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Benjamin Stora retrace l’histoire des Juifs d’Algérie dans une bande dessinée

L'historien de Constantine et Nicolas Le Scanff racontent l’histoire millénaire d’une communauté qui a dû s’exiler en 1962

L'historien français Benjamin Stora pose lors d'une photo de séance à Paris, le 19 janvier 2021. (Crédit : JOEL SAGET / AFP)
L'historien français Benjamin Stora pose lors d'une photo de séance à Paris, le 19 janvier 2021. (Crédit : JOEL SAGET / AFP)

En quarante ans, c’est le quarantième ouvrage que l’historien Benjamin Stora consacre à l’Algérie, pays où il est né en 1950.

Cette fois, il s’agit d’une bande dessinée illustrée par Nicolas le Scanff.

À l’aube des soixante ans de la signature des accords d’Evian de mars 1962, qui ont marqué la fin de la guerre d’Algérie, les deux hommes publient l’ouvrage Histoire des juifs d’Algérie, de l’Antiquité à nos jours (La Découverte), qui prolonge Histoire dessinée de la guerre d’Algérie (Seuil), publiée en 2016 aux côtés de Sébastien Vassant.

Didactique, cette bande dessinée est destinée aux enfants comme aux adultes et traite aussi bien des traditions religieuses et culturelles que des grands moments politiques qui ont jalonné la vie des Juifs en Algérie.

Couverture de la bande dessinée de Benjamin Stora sur l’histoire des Juifs d’Algérie.

L’histoire commence un jour de septembre 2019 à Sarcelles. Alors qu’il numérise des photos de famille, David, un adolescent descendant de Juifs des Aurès, découvre le portrait, peint en 1878, d’une « jeune femme indigène » d’Algérie.

Il s’agit de Bellara, la grand-mère de son arrière-arrière-grand-père Nathan, le seul portrait de famille qui subsiste de cette époque, 1878, huit ans après le décret Crémieux adopté par la puissance occupante, la France. Un décret éminemment important pour les Juifs d’Algérie. Après la longue domination arabe puis ottomane, il va leur permettre d’être considérés comme des citoyens français à part entière.

« Le décret Crémieux leur donnant automatiquement la nationalité française, les juifs d’Algérie ont connu leur premier exil, celui qui les a séparés des autres ‘indigènes’, les musulmans. Ils apprennent le français et l’histoire de France en tenant graduellement à l’écart leur héritage hébraïque et arabe, et sont entraînés sur la voie de l’assimilation républicaine. En 1870, les juifs algériens deviennent des Français d’origine juive. Cette naturalisation collective bouleverse une partie de la population européenne et les élites musulmanes », explique Benjamin Stora au journal Libération.

Les débats qui, au ministère de la Justice à Paris, ont précédé l’adoption de ce décret sont retracés dans la bande dessinée.

Congrès juif mondial Conférence nord-africaine, Alger, juin 1952 (Crédit : Attribution-ShareAlike 3.0 Unported (CC BY-SA 3.0))

On y voit notamment Isaac Moïse Crémieux, connu sous le nom d’Adolphe Crémieux, batailler pour pousser son décret face à ceux qui craignent alors que « si on favorise (les Juifs) par rapport aux indigènes musulmans, cela risque de créer des dissensions », affirme Stora toujours auprès de Libération. Pour Crémieux, il n’y avait pas de dissension possible : « Les musulmans ? Ce pays est le leur, leur sort est lié à l’évolution de la conquête française, » poursuit Stora.

Adolphe Crémieux (photo credit: Wikimedia Commons)
Adolphe Crémieux. (Crédit : Wikimedia Commons)

Le décret Crémieux sera finalement abrogé en octobre 1940 par le régime collaborationniste de Vichy du maréchal Pétain, apprend ensuite le jeune David en discutant avec un ami de son oncle Ruben lors d’une fête familiale. Les Juifs d’Algérie sont donc redevenus des indigènes, des parias aux yeux des autorités françaises.

À Alger, un petit groupe de Juifs résistants s’est alors formé pour aider au débarquement anglo-américain. Il s’est souvent réuni dans une salle de sport où l’on pratiquait la boxe sous le regard d’un ex-champion de France militaire, Géo Gras.

Leur chef était José Aboulker et le groupe se composait d’Emile Atlan, Bernard Karsenty, André Témime, Charles Bouchara et Jean-Daniel Bensaïd qui, une fois en France, deviendra Jean Daniel et dirigera le Nouvel Observateur.

Jean Daniel, fondateur du Nouvel Observateur devenu l’Obs, est décédé à 99 an, le 20 février 2020. (Capture d’écran YouTube)

Si les Américains ont pu débarquer à Alger en octobre 1942, c’est grâce à eux. « L’état-major attendait 1 000 volontaires, il en vint 377 dont 312
Juifs, » précise Stora.

Le décret Crémieux fut rétabli en octobre 1943 redonnant aux Juifs d’Algérie leur citoyenneté française perdue.

Mais les célébrations de la victoire, en 1945, ont creusé un fossé entre Français et musulmans. Désireux de profiter de ce moment de fête pour pousser leurs revendications indépendantistes, les partis nationalistes algériens se sont révoltés de la voix avant d’être violemment réprimés.

Le nationalisme algérien, qui couvait depuis 1926 sous la houlette de Messali Hadj, auquel Benjamin Stora a consacré son premier ouvrage en 1982 (Messali Hadj, pionnier du nationalisme algérien, l’Harmattan), puis de Ferhat Abbas après que celui-ci a tenté de jouer la carte de l’assimilation des musulmans à la France, va se développer jusqu’à aboutir à la guerre d’Algérie.

Messali Hadj (Crédit : Domaine public)

« Entre le début de la guerre et la proclamation de la république algérienne, en 1962, 130 000 Juifs ont quitté le pays », écrit Benjamin Stora.

A LIRE : Regroupement des sépultures juives en Algérie

La grande majorité de ces Juifs est partie en France.

Quelques milliers ont gagné Israël.

D’autres, trois à quatre mille, sont restés en Algérie pour la quitter dans les années 1990.

Le gouvernement allemand a reconnu en février 2018 quelque
25 000 juifs d’Algérie survivants de la Shoah, comme étant éligibles à une indemnisation. Les Juifs qui ont vécu en Algérie entre juillet 1940 et novembre 1942, et qui ont souffert aux mains des nazis, ont perçu un règlement unique de 2 556,46 d’euros, via la Conférence sur les réclamations matérielles contre l’Allemagne (Claims Conference), un organisme juif international qui verse des fonds d’indemnisation de la Shoah pour le compte du gouvernement allemand.

A LIRE : Les Juifs algériens voient « une certaine justice » dans les indemnités allemandes

Benjamin Stora et Nicolas Le Scanff, Histoire dessinée des juifs d’Algérie, de l’Antiquité à nos jours, Editions La Découverte.

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