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AP : 267 M de NIS saisis par Israël sur les revenus fiscaux transférés à Ramallah

Cette somme inhabituellement élevée résulterait de la décision prise par Smotrich de doubler les déductions relatives aux fonds versés aux prisonniers, dit l'Autorité palestinienne

Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Le président palestinien Mahmoud Abbas, au centre, lors d'une messe de minuit à l'église de la Nativité à Bethléem, en Cisjordanie,  le 25 décembre 2022. (Crédit: Ahmad Gharabli/Pool Photo via AP)
Le président palestinien Mahmoud Abbas, au centre, lors d'une messe de minuit à l'église de la Nativité à Bethléem, en Cisjordanie, le 25 décembre 2022. (Crédit: Ahmad Gharabli/Pool Photo via AP)

Le ministère des Finances de l’Autorité palestinienne (AP) a affirmé jeudi qu’Israël avait déduit 267 millions de shekels du revenu fiscal mensuel que collecte l’État juif pour le compte de Ramallah.

Le ministère a attribué cette déduction particulièrement élevée à la décision prise par le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, de multiplier par deux le montant saisi par Israël sur ces revenus fiscaux – cette hypothèse faite par le ministère n’est néanmoins pas suffisante pour véritablement expliquer ce montant.

Cette saisie empêchera encore davantage l’AP de payer les salaires de ses quelque 130 000 fonctionnaires, qui incluent les membres de ses forces de sécurité.

En raison de l’absence de statut d’État de l’AP, c’est Israël qui collecte les taxes douanières et autres revenus fiscaux pour son compte. Les fonds sont transférés chaque mois à Ramallah, avec un argent qui compose environ
65 % du budget annuel des Palestiniens qui est d’environ 18 milliards de shekels. En comparaison, le budget annuel israélien est d’environ 527 milliards de shekels.

En 2018, Israël avait adopté une loi exigeant qu’une somme égale au total des allocations versées par l’AP aux prisonniers sécuritaires et aux familles de terroristes tués par les forces de sécurité israéliennes soit retenue sur les fonds collectés pour le compte des autorités de Ramallah.

L’establishment sécuritaire israélien s’était opposé à ce projet à ce moment-là, avertissant qu’il risquait d’entraîner l’effondrement de l’AP, ce qui obligerait une fois encore Israël à assumer la responsabilité des services civils offerts aux millions de Palestiniens de Cisjordanie. Un tel effondrement était aussi susceptible, pour les responsables de la sécurité, d’entraîner un vide qui pourrait être exploité par des forces plus extrémistes – comme, par exemple, par le groupe terroriste du Hamas, au pouvoir à Gaza.

A l’époque, la coalition, qui était dirigée par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, avait ignoré ces inquiétudes et adopté la législation – qui comprend malgré tout une clause qui exige que les déductions faites soient régulièrement approuvées par le cabinet. En résultat, ces déductions n’ont pas souvent été mises en œuvre, Jérusalem semblant néanmoins avoir estimé jusqu’à présent qu’un effondrement de l’AP ne serait clairement pas dans l’intérêt d’Israël.

En 2021, le ministre de la Défense d’alors, Benny Gantz, avait offert à l’AP un prêt de 500 millions de shekels pour tenter de maintenir le gouvernement palestinien, privé de liquidités, à flot.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, à gauche, et le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, au Bureau du Premier ministre à Jérusalem, le 11 janvier 2023. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

Mais l’arrivée au pouvoir, à la fin de l’année dernière, du nouveau gouvernement israélien de la ligne dure a été l’occasion d’un changement de positionnement au sujet de l’importance du maintien de l’AP.

Cela fait longtemps que Smotrich dit être favorable à la dissolution de l’AP. Il a indiqué, le mois dernier, que tant que l’AP était un soutien du terrorisme, il ne voyait aucun intérêt à ce qu’elle existe.

Les critiques de ces versements, aux États-Unis et en Israël, affirment qu’ils sont une incitation au passage à l’acte terroriste. La pratique en Israël est connue sous le nom de « pay for slay » (payer pour tuer).

Pour de nombreux Palestiniens, ce qu’ils appellent la solidarité avec les personnes emprisonnées pour des actes anti-israéliens – y compris pour des violences terroristes – est un pilier du mouvement nationaliste palestinien. Les paiements sont aussi considérés comme une forme cruciale d’aide sociale pour des familles sans revenu depuis que leur proche a été emprisonné, condamné par ce qui représente, à leurs yeux, un système judiciaire injuste.

Lors de son premier mois aux responsabilités, le nouveau gouvernement israélien avait accepté une série de sanctions contre l’AP en riposte à une initiative prise par cette dernière, avec succès, aux Nations unies – l’ONU avait ainsi accepté que la Cour internationale de justice (CIJ) intervienne dans la conduite israélienne sur les Territoires palestiniens. Parmi ces mesures, la saisie de 139 millions de shekels des revenus fiscaux collectés pour le compte de l’AP, une somme qui avait été transmise aux familles d’Israéliens tués dans des attaques palestiniennes.

Puis, jeudi, Smotrich avait annoncé qu’Israël multiplierait par deux le montant des taxes qui ne seront pas versées à l’AP dans les six prochains mois pour compenser les six mois pendant lesquels le gouvernement précédent n’avait rien saisi.

Ce qui signifie qu’au lieu de déduire 50 millions de shekels des revenus fiscaux palestiniens au mois de janvier, Israël saisira 100 millions de shekels, avait-il expliqué.

Les 78 millions de dollars qui, selon l’AP, manqueraient du montant qui lui était dû pour le seul mois de janvier représentent une somme beaucoup plus élevée que les 30 millions qui avaient été annoncés par Smotrich, quelques heures auparavant. Cet écart peut s’expliquer en partie par les 39 millions de dollars qui ont été transférés par le cabinet israélien aux familles de victimes du terrorisme. Un porte-parole du ministère des Finances de l’Autorité palestinienne n’avait pas répondu à notre demande de clarification au moment de l’écriture de cet article.

D’éminents responsables palestiniens ont averti que de telles initiatives pouvaient entraîner la disparition de l’AP. Le Premier ministre de l’AP Mohammad Shtayyeh avait confié à Haaretz, le mois dernier, que la dernière série de sanctions approuvées par Israël était « un nouveau clou dans le cercueil de l’Autorité » et il avait demandé à la communauté internationale d’intervenir.

Le Premier ministre de l’Autorité palestinienne, Mohammad Shtayyeh, tenant un briefing avec la presse étrangère dans son bureau de Ramallah, en Cisjordanie, le 10 novembre 2021. (Crédit : Abbas Momani/AFP)

« Les gouvernements israéliens précédents ont tenté d’en finir avec la perspective d’une solution à deux États alors que le gouvernement actuel est également en lutte avec l’AP elle-même », avait accusé Shtayyeh.

« Nous voyons parfaitement bien ce qui se passe », avait-il continué. « Le renforcement des constructions dans les implantations, la nécessité de déconnecter Jérusalem de la Cisjordanie, l’annexion des territoires de la Zone C et, aujourd’hui, l’écrasement de l’AP – c’est là le plan actuellement mené par le gouvernement israélien ». La Zone C représente approximativement 60 % des territoires de la Cisjordanie qui sont placés sous le contrôle sécuritaire et civil d’Israël, c’est là où se trouvent les implantations israéliennes et le développement palestinien y est très limité.

Dans les accords de coalition qui ont été signés entre le Likud de Netanyahu et HaTzionout HazDatit, la coalition d’extrême-droite de Smotrich, le Premier ministre a accepté de faire avancer l’annexion des terres de Cisjordanie. Un engagement qui a été toutefois formulé en termes vagues – ce qui permettra à Netanyahu de ne rien faire à ce sujet s’il doit en faire le choix.

Cela fait longtemps que Smotrich prône l’annexion de vastes pans de la Cisjordanie, le renforcement massif des constructions dans les implantations, la légalisation des avant-postes israéliens illégaux et la démolition des habitations construites sans autorisation préalable par les Palestiniens – qui n’obtiennent que très rarement des permis de construire.

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