Des Gazaouis organisent un (très) rare rassemblement contre le Hamas
Des milliers de personnes sont descendues dans les rues de l'enclave pour attirer l'attention sur les coupures d'électricité chroniques et les conditions de vie difficiles

Des milliers de personnes sont descendues dans les rues de la Bande de Gaza dimanche pour attirer l’attention sur les coupures d’électricité chroniques et les conditions de vie difficiles, dans une rare manifestation publique de mécontentement à l’égard du groupe terroriste palestinien du Hamas qui gouverne l’enclave depuis 2006.
Des centaines de personnes ont participé à des marches dans la ville de Gaza, dans la ville méridionale de Khan Younis et dans d’autres lieux, en scandant « honte » et, à un endroit, en brûlant des drapeaux du Hamas.
Les manifestations sont organisées par un mouvement populaire en ligne appelé « Alvirus Alsakher » – ou « le virus de la dérision ».
« Où est l’électricité et où est le gaz ? », crie la foule à Khan Younis. « C’est une honte. Quelle honte ! »
הפגנות חריגות מאוד בכמה מוקדים ברצועת עזה נגד חמאס, על רקע משבר החשמל והטינה הכללית. "מכרו את עזה תמורת דולרים" ועוד דברים שלא נשמעו כבר תקופה pic.twitter.com/q7IhMeEcXy
— Nurit Yohanan (@nurityohanan) July 30, 2023
La foule a également critiqué le Hamas pour avoir déduit une taxe d’environ 15 dollars des allocations mensuelles de 100 dollars versées aux familles les plus pauvres de Gaza par le riche État du Golfe, le Qatar.
La police du Hamas a fini par intervenir et disperser les rassemblements, détruisant les téléphones portables des personnes qui filmaient à Khan Younis et arrêtant plusieurs d’entre elles, selon des témoins.
Cette manifestation réprimée intervient alors que les dirigeants politiques palestiniens ont décidé ce dimanche en Egypte de former un comité censé mettre fin à la division des Territoires qui dure depuis 17 ans, une décision qui reflète leur « peu de sérieux » pour les experts.
Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, chef du Fatah, et le chef du groupe terroriste du Hamas rival, au pouvoir à Gaza, Ismail Haniyeh, qui se rencontrent très rarement, avaient fait le déplacement à El-Alamein, sur la côte nord égyptienne.

Autour d’eux, les dirigeants de toutes les factions palestiniennes étaient là pour discuter de l’avenir de la question palestinienne.
Seuls le groupe terroriste Jihad islamique et deux micro-partis ne se sont pas présentés, pour protester contre les « arrestations politiques » de l’AP de M. Abbas, qui siège à Ramallah en Cisjordanie.
Haniyeh, dont le mouvement islamiste dirige la bande de Gaza sous blocus israélo-égyptien, a interpellé son rival : il faut, a-t-il dit, mettre « fin à la coopération sécuritaire » avec Israël et aux « arrestations politiques » en Cisjordanie.
Face à lui, Abbas a dénoncé les sanglants et féroces affrontements qui ont suivi en 2007 les élections de 2006, remportées par le Hamas mais dont les résultats n’ont jamais été reconnus ni par le Fatah ni par la communauté internationale, le président de l’AP évoquant un « coup d’Etat ».

Dix-sept ans plus tard, « la division (…) doit cesser immédiatement », a lancé M. Abbas. « Il faut revenir à un seul Etat, un seul système, une seule loi et une seule armée légitime. »
Pour cela, a-t-il dit à l’issue d’une réunion de quelques heures, il faut « former un comité pour poursuivre le dialogue (…) pour en finir avec la division et parvenir à l’unité nationale palestinienne ».
Il a encore dit espérer « une réunion prochaine en Egypte pour annoncer la fin de la division ».
Mais pour le politologue gazaoui Moukhaimer Abou Saada, la formation d’un comité n’est « pas rassurante et montre le peu de sérieux » des participants.

« Si vous voulez tuer quelque chose, formez un comité », affirme-t-il à l’AFP.
« Former un comité ne met pas fin à la division et ne donne pas de date pour des élections », poursuit-il encore. « Face à un gouvernement israélien d’extrême droite, les factions n’ont pas pris de mesures concrètes ».
Les Palestiniens, eux, ont une nouvelle fois réclamé de leurs dirigeants un front uni.
Les Gazaouis qui ont manifesté en divers endroits de la petite langue de terre surpeuplée et ravagée par la pauvreté ont aussi réclamé la « fin de la division », ont constaté des journalistes de l’AFP.
Sur les réseaux sociaux, d’autres tournaient en dérision la réunion d’El-Alamein, dont le nom signifie en arabe « les deux drapeaux ».
Le choix de cette ville « montre bien que le Fatah et le Hamas ont chacun un drapeau différent », ironise un internaute gazaoui.
Le Hamas, lui, a réclamé des élections générales, jusqu’ici sans cesse repoussées par l’AP.
« Il faut redessiner l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) », l’ombrelle qui chapeaute l’ensemble des factions palestiniennes à l’exception du Hamas et du Jihad islamique, et « former un nouveau Parlement inclusif sur la base d’élections démocratiques libres », a affirmé Haniyeh à l’ouverture de la réunion.
L’OLP est « l’unique représentant légitime du peuple palestinien », a répondu Abbas, exhortant à « la résistance populaire pacifique » alors que le Hamas appelle à « la résistance totale », un terme qui renvoie à des actes terroristes.
L’un des dirigeants du Jihad islamique, Khaled al-Batch, a affirmé avoir « espéré une réaction de Mahmoud Abbas aux doléances et aux appels à la libération » des membres de plusieurs factions arrêtés en Cisjordanie.
Mais, a-t-il poursuivi, « nous avons été surpris par les incursions sécuritaires inédites » des forces palestiniennes contre les membres du Jihad.
Au Liban, cinq militaires du Fatah et un islamiste ont été tués samedi et dimanche dans des affrontements dans le plus grand camp palestinien, Aïn el-Héloué, qui échappe à l’autorité du gouvernement.
Le Premier ministre libanais Najib Mikati a estimé cette flambée de violence « suspecte dans le contexte régional et international actuel ». Les dirigeants palestiniens à El-Alamein n’ont toutefois pas commenté ces événements.