À DC, des étudiants juifs témoignent au Congrès que « la chasse aux Juifs est ouverte » sur les campus
Quelques mois après une audience organisée à la Commission de l'Éducation qui avait notamment contribué à la démission de deux présidentes d'université, les étudiants ont déploré une haine antisémite toujours aussi effrénée
NEW YORK — La Commission de l’Éducation et du Travail s’est réunie à l’occasion d’un tour de table bipartisan, le 29 février, accueillant des étudiants juifs fréquentant neuf universités américaines pour écouter leur témoignage sur leurs expériences diverses de l’antisémitisme qui s’est abattu sur les campus.
Les témoignages apportés devant la Commission lors de la précédente audience de cette dernière, au mois de décembre, avait eu des conséquences, entraînant les démissions de la présidente de Harvard, Claudine Gay, et de la présidente de l’Université de Pennsylvanie, Liz Magill.
« Ces étudiants sont aux prises au quotidien avec l’antisémitisme qui sévit au sein de leurs universités respectives. Le courage qu’ils ont, celui de s’exprimer et de partager ce qu’ils vivent, apportera aux Américains un nouvel aperçu de ce qui arrive véritablement sur les campus des établissements d’enseignement supérieur de tout le pays », a commenté la présidente de la Commission de l’Éducation et du Travail, la représentante républicaine de Caroline du nord Virginia Foxx, dans une déclaration faite avant la session.
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« Ce tour de table aidera à définir les initiatives qui seront entreprises par la Commission, à l’avenir, dans ses investigations sur l’antisémitisme, alors même que ses membres continuent à attribuer la responsabilité de cette haine antijuive endémique aux institutions d’enseignement postsecondaire », a-t-elle ajouté.
Les étudiants – certains portaient des pendentifs « Bring Them Home » en l’honneur des 134 otages encore détenus par le groupe terroriste du Hamas depuis leur enlèvement sur le sol israélien, le 7 octobre – ont raconté aux membres du Congrès ce qu’ils vivaient en tant que Juifs à la faculté. Ils venaient de tous les États-Unis, inscrits à l’Université de Harvard, à l’Institut de Technologie du Massachusetts (MIT), à l’Université Rutgers, à l’Université de Columbia, à l’Université de Pennsylvanie, à la Cooper Union, à l’Université de Stanford et à l’Université de Californie, à Berkeley.
Chacun d’entre eux a dépeint l’image de campus où sévissent le harcèlement, les traitements discriminatoires et les actes de violence contre les Juifs – disant tous que leurs établissements respectifs ne parvenaient pas toujours à faire appliquer leur code de conduite en vigueur ou à faire respecter les lois locales contre ceux qui se rendent coupables d’antisémitisme, sous une forme ou une autre.
Évoquant le climat qui règne à la faculté Harvard Divinity, Shabbos Kestenbaum, étudiante en troisième cycle, a déclaré que les actions entreprises par l’Université à l’égard des Juifs ont été révélatrices « d’un dédain et d’un mépris à l’égard d’un groupe minoritaire » inimaginables.
Noah Rubin, étudiant en premier cycle à l’Université de Pennsylvanie, a précisé qu’en dépit de la démission de Magill, il y a 86 jours, la haine antijuive continuait à se manifester et qu’elle avait même été « encouragée » sur le campus de Philadelphie. Il a ajouté avoir tenté d’ouvrir le dialogue avec les administrateurs sur la nécessité de contrer les menaces proférées à l’encontre de la communauté juive – mais qu’il n’a obtenu en réponse « rien d’autre que des mots sans signification et des promesses vides ».
Parlant d’incidents de Doxing (divulgation publique des données personnelles) qui ont touché des étudiants juifs, évoquant des marches organisées sur le campus où des manifestants hurlaient « Nous ne nous arrêterons pas à un cessez-le-feu » ou des dessins antisémites réalisés par un professeur de l’Université, Rubin a indiqué que « la chasse aux Juifs est ouverte sur nos campus ».
D’autres jeunes intervenants ont dit avoir assisté à des mouvements de protestation où un langage génocidaire était utilisé ; ils se sont souvenus de la prise d’assaut, par des manifestants anti-israéliens, des bâtiments d’un campus avec l’approbation implicite et parfois explicite de l’administration ; ils ont rappelé les menaces proférées à l’encontre des Juifs et ils ont dénoncé un climat, sur les campus, où les plaintes relayées auprès des autorités chargées de prendre en charge les inquiétudes des étudiants sont restées lettre morte.
Certains étudiants – des Américains de première et de seconde génération qui avaient fui les persécutions – ont noté ce que leur situation actuelle avait de paradoxal.
« Je ne suis pas entré à l’université pour faire des études dans un laboratoire vivant de l’antisémitisme, ce que l’université est devenue », a déclaré Joe Gindi, étudiant juif dont la famille est originaire d’Alep, en Syrie. « Les Juifs ont peur à Rutgers ».
Kevin Feigelis, étudiant en doctorat à l’Université de Stanford, a estimé que son établissement d’enseignement supérieur s’était transformé en « une université qui a ouvertement changé ses politiques pour apaiser un groupe », faisant remarquer que des manifestants bruyants et haineux étaient autorisés à laisser libre cours à leur animosité antisémite sur son campus.
« Je vous en prie, intervenez et aidez-nous – Demandez des comptes à nos universités », a continué Feigelis qui a fait remarquer, faisant allusion à Claudine Gay et à Liz Magill, que la haine antijuive « ne s’arrête pas simplement parce que des présidents d’université sont remplacés. C’est un changement systémique qui est nécessaire ».
Les membres de la Commission ont salué le courage de ces jeunes qui ont accepté de prendre la parole publiquement. Un grand nombre d’entre eux ont demandé aux étudiants des détails plus précis de leur vie à l’université, notamment si leur comportement, en tant que Juifs, avait changé pour pouvoir rester sur le campus ou ce qui s’était passé lorsqu’ils étaient allés chercher un soutien ou un éventuel recours auprès des instances administratives.
Un grand nombre des jeunes intervenants ont estimé que les appels qu’ils avaient pu lancer aux Bureaux de la Diversité, de l’Équité et de l’Inclusion (DEI) au sein de leurs facultés respectives – ces Bureaux ont été créés pour remédier aux manifestations potentielles de haine sur les campus – étaient particulièrement restés lettre morte.
A l’Université de Tulane, a ainsi raconté Yasmeen Ohebsion, étudiante en premier cycle, le DEI a demandé aux étudiants victimes d’antisémitisme de rédiger un rapport détaillé sur leurs différentes expériences de haine antijuive. Ohebsion a ajouté avoir eu une réponse du Bureau plus de six semaines après avoir soumis son rapport.
« Dire que le DEI est inutile est un euphémisme », a commenté Kestenbaum.
Kathy Manning, représentante au Congrès de la Caroline du nord, a dit aux étudiants : « Aucun de vous n’est entré à l’université pour se battre au nom de la communauté juive et pourtant, vous en êtes là aujourd’hui, en vous mettant en danger parce que vous prenez la parole, parce que vous combattez l’antisémitisme et parce que vous racontez au monde ce qui se passe sur les campus de tout ce pays. Et nous prenons, pour notre part, cette question très au sérieux ».
La représentante Elise Stefanik a qualifié l’antisémitisme de « pourriture installée en profondeur » dans l’enseignement supérieur américain et elle a indiqué que les incidents antisémites racontés par les étudiants étaient « atroces ».
Stefanik, se tournant vers la caméra pour s’adresser directement aux responsables des Universités, a indiqué que « ce Congrès ne prendra pas de repos avant de vous avoir fait assumer vos responsabilités. C’est une promesse ».
Les membres du Congrès ont approuvé ces propos dans leurs questions aux étudiants, et ils ont exprimé leur espoir que l’audience puisse mieux mettre en lumière l’antisémitisme dont sont victimes ces jeunes Juifs qui fréquentent les établissements d’enseignement supérieur américains et qu’elle permette aussi de trouver les moyens de s’attaquer au phénomène pour y mettre un terme.
Dans des entretiens avec le Times of Israel, certains étudiants ont dit espérer – prudemment – que leur prise de parole ait potentiellement un impact.
« Je me sens plus optimiste », a commenté Kestenbaum après l’audience, notant « l’inquiétude réelle » des membres du Congrès lorsqu’ils ont écouté les témoignages apportés par les étudiants.
« Stefanik et [le Démocrate Ritchie] Torres ne peuvent pas être plus éloignés idéologiquement mais j’ai bien vu la manière dont ils ont réagi à nos témoignages, et les questions qu’ils ont posées étaient concrètes : ‘Que pouvons-nous faire pour vous venir en aide ?’… Je suis absolument rassuré sur le fait qu’il s’agit d’un groupe bipartisan qui est réellement attaché à la nécessité d’éradiquer l’antisémitisme institutionnalisé. »
« Mais c’est aussi un réquisitoire réellement accablant – pas seulement contre l’Université de Harvard mais, plus largement, contre l’état dans lequel se trouve l’enseignement supérieur américain – de constater que pour obtenir une protection, nous avons dû prendre un vol en direction de Washington pour témoigner », a poursuivi Kestenbaum. « Cela devrait être le travail de l’université – et c’est le travail de l’université sur le papier. »
Eden Yadegar, qui est en premier cycle d’études à l’université de Columbia et qui, dans son témoignage, a évoqué Joseph Massad, enseignant de l’université qui, le 7 octobre, avait qualifié l’attaque meurtrière commise par le Hamas sur le sol israélien de « magnifique » et de « sidérante », a indiqué ressentir de l’espoir après sa prise de parole et celle des autres.
« J’espère que le Congrès écoutera nos appels et qu’il comprendra ce que c’est d’être un étudiant juif dans une université américaine en 2024 », a-t-elle déclaré. « Et j’ai l’espoir que la population américaine nous écoutera vraiment et qu’elle laissera derrière elle ses idées préconçues nous concernant et concernant notre identité, et qu’elle entendra ce qu’ont été nos expériences de vie ».
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