50 ans après le début de la guerre du Liban, d’anciens combattants militent pour la réconcialition
La guerre s'est terminée en 1990 par l'accord de Taëf, qui a établi un nouvel équilibre entre communautés, et le pays a choisi l'amnésie collective pour tourner la page

Près des lignes de front où ils se sont entretués, d’anciens combattants se retrouvent aujourd’hui pour porter un même message cinquante ans après le déclenchement de la guerre qui a détruit le Liban : la réconciliation.
Les hostilités ont éclaté le 13 avril 1975 et pris fin 15 ans plus tard avec un bilan de quelque 150 000 morts. Mais des blessures sont toujours ouvertes et les germes d’un conflit restent présents dans le pays multiconfessionnel profondément divisé.
« C’était une guerre inutile », dit amèrement Georges Mazraani, qui commandait le « front » de Aïn el-Remmaneh, la banlieue chrétienne populaire de Beyrouth qu’une rue sépare du quartier musulman de Chiyah.
C’est là que la guerre a commencé : après la mort d’un des leurs, tués par des fedayin palestiniens, des sympathisants du parti chrétien des Kataëb attaquent un bus transportant des Palestiniens, faisant 27 morts.
Le petit pays méditerranéen s’embrase, avec les Palestiniens et leurs alliés musulmans et de gauche, d’un côté, et les milices chrétiennes, de l’autre.
Georges Mazraani, chrétien, avait 21 ans quand il a pris les armes comme beaucoup d’hommes du quartier, et fini par commander des centaines d’entre eux.
« J’ai perdu 17 ans de ma vie et 14 membres de ma famille », déplore cet homme, aujourd’hui âgé de 71 ans et malade, en montrant les immeubles encore criblés de balles.
« Combattants pour la paix »
La guerre s’est terminée en 1990 par l’accord de Taëf, qui a établi un nouvel équilibre entre communautés, et le pays a choisi l’amnésie collective pour tourner la page.
Une amnistie pour les crimes de guerre a été proclamée, sans aucune justice pour les victimes ou les 17 000 disparus.
Mais le Liban n’a jamais retrouvé sa stabilité et a été secoué par des combats intercommunautaires.
Il est resté sous tutelle de son voisin syrien pendant près de trente ans, marqués par des assassinats de personnalités opposées à Damas.
Après avoir occupé le sud du Liban pendant 18 ans, Israël a mené plusieurs guerres contre le Hezbollah, dont la dernière remonte à fin 2024 et a considérablement affaibli ce mouvement terroriste chiite pro-iranien. Remise sur le tapis, la question du désarmement du Hezbollah continue de diviser fortement les Libanais.
« Il y a une grande inquiétude d’un retour de la guerre », estime Nassim Assaad, qui a combattu avec le Parti communiste libanais. « Aujourd’hui, les circonstances y sont encore plus propices qu’en 1975 », dit-il.
À Ain el-Remmaneh, des plaques commémoratives des « martyrs » de la « résistance » chrétienne ornent chaque coin de rue.
Mais de l’autre côté, à Chiyah, les combattants d’hier ont disparu : les Palestiniens ont été délogés par l’invasion israélienne de 1982 et les partis de gauche ont été remplacés par le puissant Hezbollah.
Nassim, qui avait 18 ans lorsque la guerre a éclaté, milite aujourd’hui au sein de l’association « Combattants pour la paix », qui organise des rencontres entre combattants de tous bords et des sessions dans les écoles pour sensibiliser la nouvelle génération.
« Une véritable réconciliation »
« Il est nécessaire de réévaluer notre expérience de la guerre, de demander pardon pour parvenir à une véritable réconciliation », explique le président du groupe, Ziad Saab.
Depuis la fin de la guerre, le pays a été secoué par de multiples épisodes de violence, notamment des combats intercommunautaires près d’Ain el-Remmaneh en octobre 2021.
À Souk el-Gharb, village surplombant Beyrouth, des combattants druzes et chrétiens marchent à l’initiative du groupe parmi les herbes folles qui recouvrent l’ancienne ligne de front où ils se faisaient face.
Ce verrou stratégique a connu de féroces batailles lors de l’un des épisodes les plus sanglants du conflit, la guerre de la Montagne, qui avait éclaté dans le sillage de l’invasion israélienne de 1982.
Saoud Bou Chebl, qui a perdu 29 habitants de son village de Barouk dans un massacre, déplore « qu’aucun dirigeant n’a été tenu responsable des décisions qu’il a prises ».
Pour lui, « les réconciliations formelles » entre politiques « ne remontent pas aux racines du problème ».
« Nous devons faire preuve d’audace et dire que nous avons fait des erreurs », dit-il : « Je suis pour la reddition des comptes pour tous, sinon l’histoire se répétera ».