Avant son suicide, une femme a écrit un livre sur son calvaire dans le monde haredi
Retrouvée morte dans sa voiture, Esti Weinstein a décrit sa souffrance de femme au foyer hassidique Gur, et l'éloignement de ses enfants
Stuart Winer est journaliste au Times of Israël
Une femme autrefois ultra-orthodoxe qui a été retrouvée morte dans sa voiture dimanche après s’être apparemment suicidée, avait écrit une courte autobiographie décrivant les rigueurs de la vie au sein de la secte hassidique de Gur et la douleur qu’elle a ressentie quand ses filles ont coupé les liens avec elle en raison de sa decision d’abandonner la religion.
Esti Weinstein, 50 ans, a été découverte près de la plage Hakshatot dans la ville côtière d’Ashdod, mettant fin à une semaine de recherches après qu’elle ait été portée disparue. Dans la voiture où se trouvait son corps, les policiers ont découvert un mot d’adieu.
« Dans cette ville, j’ai donné naissance à mes filles, dans cette ville, je meurs à cause de mes filles, » a écrit la defunte, jadis membre d’une éminente famille de Gur.
Il y a huit ans, Weinstein, qui avait sept filles, a choisi de quitter le milieu ultra-orthodoxe, dans lequel elle avait grandi et dans lequel elle s’était mariée à l’âge de 17 ans.
« Je comprends que je suis malade et dans le besoin, et je ne veux pas continuer à être un fardeau pour vous », écrit-elle. « Ne faites pas beaucoup d’efforts pour la cérémonie, quelque chose de modeste avec beaucoup de fleurs, et rappelez-vous que c’est ce que j’ai choisi comme le meilleur pour moi, et aussi si vous dites que je suis égoïste, je l’accepte et je comprends votre manque de compréhension ».
Jusqu’à sa mort, elle avait vécu avec son partenaire dans la ville d’Azor dans le centre du pays.

Haaretz a rapporté que Weinstein avait également écrit un livre de 183 pages intitulé « Faire Sa volonté », qu’elle consacre à sa fille Tami, qui l’a suivie dans sa vie laïque et était la seule de ses filles à maintenir le contact avec elle. Dans le livre, Weinstein a rappelé les événements de son mariage et une précédente tentative de suicide.
Son mariage, a-t-elle expliqué, avait été profondément influencé par les « takanot » – un ensemble de lignes directrices strictes qui définissent la façon dont les couples Gur mariés doivent se conduire, du banal à l’intime.
Elle y décrit la seule rencontre qu’elle a eue avec son mari avant leur mariage. Son futur marié a soulevé la question des takanot et son attente qu’elle respecte les règles.
« Maintenant vient le ‘discours’ dont ils m’ont parlé, sur la difficulte de se conformer à toutes [les takanot], et combien cela est important, ‘bla, bla, bla’, me suis-je dit, et j’ai plaint le garçon maigre assis en face de moi, avec ses épaules tombantes, ses mains devant son corps, et se balançant ayant l’air mal à l’aise … son apparence générale était loin d’être parfaite, mais, voyant son humiliation, il m’a fait me sentir détendue à côté de lui. »
« J’ai su à ce moment que j’étais d’accord pour le shiduch [mariage arrangé], » se souvient-elle.
Durant leur mariage, son mari ne l’a jamais appelée par son nom, a écrit Weinstein.
« A l’époque je ne connaissais pas la signification du mot ‘romantique’, mais je sentais très fort que je voulais l’entendre prononcer mon nom. Parfois, je marchais derrière lui dans la maison comme une ombre et j’imaginais qu’il se tournerait soudain et dirait ce mot merveilleux ».
Une fois, quand elle a demandé à son mari de lui faire l’amour plus que les deux fois par mois autorisées dans les takanot, il quitta leur maison pour appeler un conseiller afin d’obtenir des conseils et ne revint que deux heures plus tard.
« Il se tut un instant dans l’entrée de la salle de séjour, sans me regarder, et a jeté dans l’espace du salon la phrase qui ne m’a pas lâchée pendant de nombreuses années et jusqu’à aujourd’hui : ‘Le rabbin a dit de ne pas ajouter des jours à ceux que le rebbe [chef de la secte] de Gur a défini, à savoir deux fois par mois, et nous avons déjà fait cela deux fois ce mois-ci ! Par conséquent, le rabbin a dit, que ce mois-ci nous ne devrions pas le refaire à nouveau, et a ajouté et a donné l’instruction, que si tu l’acceptes, tant mieux ! Et si non – que je devrais dormir dans le salon, et si cela aussi n’aide pas et que tu continues d’insister, le rabbin a décidé que je devrais dormir dans la [synagogue] ! Bonne nuit !’
« Il a fini comme un père ordonnant à ses enfants d’aller directement au lit, parce qu’il est tard. Il est allé dans la chambre à coucher et s’est immédiatement endormi, et moi j’ai passé la nuit en larmes et me lamentant terriblement. »

Weinstein aurait terminé le livre par l’écriture de sa vie divisée entre être la femme indépendante qu’elle a choisi d’être en abandonnant la secte, et « ma vie de mère, douloureuse, [de femme] qui a été mise en pièce, malade, et blessée. »
« J’ai pensé que c’était une question de temps, mais les années passent et le temps ne guérit pas, et la douleur ne cesse pas. »
Yair Hess, directeur de l’organisation Hillel, qui offre un soutien aux membres de la communauté ultra-orthodoxe qui veulent quitter la religion, s’est souvenu de Weinstein, qui était bénévole dans l’organisation, comme « une femme forte, un modèle. »
« Nous ne savions pas à quel point ses blessures étaient profondes, » a-t-il dit.