Des Bédouins en colère après qu’une fillette a été blessée dans l’attaque iranienne
"On a aucun abri", déplore le père d'Amina, qui reproche aux autorités israéliennes de le laisser, lui et les siens, à la merci des roquettes et des missiles
Dans sa maison dans le désert du Néguev, Mohamed Hassouna montre le lieu où sa fille de sept ans, Amina, a été grièvement blessée par un débris de projectile lors de l’attaque iranienne sur Israël.
Seule blessée recensée en Israël dans cette attaque sans précédent lancée par Téhéran depuis son territoire, Amina a été placée en soins intensifs, suite à une grave blessure à la tête, selon l’hôpital Soroka de Beer Sheva, dans le sud d’Israël.
La fillette appartient à la communauté des Bédouins, descendants de bergers arabes musulmans en conflit avec l’Etat qui ne reconnaît pas tous les droits garantis aux autres citoyens israéliens à certains d’entre eux qui, selon les autorités israéliennes, s’installent illégalement sur des terres.
Tandis que presque partout en Israël se trouvent des abris contre les attaques de missiles, ces Bédouins n’ont pas le droit d’en construire. Leurs villages, sur le papier, n’existent pas. Aucun panneau routier n’y conduit.
« On a aucun abri », déplore le père d’Amina, qui reproche aux autorités israéliennes de le laisser, lui et les siens, à la merci des roquettes et des missiles.
Ordre de destruction
L’Iran a lancé samedi soir en direction d’Israël plus de 300 drones, missiles balistiques et missiles de croisière, en riposte à une frappe contre le consulat d’Iran à Damas le 1er avril, imputée à Israël et dans laquelle ont péri sept militaires iraniens.
Mohamed Hassouna, 49 ans, père de 14 enfants, montre à l’AFP l’impact du débris de missile qui a traversé le toit de tôle de son logement d’Al Fura, un village bédouin non reconnu par les autorités israéliennes dans le Néguev.
Avant la création de l’Etat d’Israël, le désert du Néguev abritait environ 92 000 Bédouins, mais seuls 11 000 sont restés à l’intérieur des frontières d’Israël après la guerre israélo-arabe de 1948, selon Adalah, une organisation de défense des droits des minorités arabes en Israël.
Nombre d’entre eux ont refusé d’être réinstallés dans les villes, et depuis, les Bédouins restent confrontés à des difficultés dans la société israélienne. Ils sont aujourd’hui environ 300 000, dont la moitié vit dans les villes et l’autre moitié dans des villages non reconnus par Israël, selon Adalah.
Ces villages, invisibles aux yeux de l’administration, ne disposent pas d’un certain nombre de services de base, comme le ramassage des ordures.
M. Hassouna rechigne à parler aux médias « qui viennent nous filmer mais ne nous aident pas à construire des abris ».
Assis sur une chaise en plastique devant sa maison au milieu d’autres structures temporaires, il montre un ordre de destruction reçu il y a deux semaines. Lui qui ne possède pas l’électricité chez lui est ouvrier dans une usine de panneaux solaires.
L’Etat ne fait rien pour nous
« L’Etat ne fait rien pour nous », déplore aussi son frère, qui préfère garder l’anonymat.
Un rapport du centre de recherche du Parlement israélien, présenté en mars, dénonce le « manque de protection » pour les habitants de ces villages, précisant que sept Bédouins ont été tués par des missiles tirés de la bande de Gaza durant l’attaque du Hamas le 7 octobre sur Israël.
Devant l’hôpital Soroka, où la petite Amina est entre la vie et la mort, le président du Conseil régional Al Kasum (bédouin), Jabar Abu Caf, ne cache pas sa colère.
« Nous exigeons tous nos droits, il faut des protections pour tous ces villages, nous devons agir avec le gouvernement pour éviter qu’il y ait d’autres victimes », dit-il à l’AFP.
« Entre temps, quand les tirs viennent de l’ouest, ce sont les Bédouins qui sont touchés, de l’est, pareil. Nous sommes les victimes et personne ne nous prend en compte », déplore l’édile.
A Al Fura, à 40 kilomètres au sud de la ville de Beer Sheva, au milieu du désert, M. Hassouna s’apprête à revenir à l’hôpital voir sa fille et prier pour qu’elle se rétablisse.