est accusé de corruption.

Quelles sont les accusations à l’encontre de Netanyahu ?

Mercredi, les deux chaînes commerciales israéliennes ont affirmé que les procureurs de l’Etat songeaient à ouvrir une enquête criminelle contre Netanyahu dans ce dossier.

Les adversaires politiques de Netanyahu accusent le Premier ministre d’un possible conflit d’intérêts dans le cadre de l’accord conclu avec ThyssenKrupp, prétendant qu’il a pu en tirer des bénéfices financiers.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu dirige la réunion hebdomadaire du cabinet, au cabinet du Premier ministre à Jérusalem, le 17 mars 2019. (Marc Israel Sellem)

Selon les nouvelles informations, à partir du moment où Netanyahu est devenu Premier ministre – au début de l’année 2009 – et jusqu’au mois de novembre 2010, GrafTech a été simultanément actionnaire et acheteur potentiel de sa propre entreprise et un fournisseur déterminant de ThyssenKrupp, l’entreprise avec laquelle Netanyahu a prôné l’accord prévoyant l’achat des sous-marins – ce qui pourrait potentiellement indiquer un conflit d’intérêts.

Mais des analystes ont observé qu’il serait difficile de trouver un lien entre les parts détenues par Netanyahu dans SeaDrift et les accords souscrits plus tard, qui ont été avancés après qu’il a vendu ses actions, ce qui est survenu en partie après que Milikowsky a mis un terme à ses affaires avec GrafTech, aux environs de 2015.

Toutefois, des questions ont également été soulevées concernant la vente par Netanyahu de ses actions Seadrift en 2010 à Milikowsky pour la somme de 16 millions de shekels – un chiffre quatre à sept fois plus élevé que le montant qu’il avait payé pour les actions, quelques années plus tôt. Des analystes et notamment Amnon Abramovich, de la Douzième chaîne, et Sever Plotzker, du Yedioth Ahronoth, ont indiqué que le Premier ministre avait reçu les actions de son cousin « pour pratiquement rien ».

Ce qui pourrait potentiellement entraîner une nouvelle enquête similaire à l’Affaire 1000, dans laquelle Netanyahu devra peut-être répondre de fraude et d’abus de confiance sous réserve d’une audience pour avoir reçu, selon les accusations portées contre lui, des cadeaux illicites de la part de bienfaiteurs milliardaires. Milikowsky aurait donné à son cousin des sommes d’argent à plusieurs reprises au cours des deux dernières décennies, et leur lien de parenté ne devrait pas les exempter des contrôles des autorités.

Pourquoi certains suggèrent-ils que Netanyahu s’est rendu coupable de trahison ?

Moshe Yaalon, qui a été ministre de la Défense sous Benjamin Netanyahu entre 2013 et 2016 et qui est maintenant l’un des principaux candidats de la liste Kakhol lavan qui affrontera le Premier ministre aux prochaines élections, a déclaré à la radio israélienne mercredi qu’il avait écrit une lettre au procureur-général Avichai Mandelblit lui demandant d’enquêter sur cette affaire dans la mesure où « cette question est si importante qu’elle pourrait même équivaloir à une trahison » .

Moshe Yaalon (à gauche) et Ehud Barak au siège du ministère de la Défense à Tel Aviv, le 19 mars 2013. (Ariel Hermoni/Ministère de la Défense/Flash90)

L’ancien Premier ministre Ehud Barak, adversaire de longue date de Netanyahu et, comme Yaalon, ex-chef d’Etat-major et ministre de la Défense sous un mandat du Premier ministre, a repris l’allégation de Yaalon dans une interview accordée mercredi matin à la radio militaire, affirmant que l’affaire « frisait la trahison ».

Cette accusation qui, selon Netanyahu, « a franchi une ligne rouge dangereuse », a semblé concerner le feu vert donné par ce dernier à une vente de sous-marins à l’Egypte qui, selon les critiques, a été susceptible de mettre en péril la sécurité nationale.

Mais prouver ce type d’accusation – la trahison est l’un des crimes les plus graves dans la loi israélienne – est probablement impossible, à moins que des preuves supplémentaires et sans appel ne soient découvertes.

Que dit Netanyahu ?

Selon le Premier ministre, son offensive en faveur de l’achat des sous-marins a eu pour seule raison la protection de l’Etat juif contre la menace nucléaire iranienne, en garantissant qu’une contre-attaque resterait possible quel que soit le moment.

Répondant à des informations portant sur l’éventuelle ouverture d’une enquête sur le Premier ministre, le parti du Likud au pouvoir de Netanyahu a estimé que leur divulgation avait des motivations politiques et qu’elles visaient à nuire aux chances de réélection du leader lors du prochain vote.

« Vingt jours avant les élections, voilà une fuite concernant une tentative d’ouverture d’une autre enquête visant le Premier ministre Netanyahu », a expliqué la formation dans un communiqué. « Seuls les citoyens d’Israël choisiront le Premier ministre ».

Quant à lui, Netanyahu a qualifié les allégations d’irrégularités de sa part de « calomnies forgées de toutes pièces ».

« Je n’ai pas reçu un seul shekel de l’accord sur les sous-marins », a clamé le Premier ministre devant les autorités de l’implantation de Shiloh, en Cisjordanie, mardi.

« Tout a été examiné en profondeur par le ministère public et le procureur général », a-t-il ajouté.  » Ils ont déclaré sans équivoque que je ne suis suspecté de rien ».

Le procureur-général israélien Avichai Mandelblit a annoncé son intention d’inculper Netanyahu, sous réserve d’une audience, trois autres dossiers de corruption, connus sous les nom d’Affaire 1000, d’Affaire 2000 et d’Affaire 4000. Le Premier ministre n’a, pour sa part, cessé de nier toute malversation.

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