Airbnb entre en bourse : Amnesty International dénonce les offres en Cisjordanie
L'ONG de défense des droits de l'homme accuse la société de partage de maison de ne pas avoir divulgué aux actionnaires ses activités dans les implantations en Cisjordanie
Amnesty International a accusé Airbnb de faire des bénéfices grâce aux implantations israéliennes au détriment des Palestiniens, à l’approche des débuts tant attendus de la compagnie basée à San Francisco sur le marché public jeudi.
Le groupe de défense des droits de l’homme a également déclaré que la société de partage de maison – qui figurait sur une liste noire de l’ONU des entreprises qui opèrent en Cisjordanie en février 2020 – n’avait pas divulgué ses opérations dans les implantations lors de son inscription pour son introduction en bourse, [IPO – Initial Public Offering].
Airbnb permet aux Arabes palestiniens et aux Israéliens des implantations juives en Cisjordanie de répertorier leurs propriétés sur son site et a déclaré l’année dernière qu’elle donnerait les bénéfices de ces locations à des œuvres de charité.
« Ces implantations constituent un crime de guerre au regard du droit international. Airbnb doit faire ce qu’il faut pour les futurs investisseurs et cesser de tirer profit des implantations illégales construites sur des terres palestiniennes volées dans les territoires palestiniens occupés », a déclaré Saleh Higazi, directeur régional adjoint d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, dans un communiqué publié mercredi.
« C’est une honte qu’Airbnb promeuve et profite d’une situation qui est à l’origine des violations systématiques des droits de l’homme auxquelles sont confrontés quotidiennement des millions de Palestiniens », a ajouté M. Higazi.
Amnesty, qui fait pression pour un boycott du tourisme dans les implantations israéliennes en Cisjordanie, a pris acte de la promesse de la société de reverser les recettes à des œuvres de charité, mais a déclaré qu’elle permettait néanmoins le mouvement de colonisation dans les zones revendiquées par les Palestiniens pour un futur État.
« Bien qu’Airbnb prétende reverser les bénéfices qu’elle génère grâce à ces offres, les laisser en place signifie qu’une industrie touristique plus large est soutenue et autorisée à prospérer au détriment des droits et des moyens de subsistance des Palestiniens », a déclaré l’ONG.
Elle a en outre accusé la société d’un manque de transparence envers ses actionnaires, soulignant que ses opérations en Cisjordanie et sa présence sur la liste noire de l’ONU étaient absentes de son inscription à l’IPO.
Airbnb a annoncé en novembre 2018 qu’elle supprimerait quelque 200 locations dans les implantations de Cisjordanie parce qu’elle soutenait que les implantations « sont au cœur du conflit entre Israéliens et Palestiniens ». Le mouvement de boycott d’Israël a considéré cette décision comme une victoire.
Cependant, en avril 2019, l’entreprise est revenue sur sa politique après une action en justice intentée par des Juifs américains.
Le changement de politique est intervenu à la suite d’un règlement judiciaire entre la société de location de vacances et une douzaine de plaignants juifs américains qui avaient poursuivi la société, organisé par le Shurat Hadin-Israel Law Center, une organisation juridique pro-israélienne.
Dans le procès, les plaignants ont affirmé qu’Airbnb les discriminait parce qu’ils étaient juifs, étant donné qu’elle autorisait toujours les inscriptions de musulmans et de chrétiens palestiniens en Cisjordanie.
Une copie du règlement obtenu par la Jewish Telegraphic Agency de l’époque indiquait qu’Airbnb autoriserait les locations dans les zones palestiniennes et les implantations israéliennes de Cisjordanie et ferait don de tout bénéfice provenant de la Cisjordanie à des organisations humanitaires. Il stipule qu’elle appliquera la même politique à l’Abkhazie et à l’Ossétie du Sud, deux territoires contestés adjacents à la Géorgie, et examinera ses inscriptions dans d’autres territoires contestés.
Airbnb a déclaré dans son communiqué de l’époque qu’elle ne soutenait pas le mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions visant Israël.
Tard mercredi, la société a fixé le prix de ses actions à 68 dollars pièce, ce qui lui donne une valeur globale de 47 milliards de dollars, selon une personne ayant connaissance de la transaction qui n’était pas autorisée à parler car le montant n’avait pas encore été rendu public. Les actions seront négociées sur le marché boursier du Nasdaq sous le code « ABNB ».
Airbnb a levé 3,7 milliards de dollars dans le cadre de son offre, ce qui en fait la plus importante introduction en bourse aux États-Unis cette année, selon Renaissance Capital, qui suit les introductions en bourse. La société avait initialement fixé une fourchette de prix de 44 à 50 dollars pour ses actions, mais elle l’a portée à une fourchette de 56 à 60 dollars en début de semaine, ce qui indique une demande croissante des investisseurs.
Airbnb – qui n’a jamais affiché de bénéfices annuels – a déclaré que ses revenus avaient chuté de 32 %, à 2,5 milliards de dollars, au cours des neuf premiers mois de cette année, le coronavirus ayant obligé les touristes à annuler leurs voyages. La société a retardé son introduction en bourse – initialement prévue pour le printemps – et a financé ses opérations avec 2 milliards de dollars de prêts. En mai, Airbnb a supprimé 1 900 employés, soit 25 % de ses effectifs, et a interrompu des programmes non liés à son activité principale, comme la production de films.
Mais dans les mois qui ont suivi, l’activité d’Airbnb a rebondi plus vite que celle des hôtels, car les voyageurs se sont sentis plus en sécurité en réservant des maisons privées loin des centres-villes surpeuplés pendant la pandémie.
Airbnb compte aujourd’hui 7,4 millions d’inscriptions, des châteaux aux tzimmerim logés dans les arbres, dans 220 pays. Elles sont exploitées par 4 millions d’hôtes. La société contrôle environ 39 % du marché mondial de la location à court terme, selon Euromonitor. Elle est le leader du marché en Europe, mais est à la traîne de VRBO, une société de location de vacances appartenant à Expedia, en Amérique du Nord.