Des ingénieurs israéliens planchent sur des thermomètres futuristes
Certains appareils pourront contrôler la température des passants sans que ces derniers n'aient à s'arrêter pour être testés

Alors que les Israéliens s’habituent à la prise de température à chaque fois qu’ils font leurs courses, les entreprises de défense innovent pour rendre le processus plus précis et moins invasif.
Les employés des magasins se sont subitement retrouvés dans l’obligation de vérifier la température des clients. Ils les accueillent munis de thermomètres portatifs afin de respecter les nouvelles règles du gouvernement, instaurées dimanche, visant à empêcher les personnes ayant de la fièvre d’entrer. Les patrons doivent également vérifier la température des employés.
Comme dans d’autres pays qui ont introduit cette mesure, les propriétaires de magasins souhaitent vivement automatiser le processus. De la même manière que les détecteurs de métaux sont devenus un incontournable de la vie israélienne en raison de la menace terroriste, on s’attend à ce que les appareils de contrôle de la température se banalisent à la suite de la propagation du coronavirus. Et ces appareils sont soudainement devenus synonymes de gros chiffres d’affaires.
En Israël, la technologie se développe à la vitesse de l’éclair, car les éléments de base existent déjà dans le secteur de la Défense.
« Normalement, ma société fabrique des technologies pour intercepter les drones malveillants », a expliqué Matan Melamed, PDG d’Iron-Drone et ancien membre de l’unité de renseignement 8200 de l’armée israélienne, célèbre pour sa capacité à former des innovateurs qui recyclent des idées militaires dans la sphère civile. « Nous voulions aider à combattre le coronavirus, mais nous ne pouvons pas fabriquer de masques et ne connaissons rien aux respirateurs, mais nous maîtrisons très bien les caméras thermiques. »
« En deux jours, nous avons compris à quoi devait ressembler un appareil de thermométrie et nous l’avons conçu. Le prototype a été testé sur le site d’un client, un supermarché, en deux semaines ».

La production de son dispositif ThermoGate a commencé lundi. Il prévoit que dans deux semaines les Israéliens l’utiliseront sur leurs lieux de travail et dans les magasins et que ces mesures resteront en place longtemps après la fin de la crise du coronavirus.
« Tout le monde se sentira plus en sécurité avec les contrôles de température à l’avenir », a-t-il déclaré, ajoutant que les employeurs les considéreront probablement comme un moyen de maintenir la main-d’œuvre en bonne santé.

Pendant que Melamed concevait le ThermoGate, les ingénieurs du groupe Rafael Advanced Defense Systems, l’une des trois plus grandes entreprises de défense israéliennes, développaient leur propre thermomètre. « Ils ont pris une caméra thermique existante que nous utilisons dans les systèmes des avions et des jets, la même caméra, et l’ont dotée d’un ensemble d’algorithmes qui peuvent mesurer la température corporelle », a fait savoir Ofri Rimoni, le responsable de la communication de l’entreprise.
Le dispositif de prise de température de Rafael est déjà en place à l’hôpital Bnei Zion à Haïfa et au centre médical HaEmek à Afula – mais les personnes qu’il contrôle ne le remarquent guère. À l’aide d’une caméra qui ressemble à celles que l’on voit souvent lors des contrôles de passeports, il évalue la température de toutes les personnes qui passent la porte et transmet les résultats aux agents de sécurité.
« De nombreuses caméras thermiques ne peuvent mesurer que la température d’une seule personne », a souligné Ofri Rimoni, expliquant que celle conçue par le groupe Rafael contrôle plusieurs personnes simultanément. « Avec ça, ils n’ont même pas besoin de s’arrêter. »
Le personnel de sécurité observe sur un écran chaque personne qui passe devant la caméra, et sa température en degrés Celsius s’affiche en chiffres verts sur le dessus de sa tête. Si quelqu’un semble présenter de la fièvre, il est redirigé vers les urgences.
Ofri Rimoni a précisé que le groupe Rafael ne produit actuellement ces machines que pour les hôpitaux et les cliniques, mais qu’il devrait bientôt recevoir des commandes de magasins et de centres commerciaux, attirés par la possibilité de contrôler des foules. « Si un centre commercial ouvre, et que cinq personnes ont de la fièvre, il les identifiera », a-t-il assuré.
Dani Steinberg, directeur adjoint de Bnei Zion, a déclaré aux scientifiques de Rafael qui ont visité l’hôpital que leur technologie permet à son personnel d’avoir l’esprit tranquille, à l’hôpital de fonctionner plus facilement, « et en fin de compte de sauver des vies ».
Selon Melamed, le balayage thermique n’est pas seulement plus efficace et moins intrusif que les contrôles par thermomètre – il est plus précis et comporte moins de risques de fausses alertes.
« Les thermomètres portatifs sont des équipements bon marché et ne sont pas toujours calibrés », a-t-il décrit. » Le plus important est encore la méthode de mesure. La température du front varie beaucoup. La mesure la plus précise se fait autour des yeux, au niveau du canal lacrymal. Nous mesurons tout le visage et sommes capables de détecter le point qui donne la lecture la plus précise ».
« Il pourrait s’agir d’une lecture sur des dizaines, voire des centaines de points sur le visage », a-t-il ajouté. « Pensez seulement à la quantité de pixels qui se trouvent dans l’appareil photo ».
Son dispositif, contrairement à celui de Rafael, fonctionne en filtrant les personnes une à une après qu’elles s’approchent de la machine, mais il a l’avantage de réduire le besoin de surveillance. Il peut être installé dans des endroits qui ne disposent pas d’un agent de sécurité dédié, car il n’est pas nécessaire que le personnel manipule ou vérifie constamment la machine, a-t-il dit. Au lieu de cela, un employé du magasin est alerté si quelqu’un présente une température corporelle élevée, et s’approche simplement du client qui se trouve devant la machine.
Melamed a déclaré que les caméras qu’il utilise sont facilement accessibles, mais le principal défi réside dans le traitement des données. « Les caméras thermiques ont d’abord été fabriquées à des fins de défense et de sécurité. Elles étaient conçues pour voir des choses, pas pour mesurer », a-t-il expliqué.
Les programmeurs devaient élaborer un système de traitement qui permette de comprendre sur quelles parties du visage se concentrer et quelle importance accorder à la température de certaines zones. Le système doit également permettre de vérifier en permanence qu’il est correctement calibré pour relever la température. Pour ce faire, un élément chauffant, qui reste à une température constante, a été ajouté au cadre, afin que le système puisse vérifier qu’il mesure correctement la température.
Dans le produit final, tout cela se passe en un rien de temps, indique-t-il. « La température est mesurée en une demi-seconde, et vous obtenez un feu vert ou un feu rouge », a-t-il dit. « C’est essentiellement du libre-service ».
« Nous pensons que ce sera la nouvelle norme dans les supermarchés, les centres commerciaux, les gares routières, les stades, les lieux de divertissement, les théâtres. Ils en auront tous besoin. Je pense que ce sera bientôt la norme dans le monde entier et je pense que la voie à suivre est l’automatisation », a-t-il prédit.