Joe Biden juge l’action d’Israël à Gaza « excessive »
Le président américain, qui répondait à une question sur les pourparlers sur les otages, a également dit : "Trop d'innocents sont morts, cela ne peut plus durer", sans plus de détails
Dans une déclaration peu claire, comprise et rapportée comme une critique virulente d’Israël mais qui pourrait faire référence à la proposition de cessez-le-feu du Hamas, le président américain Joe Biden a déclaré jeudi que « les opérations à Gaza » étaient « excessives ».
La Maison Blanche a plus tard indiqué qu’il parlait de l’action israélienne quand il a dit qu’elle était « excessive ».
Le président a tenu ces propos à la fin d’une conférence de presse à la Maison Blanche. Alors qu’il quittait la salle, des journalistes ont continué à lui poser des questions, notamment sur « les négociations concernant les otages » et « les ordres donnés par Netanyahu à l’armée israélienne ».
Le président s’est retourné et leur a dit : « Vous savez, les négociations sur les otages…», avant de faire demi-tour et revenir au micro.
« Comme vous le savez, je pense que les opérations à Gaza, dans la bande de Gaza, sont excessives. Comme vous le savez également, le président du Mexique Sissi » – Abdel-Fattah al-Sissi est, en fait, le président de l’Égypte – « ne voulait pas ouvrir ses portes à l’aide humanitaire. Je lui ai parlé. Je l’ai convaincu d’accepter. J’ai aussi parlé à Bibi Netanyahu pour qu’il ouvre la porte côté israélien. »
« J’ai fait très fortement pression, vraiment très fortement, pour que l’aide humanitaire arrive à Gaza. Il y a trop d’innocents qui meurent de faim, ont de grosses difficultés ou meurent, et cela ne peut plus durer. C’est le premier point », a poursuivi Biden.
« Deuxième point, j’ai fait valoir qu’il fallait acheminer beaucoup plus d’aide humanitaire, dont du carburant, et d’autres fournitures. J’ai appelé les Qataris. J’ai appelé les Égyptiens. J’ai appelé les Saoudiens pour faire en sorte que davantage d’aide humanitaire parvienne à Gaza. Ces personnes sont innocentes, ces femmes et ces enfants innocents ont énormément besoin d’aide. Et c’est ce que nous faisons en sorte d’obtenir. »
« Et aujourd’hui je fais tout mon possible pour la conclusion d’un cessez-le-feu et la libération des otages », a-t-il poursuivi. « Parce que, vous savez, je travaille sans relâche pour que cet accord – comment le dire sans en dire trop – ouvre la voie à un cessez-le-feu durable dans tout ce qui se passe dans la bande de Gaza. Parce que je pense que si nous obtenons un répit, un premier répit, il sera possible de le prolonger et de faire changer la situation à Gaza. »
Les propos de Biden concernant l’action « excessive » pouvaient fort bien répondre à la question sur « les négociations sur le sort des otages », comme un écho au terme « excessif » déjà utilisé mercredi pour qualifier la réponse du Hamas à la proposition-cadre soutenue par les États-Unis et Israël pour un accord cessez-le-feu contre otages. Dans son allocution de mercredi, il a également semblé oublier le nom de l’organisation terroriste du Hamas au moment de répondre aux questions des journalistes sur les progrès des pourparlers pour un cessez-le-feu dans la bande de Gaza.
Néanmoins, ses propos de jeudi demeurent ambigus. Dans l’ensemble, ils ont été rapportés comme témoignant d’une critique de la conduite israélienne de la guerre contre le Hamas à Gaza, que son secrétaire d’État Antony Blinken avait déjà sévèrement critiquée mercredi. Biden a d’ailleurs déjà reproché à Israël des « bombardements aveugles ».
Le président démocrate subit de fortes pressions intérieures pour obliger Israël à conclure un cessez-le-feu.
Lors de cette conférence de presse, le président a également rappelé les négociations d’avant-guerre sur la normalisation des relations entre l’Arabie saoudite et Israël, pour favoriser l’intégration de ce dernier au Moyen-Orient et l’aider à se défendre contre l’Iran. Il a par ailleurs suggéré, sans toutefois apporter de preuves, que le Hamas avait mené son attaque le 7 octobre dans le but de saborder ce processus.
Par la suite, le président a publié un mémorandum exigeant que les alliés des États-Unis bénéficiaires d’une aide militaire américaine apportent des « preuves écrites, crédibles et fiables » de leur adhésion au droit international, à commencer par la déclaration internationale des droits de l’homme. Il est également demandé – c’est une première – au Département d’État et au Département de la Défense de publier régulièrement des rapports sur le respect de ces exigences par les alliés.
Le mémorandum ne cite pas nommément Israël mais il est publié au moment où les appels se font de plus en plus pressants, aux États-Unis, pour conditionner l’aide à Israël du fait des inquiétudes soulevées par ses actions militaires à Gaza.
La guerre a éclaté entre Israël et le Hamas suite au massacre du 7 octobre perpétré par 3 000 terroristes du Hamas qui ont envahi le territoire israélien sous des tirs nourris de roquettes, tué 1 200 personnes et fait 253 otages. On estime à 136 le nombre d’otages à Gaza, dont une trentaine seraient morts.
Selon le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, la campagne militaire d’Israël contre le Hamas aurait fait plus de 27 000 morts palestiniens. Ces chiffres, qui ne peuvent pas être vérifiés de manière indépendante, pourraient comprendre plus de 10 000 membres de l’aile militaire du Hamas morts au combat sans oublier les Gazaouis tués par des roquettes égarées.
Au début de la guerre, Biden a fait état de son soutien plein et entier à Israël, où il s’est rendu 10 jours après le massacre en signe de solidarité, et a envoyé deux porte-avions américains dans la région pour dissuader l’organisation terroriste libanaise du Hezbollah de se joindre à la guerre contre Israël.
A l’instar d’autres responsables américains, Biden soutient toujours le droit d’Israël à se défendre contre le Hamas, mais au fil du temps, il a exprimé son inquiétude face au nombre de victimes civiles, aux souffrances de la population et à la crise humanitaire dans la bande de Gaza, et le manque de clarté d’Israël concernant « l’après-guerre » à Gaza. Il tente d’obtenir d’Israël qu’il accepte de s’acheminer vers une solution à deux États avec une autorité palestinienne réformée gouvernant en Cisjordanie et à Gaza, alors même que Netanyahu a, à plusieurs reprises, rejeté la perspective d’une souveraineté palestinienne pleine et entière comme la poursuite du régime de l’AP dans l’après-guerre.