Antisémitisme en Europe : Arte réagit aux accusations de censure
La chaîne explique que le film livré n'est pas conforme aux cahier des charges initial, et dément vouloir passer sous silence les liens entre antisionisme et antisémitisme
La chaîne franco-allemande a finalement répondu aux accusations la visant suite à son refus de diffuser « Les nouveaux visages de l’antisémitisme », un reportage sur l’antisémitisme en Europe, un film qu’elle avait financé en partenariat avec la chaîne publique allemande WRD.
Cette réaction a fait suite à la diffusion sur le site du journal allemand Bild Zeitung du dit reportage, mis en ligne gratuitement pour 24 heures.
« Arte ne veut légitimer a posteriori le documentaire en le diffusant sur son antenne, sachant qu’il s’éloigne considérablement du concept initialement convenu, lequel a été modifié sans qu’Arte n’en ait été informée » explique le communiqué, qui s’étonne mais n’a « aucune objection » à la diffusion du film sur le site de Bild.
D’autre part, la chaîne affirme qu’insinuer « pour des raisons politiques que le film n’aurait pas sa place dans le programme d’Arte est parfaitement absurde : la proposition acceptée par la Conférence des programmes prévoyait expressément, conformément à la ligne éditoriale d’Arte, chaîne européenne, de traiter de l’antisémitisme masqué derrière la critique d’Israël, et cela non pas au Proche-Orient, mais en Europe. »
Les auteurs du film, interrogés par le journal Le Monde ont pourtant donné une version sensiblement différente du différend qui les opposent à la chaîne. Ils auraient proposé de remonter le film, mais la chaîne aurait refusé.
Le film de 90mn réalisé par les documentaristes allemands Joachim Schroeder et Sophie Hafner a finalement été interdit de diffusion le 26 avril dernier par Alain Le Diberdier, directeur des programmes d’Arte.
Plus qu’en France, cette décision a créé la polémique en Allemagne. « Des historiens allemands, comme Götz Aly ou Michael Wolffsohn, sont intervenus dans les médias pour prendre sa défense, dénonçant ‘la censure’ exercée par la chaîne franco-allemande, » explique Le Monde qui a consacré une enquête sur le sujet.
Ce documentaire remet en lumière les manifestations d’antisémitisme présents dans le monde musulman des banlieues, et dans les rangs de l’extrême-droite, en France et en Allemagne.
Alain Le Dibernier dit avoir refusé la diffusion pour des raisons formelles. Certes, il le considère comme un « brûlot », dit-il au Monde, « mais la n’est pas la question. Nous n’avons jamais eu peur de diffuser des films à thèse ». Selon lui, les réalisateurs n’ont pas respecté les procédures.
« Je pense qu’ils n’ont pas apprécié que nous dressions la liste des actes antisémites et anti-sionistes commis en France depuis 2006 », explique Joachim Shroeder au quotidien du soir.
Mettre en évidence les relations entre anti-sionisme et antisémitisme est justement l’un des angles d’attaques du film, pour lequel les réalisateurs se sont rendus en Israël et à Gaza « pour examiner les récits antisémites les plus communs ».
La réalisation de ce film a suscité de nombreuses discussions dans les couloirs de la chaîne franco-allemande.
« Il faut que vous compreniez que le sujet est très délicat », dit un jour Marco Nassivera, directeur de l’information d’Arte. « Nous sommes coincés entre les lobbys juifs et musulmans. C’est la raison pour laquelle la conclusion de ce documentaire doit rester indéterminée. »
Ou comment, par l’entremise d’une polémique on entrevoit les coulisses de l’information, et les secrets de la représentation du Proche Orient sur les chaînes européennes.