Angleterre : L’équipe de football la plus verte du monde critique violemment Israël
Forest Green Rovers est le premier club certifié neutre en carbone par l'ONU, ne sert que de la nourriture végétalienne et arbore fièrement un drapeau palestinien sur son terrain
NAILSWORTH, Angleterre – Samedi 20 août, à 15 heures, marquait le coup d’envoi à Nailsworth, alors que la petite ville de l’ouest de l’Angleterre regardait son équipe poursuivre ses efforts de début de saison contre des équipes relativement importantes, pour la première fois de son histoire, vieille de 133 ans.
Le match, disputé à domicile au New Lawn Stadium, opposait le Forest Green Rovers (FGR) au Plymouth Argyle. Pour la première fois, les Rovers avaient gravi l’échelle de la Premier League, suivant un classement basé sur le mérite qui affecte les équipes aux ligues supérieures ou inférieures en fonction de leurs résultats de la saison précédente. (La Premier League est le troisième niveau le plus élevé du football anglais).
Alors que les Rovers s’efforçaient de jouer bien au-dessus de leur niveau habituel, les joueurs se projetaient déjà vers de plus grands sommets – monter d’un échelon supplémentaire à la fin de la saison 2022-23 – vers le niveau suivant, le championnat de la English Football League, juste un niveau en dessous de l’élite de la Premier League.
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Se frotter à des clubs beaucoup plus grands peut être intimidant pour un club comme le FGR, mais il a pour habitude de faire les choses différemment. Même la route qui mène à son modeste stade s’appelle « Another Way » (« Un chemin différent »).
Connu dans le monde entier comme le « club le plus vert du monde », Forest Green Rovers a été la première équipe sportive professionnelle au monde à être certifiée neutre en carbone par les Nations unies. Elle ne propose pas de viande ni de produits laitiers sur ses stands, mais les supporters peuvent apporter les leurs. Le club suit et promeut également des politiques respectueuses de l’environnement.
Vert de nom comme de nature, le club joue certains de ses matchs sous le parrainage de la Sea Shepherd Conservation Society – une organisation à but non lucratif de protection marine dont les tactiques ont suscité la controverse – et le drapeau noir Jolly Roger de l’organisation flotte au-dessus d’une pelouse bien entretenue. Il n’est pas surprenant que les spectateurs entendent souvent des chants tels que « Sales bâtards de végétaliens » et « Où est passé votre hamburger ? » de la part des supporters des équipes adverses.
Mais il y a un autre étendard qui flotte haut : le drapeau palestinien. Dale Vince, le charismatique propriétaire du club, défend farouchement les questions palestiniennes et remet en question la vieille maxime selon laquelle il ne faut pas mélanger le sport et la politique.
Dale Vince est un ancien hippie devenu homme d’affaires et propriétaire d’une entreprise d’énergie verte qui parcoure les collines du Gloucestershire. Il a acheté le club en 2010 et a financé sa période la plus faste. Les drapeaux, l’absence de camions de hamburgers bien gras à proximité du stade, les t-shirts Sea Shepherd et les campagnes de promotion de l’alimentation végétalienne font partie intégrante de sa vision, au même titre que ses prises de position politiques, potentiellement controversées.
En avril, il a posté une photo du drapeau palestinien avec la légende suivante : « Nous avons déployé ce drapeau lors du match de FGR aujourd’hui, en solidarité avec la Palestine. Le conflit qui y sévit a les mêmes fondements que celui qui sévit en Ukraine : invasion, occupation, meurtre de civils, destruction de maisons et d’hôpitaux – et sièges… La Palestine est assiégée par Israël – dans les airs, sur la terre et dans la mer, et ce depuis des décennies. Les États-Unis permettent cela, injectant des milliards en Israël pour soutenir son économie et son armée et utilisant leur veto pour bloquer toute action significative de l’ONU ».
Le 30 avril, Vince a également accueilli Husam Zomlot, le représentant de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) en Grande-Bretagne. En 2019, il avait accueilli Jeremy Corbyn – l’ancien leader du Parti travailliste connu pour son soutien inconditionnel aux Palestiniens – sur le terrain. Cela n’est pas passé inaperçu.
Le 25 mai, un groupe connu sous le nom UK Lawyers For Israel (UKLFI) a envoyé une lettre à Vince soulignant leur objection à ses actions.
« M. Vince et le FGRFC ont clairement utilisé des événements sportifs pour des manifestations de nature non sportive et ont jeté le discrédit sur le sport. Ils ont agi en violation claire et flagrante de ces dispositions », a déclaré Sam Green, directeur de l’UKLFI.
Le journal gratuit de droite Israel Hayom a publié le mois dernier un article accusant Vince d’être antisémite. « Quant aux fans de football juifs, il vaut mieux qu’ils n’assistent pas à ces matchs, surtout s’ils portent quelque chose les identifiant comme tels, » lit-on aussi dans le texte.
Mi-août, le Times of Israel a décidé d’enquêter et a fait le voyage de Londres à Nailsworth – situé dans les Cotswolds – pour assister au match du 20 août.
« Je n’ai pas de problème avec l’existence d’Israël »
Bien qu’il soit indubitablement israélien, le journaliste a reçu un accueil chaleureux à son arrivée à Nailsworth, du bureau de presse aux fans, en passant par Vince lui-même.
Vince s’est entretenu avec le journaliste du Times of Israel avant le match, vêtu d’un T-shirt et d’un treillis. Il a immédiatement reconnu qu’il ne voyait aucune raison de ne pas mêler la politique au sport. « Pourquoi devrais-je tracer une ligne ? », a-t-il demandé.
Faisant écho à une phrase favorite de « Ted Lasso », il a poursuivi. « Le football, c’est la vie. Il s’agit de gens qui se réunissent, qui ont des centres d’intérêts communs. Pourquoi exclure certaines choses de ce moment et de cette expérience ? Le football s’oppose au racisme, au sexisme et à l’homophobie. Le football prend déjà position sur les grandes questions ».
Même si un club veut inviter le politicien britannique d’extrême droite et partisan du Brexit, Nigel Farage, « c’est son problème », a déclaré Vince.
« Je ne leur dirais pas que cela leur est interdit et que c’est une violation des règles », a-t-il ajouté. « Nous devons tous faire ce en quoi nous croyons. Farage a des partisans et des gens qui croient en ce qu’il défend, tout comme nous. »
Vince a déclaré avoir reçu « une longue lettre » de l’UKLFI en mai qui l’accusait de racisme et de discrimination.
« J’ai bien expliqué que ma critique de l’État d’Israël n’est en aucun cas antisémite », a-t-il dit. « Je critique la Grande-Bretagne, je critique les États-Unis, je critique toute personne qui, selon moi, fait quelque chose de mal. »
Mais Vince a été clair : il n’est pas favorable au boycott des clubs de football de l’État juif.
« Nous ne boycotterions aucune équipe de football israélienne, car ce ne sont pas les individus qui dirigent le pays », a-t-il déclaré. « Je n’ai pas de problème avec l’existence d’Israël. Absolument aucun. Il est simplement question de critiquer l’État d’Israël pour sa politique d’occupation de ce qui devrait être la Palestine. »
Rien n’est plus important pour moi que de défendre ce en quoi je crois, quoi qu’il en coûte.
Pourtant, lorsqu’on l’a interrogé sur son soutien à Corbyn, dont le mandat a été entaché par des accusations d’antisémitisme systémique au sein du parti et qui a isolé de nombreux partisans travaillistes par ses tactiques extrêmes, Vince ne s’est pas dégonflé.
« C’était pendant les élections de 2019 », a déclaré Vince au sujet de son invitation à faire venir Corbyn sur le terrain. « Il était le leader du Parti travailliste. Je voulais qu’ils gagnent en raison de leur position sur les questions écologiques. Pour moi, c’est ça le plus important. Donc, nous avons peut-être aliéné des électeurs non travaillistes, et même certains électeurs travaillistes qui n’aimaient pas Corbyn, mais que peut-on y faire ? ».
« Rien n’est plus important pour moi que de défendre ce en quoi je crois, quoi qu’il en coûte », a-t-il ajouté. « Je ne suis pas intéressé par les implications commerciales ou politiques. Nous agissons de la même manière en ce qui concerne les questions climatiques. Au lieu de faire de la publicité pour des choses que vous devriez acheter, nous mettons en lumière ce qui se passe quand vous achetez certaines choses, telle que la dégradation de la planète. Nous ne sommes pas là pour faire diversion. »
« Je suis juste venu pour le football »
À l’extérieur du match à Nailsworth, l’atmosphère s’était intensifiée. Sur les 3 400 spectateurs présents, la moitié étaient des fans d’Argyle. Pour compliquer les choses – ou les simplifier, selon la façon de voir les choses – l’ensemble des supporters scandaient – à titre d’encouragement – « armée verte » aux deux équipes. Alors que les visiteurs jouaient en vert foncé, les Rovers portaient un vert phosphorescent, avec des rayures zébrées noires en zigzag. Vince n’est pas connu pour sa subtilité.
Dans les tribunes, deux fans nommés John et Clive, deux locaux à la retraite qui encouragent les Rovers depuis plus de 25 ans, se sont assis ensemble près du journaliste.
« C’est merveilleux de jouer ici dans un tel cadre, dans un paysage si magnifique – même si je ne dirais pas ça si nous étions en janvier », a déclaré John.
« Je suis reconnaissant à Dale de nous avoir fait monter en Premier League et je n’ai aucun problème avec ses questions d’écologie, mais le reste… », a-t-il ajouté en désignant le drapeau palestinien avec dédain, « n’est pas à mon goût ».
Je n’en sais pas assez sur la question palestinienne, et je ne compte pas m’en préoccuper ici, dans le stade
« Je n’en sais pas assez sur la question palestinienne, et je ne compte pas m’en préoccuper ici, dans le stade », a déclaré John. « Je déteste quand je dis que je suis un fan des Rovers et que cela conduit à des suppositions. Coupable par association. Comme quand Corbyn est entré sur le terrain. Je suis ici pour le club et pour le football, et je me serais opposé à ce que n’importe quel politicien, y compris Boris Johnson, soit affiché de la sorte. »
D’après les hochements de tête autour de nous, il semblait qu’il parlait au nom du plus grand nombre.
« Je n’ai pas l’impression que je serais le bienvenu là-bas »
Shai Yazdy vit à Rosh Haayin, dans le centre d’Israël, et fait partie de la poignée de supporters israéliens des Rovers. Bien qu’il n’ait jamais assisté à un match en personne, il avait toujours espéré pouvoir un jour y assister – jusqu’à récemment.
« Je suis devenu fan par le biais de la cause végétalienne et j’ai commencé à regarder chaque match depuis Israël et à communiquer avec d’autres fans », a déclaré Yazdy. « Mais en raison des récents événements, je n’ai pas l’impression que je serais le bienvenu là-bas ».
Yazdy s’est lancé dans une vilaine prise de bec sur Twitter avec Vince au sujet d’Israël, qui a suscité des réactions mitigées de la part de ses « camarades ». Alors que certains fans des Rover se sont réjouis de l’altercation et ont pris le parti de Vince, d’autres, qui se sont identifiés comme soutenant l’équipe avant le mandat de Vince, ont envoyé des messages privés à Yazdy pour dire qu’ils ne sont pas d’accord avec les opinions du propriétaire du club.
« Dale est une figure très influente dans la communauté FGR et les gens écoutent ce qu’il dit », a déclaré Yazdy. « Il est clair qu’il ne comprend pas la question israélo-palestinienne et qu’il veut juste provoquer. Il utilise le club pour ses aspirations politiques, et cela m’offense personnellement. »
Le groupe d’avocats UKLFI a envoyé une lettre de plainte à la Football Association pour lui demander d’intervenir, mais n’a reçu aucune réponse. En consultant le forum des supporters de l’équipe et le fil Twitter de Vince, on constate que cet effort n’a fait qu’attiser les flammes – le duel « Palestine contre Israël » est de plus en plus mis en avant sur les réseaux.
Sur le terrain, Forest Green Rovers a ouvert le match avec brio et a presque failli marquer, mais deux attaques dévastatrices d’Argyle ont permis aux visiteurs de mener 2-0 à la mi-temps. La deuxième mi-temps n’était guère différente. Les Rovers ont gardé le ballon mais n’ont rien fait.
Le match s’est terminé par une défaite 3 à 0 pour les Rovers. Une poignée de personnes ont crié « vous ne savez pas ce que vous faites » au manager des Rovers. La saison va être longue, et pas seulement sur le terrain.
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