Après des ventes de terrains à Jérusalem, les Palestiniens exigent l’éviction du Patriarche
Les critiques se sont multipliées en Jordanie et en Cisjordanie envers Abbas, déplorant son inaction sur des transactions faites à l'ouest de la ville ; elles demandent que les Palestiniens remplacent les ressortissants grecs dans la hiérarchie de l'Eglise
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.

La vente secrète récemment révélée de terrains appartenant à l’Eglise grecque orthodoxe à Jérusalem à des investisseurs privés aurait dressé les Palestiniens et les ressortissants grecs les uns contre les autres au sein de l’Eglise, causant notamment des tensions entre les chrétiens palestiniens à l’intérieur de l’Autorité palestinienne, comme au dehors.
De Cisjordanie et de Jordanie, des Palestiniens auraient appelé à l’éviction du patriarche grec orthodoxe Théophile III, après des révélations selon lesquelles l’Eglise aurait vendu des biens immobiliers clés à Jérusalem Ouest, qui faisait partie d’Israël avant la guerre de 1967.
Certains critiquent l’Autorité palestinienne (AP), qui n’a rien fait pour arrêter ou annuler ces ventes.
Plus tôt ce mois-ci, le Conseil orthodoxe central arabe a demandé à l’Autorité palestinienne de renvoyer le patriarche actuel, Théophile III, selon Al-Monitor, un site d’information privé basé à Washington.

En outre, le 6 juillet, 112 parlementaires jordaniens ont signé un mémorandum qu’ils ont présenté au député Atef Tarawneh, en appelant le Premier ministre Hani al-Mulki à « convoquer Théophile à Amman afin de mettre fin à ses actes et à celui de son synode. » En cause, l’abandon de plus de 50 hectares de terrains appartenant à l’Eglise.
Dans une déclaration conjointe publiée quelques jours plus tôt, le 2 juillet, 40 parlementaires jordaniens ont dénoncé ce qu’ils ont appelé le « mépris de Théophile envers l’Eglise orthodoxe chrétienne de Jérusalem », exigeant que les transactions soient annulées.
D’autre part, 14 institutions orthodoxes locales ont décidé le 3 juillet de boycotter Théophile et de créer un comité spécial chargé de suivre les appels populaires demandant à ce qu’il soit évincé de ses fonctions.
Le Conseil orthodoxe central arabe en Palestine et en Jordanie s’était tourné vers le Comité supérieur des affaires des Eglises en Palestine, une organisation créée en 2012 par le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, afin de traiter les affaires chrétiennes.
Alif al-Sabbagh, membre du Conseil, a déclaré à Al-Monitor que Théophile « signait des accords l’un après l’autre », mais que, en dépit des « preuves bien documentées » présentées à l’AP, le patriarche n’avait « pas encore été démis de son poste ».
« Les dirigeants palestiniens et jordaniens souhaitent mettre fin à la domination des moines grecs sur le patriarcat », a ajouté Sabbagh, faisant ainsi référence à un grief de longue date.

Hana Amira, qui dirige le comité établi par Abbas, a affirmé que les demandes du conseil devraient être présentées directement au président de l’AP et que les avocats devraient passer par les contrats signés.
Il a aussi jugé « farfelue » la volonté de remplacer le clergé grec par des chrétiens palestiniens.
Le patriarcat est soumis à la loi jordanienne, et le patriarche lui-même est détenteur d’un passeport jordanien.
Al-Monitor a indiqué que la loi interdisait au patriarche de vendre des terrains de l’Eglise. Dans ce dossier, le rôle de l’Autorité palestinienne demeure toujours incertain. Selon Al-Monitor, l’AP aurait dénoncé l’accord foncier le 2 juillet.
Cependant, dans un autre cas, l’implication de l’Eglise dans la vente d’un bail sur un terrain que les chrétiens pensent être l’emplacement de la Colline du Conseil diabolique [où Judas a comploté pour trahir Jésus], dans le quartier d’Abu Tor, l’accord aurait été discrètement approuvé par l’AP, selon un membre haut placé du clergé qui a parlé au Times of Israël.
La levée de boucliers provoquée par les ventes faites sous Théophile fait écho à la colère qui a conduit à la rétrogradation de son prédécesseur, Irénée.
Irénée avait été accusé de vendre des terres autour de la porte de Jaffa, dans la Vieille Ville, des terrains que les Arabes souhaitaient voir englober dans un futur état palestinien.
Bien qu’Irénée ait nié ces allégations et ait été blanchi par l’Autorité palestinienne, le Saint-Synode de Jérusalem a voté en 2005 son expulsion et sa rétrogradation au rang de moine. Théophile avait été nommé peu de temps après.