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Des familles israéliennes et palestiniennes plaident pour la réconciliation

Les organisateurs de cet événement controversé rendant hommage aux familles endeuillées du conflit israélo-palestinien disent que 200 000 personnes ont suivi la cérémonie en ligne

Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Les maîtres de cérémonies Maya Katz, à gauche, et Osama Iliwat lors de la  cérémonie de la Journée annuelle de commémoration israélo-palestinienne, le 27 avril 2020 (Crédit : Rami Ben Ari/Combatants for Peace)
Les maîtres de cérémonies Maya Katz, à gauche, et Osama Iliwat lors de la cérémonie de la Journée annuelle de commémoration israélo-palestinienne, le 27 avril 2020 (Crédit : Rami Ben Ari/Combatants for Peace)

Des familles israéliennes et palestiniennes endeuillées ont lancé un appel passionné à la réconciliation, lundi soir, au cours d’une cérémonie de commémoration conjointe qui a été diffusée en ligne. Selon les organisateurs, l’événement a été visionné par près de 200 000 personnes.

Pour la toute première fois depuis sa mise en place en 2006, la cérémonie de la Journée de commémoration conjointe israélo-palestinienne a eu lieu à huis-clos en raison du coronavirus. Elle a été tournée en direct depuis des studios de Tel Aviv et de Ramallah.

Une présentatrice israélienne a animé la soirée en hébreu depuis l’endroit où se tient habituellement l’événement, à Tel Aviv, et un maître de cérémonie palestinien a fait de même depuis Ramallah, en arabe.

Parmi les intervenants, les Israéliens Hagai Yoel et Tal Kfir et les Palestiniens Yusra Mahfoud et Yaqoub Rabi — qui ont tous perdu un être cher au cours des deux dernières décennies en raison du conflit.

Tal Kfir, membre d’une famille israélienne endeuillée, s’exprime pendant la cérémonie marquant la Journée de commémoration conjointe israélo-palestinienne à Tel Aviv, le 27 avril 2020. (Crédit : Rami Ben Ari/Combatants for Peace)

Yoel, dont le frère Eyal a été tué au cours de l’opération Rempart en 2002, a évoqué la controverse suscitée des deux côtés par la cérémonie, à laquelle il est reproché de placer à égalité les victimes des deux parties. En 2016, des activistes d’extrême-droite avaient harcelé et agressé verbalement et physiquement les participants lors d’une manifestation organisée aux abords de l’événement.

« Après la mort d’Eyal, je me suis bouché les oreilles, j’ai fermé les yeux et je me suis tu… Je n’ai pas eu le sentiment d’avoir quelque chose à dire de significatif jusqu’à il y a quatre ans, quand j’ai entendu parler des manifestations violentes contre les familles endeuillées lors de la cérémonie – un événement auquel, jusqu’à présent, je ne m’identifiais pas vraiment », a expliqué Yoel, se référant à la manifestation de 2016.

« Quelque chose s’est réveillé en moi. Quelque chose en moi s’est révolté en pensant que le ministre de la Défense israélien estimait qu’il pouvait décider pour moi comment je devais choisir de chérir le souvenir d’Eyal », a ajouté Yoel, se référant apparemment aux appels lancés par les activistes de droite en direction du ministre de la Défense de l’époque, Moshe Yaalon, à interdire l’événement.

La cérémonie représente chaque année un point de friction – particulièrement au sein de l’opinion publique israélienne. Les critiques l’accusent d’apporter une légitimité au terrorisme et de placer sur un pied d’égalité les soldats tombés au combat et ceux qui les ont attaqués.

Pour ses partisans, l’événement représente une initiative prise par les personnes ayant le plus perdu dans le conflit et vise à donner un sens à la mort de leurs proches en refusant la violence.

L’année dernière, le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait dénoncé la cérémonie organisée à Tel Aviv et ordonné de mettre un terme à la délivrance des autorisations en direction des Palestiniens de Cisjordanie qui désiraient y prendre part, citant des précautions sécuritaires. La Haute cour de Justice avait rejeté cette décision, clamant qu’il n’était pas légitime d’interdire la venue de participants pour des raisons relevant de la sécurité.

Cette année, la cérémonie avait semblé, pour une fois, être épargnée par les critiques jusqu’à la diffusion, lundi, d’une publicité sur la chaîne publique Kan qui a entraîné la fureur des militants et des députés de droite.

Des activistes de droite manifestent aux abords d’une cérémonie de commémoration israélo-palestinienne à Tel Aviv, lors de la Journée annuelle, en Israël, de commémoration des soldats tombés au combat et des victimes du terrorisme, le 30 avril 2019. (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)

« Nous sommes à la veille de la Journée de commémoration des soldats tombés au combat et des victimes du terrorisme, et quelqu’un, au sein de la société de radiodiffusion publique, semble avoir perdu la tête. La décision prise de diffuser cette publicité est moralement malhonnête et biaisée. Il aurait été préférable que la cérémonie soit annulée », a écrit la députée de Yamina Ayelet Shaked.

Les participants à l’événement n’ont guère été troublés par ces expressions d’indignation.

Mahfoud, l’un des intervenants palestiniens, s’est exprimé au nom de l’organisation « Forum du Cercle des Parents-Familles », qui regroupe les familles en deuil. C’est cette association qui a organisé la cérémonie de lundi aux côtés des « Combattants pour la paix », une organisation constituée de Palestiniens et d’Israéliens qui disent avoir pris part aux cycles de violences dans le conflit.

« Combattants pour la paix » a indiqué que l’événement avait été diffusé sur environ 45 chaînes, sur Internet.

« Dans un premier temps, j’ai refusé la possibilité de prendre place, face à face, avec l’ennemi qui a assassiné mon fils, mais je suis devenu aujourd’hui un membre actif du Forum. J’y ai appris que les douleurs que les autres ressentent sont les mêmes que la mienne », a déclaré Mahfoud.

« Je voudrais m’adresser à toutes les mères israéliennes qui sont en train de regarder », a continué Mahfoud, dont le fils a été tué par des soldats de l’armée israélienne dans le camp de réfugiés d’al-Arroub, près de Hébron, en l’an 2000. « Le deuil est le deuil… Eduquons nos enfants à refuser la violence et puissions-nous, nous tous, vivre en paix. »

Yakoub Rabi, époux d’Aisha Rabi, une Palestinienne tuée à bord de sa voiture par des jets de pierres au mois d’octobre 2018. (Capture d’écran : Dixième chaîne)

Tal Kfir, qui habite Jérusalem, dont la sœur Yael a été tuée lors d’un attentat terroriste survenu en 2003 à Tsrifin, a appelé les familles en deuil qui l’écoutaient à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour faire en sorte que d’autres ne subissent pas les « catastrophes » qu’elles ont vécues.

« Assurez-vous que personne ne sera déchiré comme nous l’avons été. Assurez-vous que vous ne vivrez pas dans un monde de défaite, d’élimination, d’anéantissement et de conquête mais dans un monde où nous nous aiderons et où nous nous soutiendrons les uns les autres », a continué Kfir.

Le dernier intervenant était Yacoub Rabi, dont l’épouse, Aisha, a été tuée en 2018 lorsqu’une pierre qui aurait été lancée par un adolescent israélien l’a blessée mortellement à la tête, alors qu’elle se trouvait dans une voiture en compagnie de son mari et de sa fille de neuf ans, sur une route du nord de la Cisjordanie.

Une voiture appartenant à une famille palestinienne impliquée dans un accident meurtrier à cause de jets de pierres qui auraient été causés par des habitants d’implantation au carrefour de Tapuah en Cisjordanie, le 12 octobre 2018. (Crédit : Zachariah Sadeh/Rabbis for Human Rights/Aisha Muhammad Talal Rabi/Autorisation)

Décrivant l’impact de l’attentat terroriste présumé commis contre sa famille, Rabi a expliqué qu’après avoir enterré son épouse, sa fille – qui a été témoin de l’attaque – a sorti tous les vêtements de couleur de son placard – et à ce jour, « personne ne sait où elle les a cachés ».

Rabi a supplié de ne pas recourir à la vengeance.

« Je ne suis pas un homme de conflit. Je n’ai jamais pris part à ce combat et, même aujourd’hui, après avoir payé un prix si élevé, je ne laisserai pas la colère en moi me dicter d’avoir recours à la vengeance », a-t-il clamé.

« Je veux transmettre à la société israélienne et au monde un message issu de mon sang, du plus profond de moi-même : ce conflit nous a pris des victimes à nous tous et il ne fait pas la distinction entre combattants et civils, entre hommes et femmes, entre adultes et enfants. Alors je vous le dis : il y a eu suffisamment de haine et de ressentiment. Vivons dans la paix parce que nous, les Palestiniens, exactement comme vous, nous adorons la vie et nous faisons de notre mieux pour nous en sortir », a-t-il poursuivi.

L’envoyé spécial de l’ONU pour le Moyen-Orient, Nikolay Mladenov, a également pris la parole lors de cette cérémonie, remerciant les participants qu’il a qualifiés de source « d’inspiration pour nous tous ».

« Nous avons vu les opérations, nous avons vu les confrontations mais ce dont nous avons réellement besoin, c’est de voir Palestiniens et Israéliens se rassembler. Pas seulement pour lutter contre le virus, mais pour se battre pour la paix », a-t-il affirmé.

L’envoyé spécial de l’ONU pour le Moyen-Orient Mladenov, lors de la cérémonie de la Journée annuelle de commémoration israélo-palestinienne, le 27 avril 2020. (Crédit : Rami Ben Ari/Combatants for Peace)

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