Avec foi et enfants, les femmes haredi conquièrent le milieu de la technologie
Des femmes utra-orthodoxes en tournée en bus à la rencontre des femmes piliers de l'industrie du high-tech à Tel Aviv et à Jérusalem, qui connaissent une pénurie d'effectifs

Chana, 21 ans, et Miriam, 20 ans sont parmi les plus jeunes des 50 femmes orthodoxes entrepreneurs qui sont montées à bord d’un bus la semaine dernière en pèlerinage sur les sanctuaires du high-tech à Tel-Aviv et à Jérusalem. Elles sont parties rencontrer leurs homologues chez Microsoft, Google, Cisco, Intel et d’autres encore.
Chana et Miriam, qui n’ont pas souhaité dévoilé leur patronyme, ont étudié l’ingénierie informatique dans une école harédi et travaillent désormais pour une startup, créée par Ruth Margalit, la PDG ultra-orthodoxe de I-rox, basée à Bnei Brak, une société de logiciel qui sous-traite ses services à d’autres sociétés.
Miriam a commencé à y travailler il y a 5 mois, et, contrairement à la plupart des femmes dans ce bus, elle ne porte ni perruque ni couvre-chef, ce qui indique qu’elle n’est pas mariée. « Mes parents préfèrent que je travaille », dit-elle. « Ils veulent que nous faisions ce que nous aimons. » Et lorsqu’on l’interroge sur ses perspectives de shiddoukhim, de rendez-vous arrangés en vue d’un mariage, elle répond avec un sourire « Beezrat Hashem – avec l’aide de Dieu – d’ici un an ou deux, on commencera les shiddoukhim. »
« Les shiddoukhim n’ont rien à voir avec cet article », est intervenue Chana, apparemment scandalisée par la question. « Si nous étudions, nous progresserons. »
Miriam et Chana ont exprimé leur exaspération face à ce qu’elles appellent une « stigmatisation » des femmes ultra-orthodoxes, qui sont perçues, dans la société israélienne comme soumises et entourées d’une progéniture conséquente.

« Nous participons à ce voyage pour apprendre et pour voir comment est-ce que l’on travaille » dans les grandes entreprises de technologie, explique Chana.
Ce tour a été organisé par KamaTech, une organisation à but non lucratif, catalyseur de start-ups pour entrepreneurs ultra-orthodoxes qui vise à intégrer ces hommes et ces femmes dans l’industrie high-tech en Israël.
Chana et Miriam représentent une tendance grandissante parmi les femmes ultra-orthodoxes qui se forment pour occuper des postes dans des sociétés de technologie.
Chaque année, plus de 600 femmes ultra-orthodoxes décrochent un diplôme d’ingénierie et de programmation dans des séminaires harédi. Les femmes représentent près de la moitié des 6 000 jeunes gens et jeunes femmes ultra-orthodoxes qualifiés en recherche d’un emploi dans la base de donnée de KamaTech.
En 2013, lorsque KamaTech a été créée, il n’y avait que 5 entrepreneurs ultra-orthodoxes dans cette base de données. Aujourd’hui, ils sont près de 500, et 200 sont des femmes, rapporte Moshe Friedman, co-fondateur de KamaTech.

Israël cherche à exploiter de nouvelles sources d’employés, parce que le manque d’actifs qualifiés freine la croissance du secteur high-tech, jusque là moteur de croissance de l’économie. Exploiter les populations ultra-orthodoxes et arabes, qui ont été laissées en marge du boom du high-tech à cause de leur manque de qualification, c’est une des manières qu’Israël a trouvé pour surmonter l’insuffisance de travailleurs qualifiés.
« Nous voulons que ces femmes rencontrent des femmes entrepreneurs et qu’elles les voient comme des exemples à suivre », a expliqué Friedman dans une interview avec le Times of Israel. « Nous voulons leur apprendre ce qu’est une start-up, ce que fait un responsable scientifique. L’idée, c’est de leur donner un aperçu de différents aspects du monde du high-tech et de les inspirer pour qu’elles aient des idées et des rêves. »
Le salaire moyen en Israël est de 9 032 shekels par mois (2 263 €) et le salaire moyen des femmes en Israël est de 8 173 shekels (2 047 €). Mais le salaire moyen des femmes harédi en Israël est de 5 284 shekels (1 323 €), selon les données du ministère de l’Économie et de l’Industrie.
Aujourd’hui, les hommes et les femmes ultra-orthodoxes qui travaillent dans le high-tech sont employés au plus bas niveau, déplore Friedman. « Nous voulons les emmener vers les hauts niveaux, nous voulons qu’il s’élèvent, grâce à l’inspiration et au suivi. »

À ce jour, KamaTech est parvenue à donner près de 400 postes hauts-placés à des femmes dans des multinationales telles que Microsoft, Google, Cisco et Amdocs, a affirmé Friedman. Certains salaires atteignent les 14 000 shekels.
Durant le voyage de deux jours, les femmes, presque toutes en jupes, foulards ou perruques, comme c’est la norme dans le milieu, sont allées de bureau en bureau pour rencontrer certains des entrepreneurs les plus prospères du pays.
Elles ont rencontré, entre autres, Zika Abzuk, cadre supérieur en développement commercial pour Cisco en Israel et Yael Villa, gestionnaire du site de Cisco à Jérusalem ; Inbal Arieli, vice-présidente des partenariats stratégiques pour Start-up Nation Central et fondatrice de 8200 EISP; Michal Waltner, gestionnaire de programme pour Google sur le Campus Tel Aviv; Yifat Oron, PDG de LeumiTech, filière high-tech du groupe Leumi ; Liat Aaronson, associée du fonds Marker LLC qui a crée le Zell Entrepreneurship Program à IDC Herzliya; et Esther Barak Landes, PDG de Nielsen Innovate.
Certaines ont parlé de la difficulté d’être une femme dans un lieu de travail majoritairement masculin, et toutes se sont montrées disposées à agir comme mentor pour d’autres femmes, dans une sorte de solidarité féminine high-tech. De plus, elle ont ajouté qu’un lieu de travail hétérogène, avec des employés venant de différents milieux sociaux dans le monde du high-tech était la clé du succès, car cette diversité contribue à la diversité des produits que les sociétés cherchent à fournir à leurs utilisateurs.
« Israël a atteint un plafond de verre en ce qui concerne les employés du high-tech. Il n’y a pas assez d’actifs », a déclaré Oron, de LeumiTech dans une interview. « Tous les bons employés se font embaucher par les multinationales. C’est un marché très compétitif, ce qui est bon pour les employés, mais ce n’est pas bon pour l’industrie. Nous devons chercher des nouveaux talents afin d’avoir de nouvelles ressources, il faut aller dans des environnements inexploités. »
LeumiTech a co-organisé ce voyage avec KamaTech.
Oron a tout de même souligné certaines difficultés auxquelles font face les femmes ultra-orthodoxes. Elles sont peu susceptibles de travailler dans des environnements qui ne sont pas religieux, se sentir à l’aise dans des environnement exclusivement féminins, et avoir des restrictions alimentaires sur la cacheroute. L’idée, c’est de les aider à trouver les bonnes conditions de travail qui leur permettront de travailler dans des multinationales et de les encourager à devenir indépendantes.

« Elles viennent d’un monde très différent » explique Oron. « L’idée de cette tournée en bus, c’est qu’elles se familiarisent avec l’écosystème. »
Heni est une entrepreneure ultra-orthodoxe de 29 ans et mère de 4 enfants. Elle a crée un studio pour la conception de sites web pour les petites et moyennes entreprises, après avoir été salariée pendant 7 ans. « C’était important pour moi » de participer à cette tournée, dit-elle devant les ascenseurs des bureaux de Google à Tel-Aviv. « Je veux voir le monde des start-up, apprendre ce que je peux, et tenter d’avoir des partenariats. »
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