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Reportage

À Paris, la communauté juive entre colère et peur après « un attentat de plus »

À l'appel de plusieurs organisations comme Golem, SOS Racisme ou la LDH, une centaine de personnes se sont rassemblées dimanche soir devant la mairie du 19ème arrondissement de Paris

Le Premier ministre français Gabriel Attal (C), accompagné du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et de députés français, sortent de la synagogue incendiée à La Grande-Motte, France, 24 août 2024. (Crédit : Pascal Guyot/AFP)
Le Premier ministre français Gabriel Attal (C), accompagné du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et de députés français, sortent de la synagogue incendiée à La Grande-Motte, France, 24 août 2024. (Crédit : Pascal Guyot/AFP)

La colère, la peur, et la désagréable impression que « ça ne s’arrête jamais » : à Paris, au lendemain de l’attentat contre une synagogue de La Grande-Motte (Hérault) en plein shabbat, la communauté juive réclame justice, et s’inquiète de son avenir en France.

« Je suis en colère », réagit dimanche, la voix presque éteinte, Laurent Guez, habitant du 19ème arrondissement à Paris, « c’est de la haine, y’a pas de mot ». Le quinquagénaire est abattu: « Les actes antisémites se suivent, après Rouen, La Grande-Motte, dans le métro, dans la rue… ça ne s’arrête jamais ».

Agent de sûreté à l’aéroport de Roissy, Laurent s’entend « avec tout le monde, toutes les religions ». Il déplore que certains fassent « trop d’amalgames » avec « ce qui se passe au Proche-Orient ».

Joint par l’AFP dimanche, le président du Consistoire central israélite de France, Elie Korchia, fait le même constat : « On peut comprendre qu’il y ait une critique de la politique d’Israël, comme dans toute démocratie, mais ici ce sont des Juifs de France qui sont pris pour cibles ». « Cela nous rappelle les pires heures des années 80, au moment de l’attentat de la rue Copernic par exemple », poursuit-il.

Elie Korchia, 50 ans, avocat au barreau de Paris, vice-président du Consistoire de Paris depuis 2010 et président du conseil des communautés juives des Hauts-de-Seine depuis 25 ans, le 18 octobre 2021. (Crédit : JOEL SAGET / AFP)

Charlie, 41 ans, explique avoir longtemps été « dans le déni de l’antisémitisme » notamment « par respect pour la souffrance des Gazaouis ». Cette employée dans l’audiovisuel, qui donne un prénom d’emprunt, raconte avoir même passé sous silence « des croix gammées dans l’école de [ses] enfants ».

Elle dit avoir intégré une « judéité discrète », demandant à ses enfants de « parler doucement dans la rue quand on évoque ma famille en Israël ». Mais la multiplication des actes antisémites, en forte hausse depuis le 7 octobre, et parmi eux le viol d’une adolescente juive à Courbevoie en juin, a provoqué un déclic, et depuis elle a décidé de ne plus se taire.

Charlie s’inquiète, comme beaucoup de personnes rencontrées par l’AFP, de la parole de certains politiques qui « attisent la haine des Juifs ». Les critiques contre LFI qui rejette les accusations d’antisémitisme, sont légion.

« On se demande si on part ou pas »

« On a très peur, on se demande si on part ou pas », témoigne Aliza, 19 ans, elle aussi sous un faux prénom. La jeune femme a été agressée dans le métro parisien après le 7 octobre : « On m’a dit « sale juive, tu crèves, Hitler n’a pas fini le travail ». J’étais paralysée, je n’ai même pas pu répondre ».

La volonté de partir, Geoffroy Boulard, maire du 17ème arrondissement qui compte une très importante communauté juive, « des plus libéraux aux plus traditionalistes », entend beaucoup de familles l’exprimer. Cet élu constate que « toute la communauté est inquiète, mais quand on attaque un Juif en France, c’est la France qu’on attaque ».

Devant un supermarché cacher du nord de Paris, Eric, 57 ans, s’énerve : « On arrête des gens, et après la justice ne suit pas », déplore-t-il, donnant l’exemple d’un homme proférant des insultes antisémites en juin dans le métro, qui ne sera jugé « qu’en janvier ».

Dans l’Hérault, le même dégoût habite Patrice Bitton, qui se dit « un peu plus apaisé » après l’arrestation samedi de l’auteur présumé de l’attentat contre la synagogue de La Grande-Motte mais se demande « comment la justice va traiter ça ».

Un agent de la police municipale s’adresse à des passants à l’extérieur de la synagogue qui a été incendiée et où une explosion de voitures s’est produite à La Grande-Motte, dans le sud de la France, le 24 août 202.4. (Crédit : Pascal GUYOT / AFP)

« On est dans un contexte anxiogène qui nous amène à nous questionner sur notre vie quotidienne. Ma fille est obligée de changer de nom quand elle commande sur les plateformes, à manger ou un trajet en voiture. Nous avons changé notre nom sur la boîte aux lettres. On est obligés de réorganiser notre vie. C’est dingue, on est en France ».

À l’appel de plusieurs organisations comme Golem, SOS Racisme ou la LDH, une centaine de personnes se sont rassemblées dimanche soir devant la mairie du 19ème arrondissement de Paris.

Le journal Libération rapporte que Golem a voulu que le rassemblement se tienne cette fois dans un quartier où vivent de nombreux juifs, « afin de montrer à la communauté qu’on est là pour eux ».

Deux anciens députés frondeurs de LFI, Danielle Simonnet et Alexis Corbière ont participé au rassemblement, a constaté l’AFP.

« On a besoin d’être ensemble, de se sentir solidaires dans ce climat d’angoisse », a déclaré Emmanuel Sanders, porte-parole de Juifs et Juives Révolutionnaires (JJR), tout en jugeant « dramatique » que « les politiques de tout bord renvoie l’antisémitisme à l’autre camp ».

Raphaël, un passant qui s’est arrêté pour écouter les discours des différentes organisations lors du rassemblement explique : « On va à la synagogue la boule au ventre. Aujourd’hui, quand vous êtes pratiquant, vous avez tout le temps peur, quand vous accompagnez les enfants à l’école, quand vous faites vos courses, etc ».

Sympathisante de Guerrières pour la paix, Yasmina a également fait le déplacement. Elle explique : « J’ai grandi dans un quartier populaire avec une grande mixité qui aujourd’hui a disparu à cause de la politique d’attribution des logements et j’aimerais qu’on arrête de juger les gens par rapport à ce qu’ils sont. Tous les juifs ne sont pas Netanyahu et tous les Arabes ne sont pas le Hamas ».

https://twitter.com/SOS_Racisme/status/1828047510469853612[

Un rassemblement est également prévu par le Crif à Montpellier mardi à 18h00, et un « temps de recueillement » sera organisé à un moment non encore fixé à la synagogue visée samedi, selon le maire de La Grande-Motte, Stéphan Rossignol.

De son côté le grand rabbin de France Haïm Korsia a appelé dans Le Parisien/Aujourd’hui en France à « une réponse claire et nette des autorités pour endiguer ce fléau insupportable » des attaques antisémites.

« Je pense que si on est solidaire avec ce que vivent les Palestiniens, il y a des façons bien plus pacifiques de dire les choses », a-t-il insisté.

Dans un contexte de forte recrudescence des actes antisémites depuis l’attaque menée par le groupe terroriste islamiste du Hamas en Israël le 7 octobre 2023 et le début de la guerre à Gaza, l’attaque a choqué dans le pays et a été dénoncée par l’ensemble de la classe politique.

M. Darmanin a dénoncé des « discours haineux envers les juifs » estimant « qu’une partie de la gauche malheureusement tient ce discours ».

Samedi le Premier ministre démissionnaire Gabriel Attal avait déjà dénoncé un « climat alimenté par certains », sans désigner explicitement de responsables.

Le fondateur de LFI Jean-Luc Mélenchon, dont le mouvement est notamment accusé d’attiser l’antisémitisme, ce qu’il conteste, a condamné samedi l’attaque de la synagogue sans la qualifier d’antisémite, ce qu’une partie de la classe politique lui a reproché.

« Depuis le 1er janvier les actes antisémites ont augmenté de près de 200% » en France a souligné une nouvelle fois M. Darmanin dimanche.

Ils avaient déjà fortement augmenté en 2023, notamment après le 7 octobre, selon le ministère de l’Intérieur, qui en a recensé 1 676 sur l’année, « soit quatre fois plus qu’en 2022 ».

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