Israël en guerre - Jour 346

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A Troyes, des voix féminines du judaïsme réunies pour se faire entendre

Issues de la tendance libérale, massorti et de la branche "moderne" orthodoxe, elles livrent leurs réflexions sur leur place dans la religion entre retards, attentes et avancées

De gauche à droite : la rabbin française Pauline Bebe, la rabbin américaine Tamara Cohn Eskenazi, et l'enseignante française Rosine Cohen et la psychanalyste française Joelle Bernheim à Troyes, lors du premier congrès de femmes rabbin, le 17 juin 2019. (Crédit : BERTRAND GUAY / AFP)
De gauche à droite : la rabbin française Pauline Bebe, la rabbin américaine Tamara Cohn Eskenazi, et l'enseignante française Rosine Cohen et la psychanalyste française Joelle Bernheim à Troyes, lors du premier congrès de femmes rabbin, le 17 juin 2019. (Crédit : BERTRAND GUAY / AFP)

Difficultés à être reconnues et à faire entendre leurs voix: des femmes rabbins de plusieurs pays, réunies pour la première fois en France, livrent leurs réflexions sur leur place dans leur religion entre retards, attentes mais aussi avancées.

Jusqu’à mardi, une vingtaine d’entre elles discutent de la Bible hébraïque, du Talmud, à la Maison de Rachi – aujourd’hui une synagogue et un musée – dans le centre de Troyes. Pas un hasard! Rachi fut, au XIe siècle un grand commentateur de textes du judaïsme et père de trois filles, dont on dit qu’elles furent sages et exégètes.

Interroger les textes

Pour les orthodoxes et traditionalistes, confier le rabbinat à une femme n’est pas conforme à la loi juive. Une position contestée par la tendance libérale (progressiste) et le courant massorti (sensibilité progressiste, mais plus traditionnelle dans son rapport aux sources que la mouvance libérale). Ainsi que par la branche « moderne » des orthodoxes.

« Rien dans les textes n’interdit aux femmes l’accès à l’étude et à la lecture de la Torah », affirme à l’AFP Pauline Bebe, la première femme rabbin de France (mouvance libérale), qui participe à cette rencontre.

« Dans notre histoire, il y a toujours eu des femmes qui, même si elles étaient minoritaires, ont eu des rôles particuliers. Certaines ont enseigné, d’autres ont remplacé leur mari rabbin, ou ont eu des rôles d’autorité ».

La première femme rabbin, la berlinoise Regina Jonas ordonnée en 1935, est morte à Auschwitz en 1944. Il a fallu ensuite attendre 1972 pour qu’une femme soit de nouveau ordonnée, aux Etats-Unis.

Actuellement, on compte en tout environ un millier de femmes rabbins dans le monde. Quelque 800 sont installées aux Etats-Unis, une cinquantaine en Europe, le reste en Israël.

Peu de pays pour se former

Dans les courants orthodoxe et massorti, les femmes peuvent se former en Israël, aux Etats-Unis (en Argentine aussi pour les massortis). Les femmes « libérales » peuvent étudier dans ces deux pays ainsi qu’en Angleterre. C’est le cas de Daniela Touati, qui va devenir début juillet, après son ordination, la 4e femme rabbin exerçant en France.

Pas de séminaire, donc, pour femmes en France. « Je suis obligée de partir trois ans aux Etats-Unis », regrette Myriam Ackermann-Sommer, élève à Yeshivat Maharat, un séminaire new-yorkais qui forme les femmes rabbins orthodoxes.

En France, les trois femmes rabbins Pauline Bebe, Delphine Horvilleur et Floriane Chinsky, les seules françaises, exercent au sein de communautés non reconnues par le Consistoire, qui organise le culte israélite depuis Napoléon.

Le rabbin Floriane Chinsky pose avec des phylactères, à Troyes, lors du premier congrès de femmes rabbin, le 17 juin 2019. (Crédit : BERTRAND GUAY / AFP)

« En France et dans le monde francophone, on est en retard sur l’acceptation des femmes dans des rôles de leader et la réinterprétation de nos textes », constate Daniela Touati.

Prendre sa place

Bitya Rozen-Goldberg, qui vit en Israël, ordonnée rabbin en 2016, explique: « en Israël, les femmes rabbins, ce n’est pas du tout courant ». Elle-même (courant orthodoxe moderne) n’a pas de « communauté » à proprement parler, mais a monté un centre d’étude francophone de la littérature juive qui s’adresse à tous les publics.

Le rabbin Delphine Horvilleur. (Crédit : autorisation de MJLF)

Rabbin vivant à Jérusalem, première femme a y avoir été formée, dans une école massortie, il y a 25 ans, Valérie Stessin raconte qu' »au début, cela a beaucoup surpris. Puis on s’est dit pourquoi pas ? » « Mais légalement, par exemple, je n’ai pas le droit de faire des mariages ».

« La question de la place des femmes reste pertinente aujourd’hui, dans un monde où l’on voit un retour en force des voix conservatrices, que ce soit politiquement ou religieusement », relève Delphine Horvilleur.

Timides avancées

Les responsables libérales et massorties observent que le nombre de femmes étudiantes progresse plus que celui des hommes.

« La plupart des synagogues massorties sont égalitaires, hommes et femmes y ont le même statut, il n’y a pas de séparation, ils sont assis de façon mixte » (au contraire de la plupart des synagogues orthodoxes), constate d’autre part Valérie Stessin.

Par ailleurs, en France, une « formation en cinq ans va ouvrir l’an prochain », dans le courant libéral, se réjouit Pauline Bebe.

L’élève rabbin roumaine Daniela Touati à côté de la rabbin Floriane Chinsky (d) Laliv Cleman, docteure en littérature rabbinique (g) à Troyes, lors du premier congrès de femmes rabbin, le 17 juin 2019. (Crédit : BERTRAND GUAY / AFP)

Plus largement, « faire bouger les choses dans le judaïsme, c’est aussi l’occasion d’avoir une réflexion sur le rôle des femmes dans les différentes religions et évidemment dans la société », relève-t-elle.

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