Coût de la vie en Israël : la classe moyenne juge le programme d’aide limité
La proposition de Bennett et Liberman de s’attaquer au coût de la vie est critiquée par les manifestants, les membres de la coalition et les forces d’opposition
Carrie Keller-Lynn est la correspondante politique et juridique du Times of Israël.
Kobi Yusov, marié et père de trois enfants à Yavne, gagne « correctement sa vie » et se considère solidement arrimé à la classe moyenne. Comme beaucoup d’autres Israéliens dans sa situation, cependant, chaque mois, il lutte pour couvrir les dépenses de sa famille et joindre les deux bouts.
« Je ne peux pas me plaindre de l’argent que nous ramenons à la maison, mais c’est quand même difficile », a récemment déclaré Yusov.
« Je fais partie de la classe moyenne, et être dans la classe moyenne est devenu très difficile. »
Sur les trois enfants de Yusov, un seul – âgé de 6 ans – entre dans le cadre d’un plan de réduction du coût de la vie annoncé mercredi par le gouvernement. Le régime offre à chaque parent qui travaille un crédit d’impôt de l’ordre de 223 shekels par mois, par enfant âgé de 6 à 12 ans.
« Qu’est-ce que je vais faire avec ça? C’est une blague de me donner 223 shekels et de m’en prendre 1000 shekels », a déclaré Yusov, déplorant que le plan ne fasse au final pas grand-chose pour compenser la hausse des prix.
Le programme me offre également des avantages sociaux aux travailleurs à faible salaire. Et il vise à faire baisser les droits de douane sur divers produits et à accroître la concurrence sur les marchés, mais le détail de ces mesures reste à venir.
Au cours des dernières semaines, des hausses de prix ont été annoncées dans les secteurs de l’énergie, de l’essence, des aliments et des produits ménagers, ainsi que des taxes municipales. Couplée aux difficultés financières provoquées par la pandémie, la colère du peuple s’est exprimée sur les réseaux sociaux et lors de manifestations de rue sporadiques.
Yusov est un militant local impliqué dans des manifestations contre le coût de la vie depuis 2018, lorsque lui et quelques autres manifestants résidant à Yavne ont organisé une campagne pour mettre fin – avec succès – aux augmentations prévues des prix des denrées alimentaires.
Maintenant, avec d’autres militants, il redouble d’efforts en réaction à un gouvernement qui, estiment-ils, ne répond pas à leurs attentes.
Jeudi, Yusov a commencé à recruter des personnes pour diriger des groupes d’activistes locaux, dans le but d’organiser une série de manifestations dans les villes et villages à travers le pays.
« En ce moment, nous essayons d’enrôler des organisateurs dans chaque ville et nous allons manifester dans la rue », a déclaré Yusov.
« Nous parlons de toutes les villes, nous voulons atteindre tout le monde. »
Depuis mercredi soir, moment où le Premier ministre Naftali Bennett, le ministre des Finances Avigdor Liberman et la ministre de l’Économie et de l’Industrie Orna Barbivai ont dévoilé leur plan pour soulager les familles aux prises avec des difficultés financières, les réseaux sociaux, les émissions de radio et de télévision relaient de vives critiques.
Beaucoup disent que la proposition sera de peu d’efficacité pour résoudre la majorité des problèmes d’argent des Israéliens.
La proposition, qui doit encore faire l’objet d’une loi approuvée par la Knesset, comprend deux parties : des mesures relatives à l’impôt sur le revenu d’un côté, pour aider les familles de travailleurs et les bas salaires, et la suppression des droits de douane à l’importation, d’un autre côté, pour abaisser le prix des produits importés et favoriser une plus grande concurrence sur le marché.
Liberman a estimé ses mesures finement ciblées, évitant l’écueil d’un fourre-tout inutile. Mais les critiques estiment, elles, le programme limité, oublieux des nombreux Israéliens de la classe moyenne en proie à de graves difficultés.
Le plan ne devrait au final profiter qu’à quelque 530 000 actifs, parents d’enfants âgés de 6 à 12 ans, aux 300 000 bas salaires non imposables au titre de l’impôt sur le revenu et aux parents des quelque 60 000 enfants ouvrant droit à des subventions pour la garde.
En 2018, la dernière année en date où le Bureau central des statistiques a enquêté sur le revenu et les dépenses mensuels moyens par ménage, le décile supérieur des salariés gagnait 54 192 shekels par mois et en dépensait 26 470, tandis que les salariés du décile inférieur gagnaient 5 795 shekels, un montant ne leur permettant pas de couvrir leurs dépenses, estimées à 10 327 shekels. En fait, les quatre déciles inférieurs des salariés – les familles qui gagnant moins de 13 656 shekels par mois – ne couvraient pas leurs dépenses mensuelles prévues.
Le salaire mensuel moyen en novembre 2021 était de 11 349 shekels.
La suppression prévue des droits de douane à l’importation sur les principaux produits alimentaires, ménagers et matières premières est la seule mesure présentée susceptible d’avoir un impact positif sur le pouvoir d’achat des Israéliens de la classe moyenne qui, autrement, ne seraient pas touchés par le plan.
Cependant, il n’y a pas de mesure de contrôle prévue pour s’assurer de la réalité des baisses de prix et de leur répercussion en faveur des consommateurs. Ni le ministère des Finances ni le ministère de l’Économie n’ont encore présenté de mécanisme de surveillance pour s’en assurer.
L’opposition au plan est venue de voix couvrant l’ensemble du paysage politique.
Au sein de la coalition, la députée travailliste Naama Lazimi a déclaré jeudi à la chaîne de télévision publique qu’elle pensait le plan déconnecté de la réalité à laquelle sont confrontées de nombreuses jeunes familles.
« Celui qui a élaboré ce plan n’a pas rencontré de jeunes familles au cours des dernières années. Et ne sait pas ce qu’est vraiment le ‘coût de la vie’ », a-t-elle déclaré. « Ce plan n’est rien d’autre qu’un pansement. »
« J’espère qu’il s’agit d’une ébauche et que le reste du plan va suivre, pour régler les questions de logement, de l’augmentation du salaire minimum, des services sociaux et publics… et vraiment régler le sort des monopoles. »
Les députés de l’opposition qui se sont élevés contre ce plan se sont également attaqués aux politiques publiques de gestion de la pandémie, les jugeant responsables de la détérioration des conditions économiques.
Bien que la situation ait été exacerbée par les deux années de pandémie et les confinements répétés – initiés pour la première fois sous le gouvernement précédent –, la hausse du coût de la vie est bien antérieure à la COVID-19 et est en partie due au prix des logements, qui n’a fait qu’augmenter depuis le début de la pandémie.
Le gouvernement actuel a choisi des politiques qui ont maintenu l’économie aussi ouverte que possible pendant les vagues d’infection.
Le député Moshe Gafni (Yahadout HaTorah), qui a dirigé pendant des années la Commission des finances de la Knesset, a critiqué mercredi le plan comme « trop limité et trop tardif ».
« Vous causez du tort et maintenant vous essayez de le réparer. Et vous espérez en plus des éloges», a-t-il déclaré.
Le député du Likud Keren Ben Barak a également insisté sur le fait que le plan était insuffisant, déclarant jeudi à une radio israélienne que « peu de gens bénéficieront de ce plan […] face à la pression, le gouvernement a établi un plan impuissant à résoudre le problème du coût de la vie qu'[il a] lui-même créé. »