Israël en guerre - Jour 371

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Des mémoires vieux de 350 ans racontent les Juifs d’Europe face à la peste

Glückel von Hameln a donné naissance à 14 enfants tout en transformant une petite entreprise de pierres précieuses d'occasion à Hambourg en un succès international

Bertha Pappenheim, une descendante de Glickl Hamel, prend les traits de Glikl dans ce portrait de l'artiste Leopold Pilichowski. (Autorisation : Leo Baeck Institute/ via JTA)
Bertha Pappenheim, une descendante de Glickl Hamel, prend les traits de Glikl dans ce portrait de l'artiste Leopold Pilichowski. (Autorisation : Leo Baeck Institute/ via JTA)

BOSTON (JTA) – Il y a plus de 350 ans, un fléau a fait des ravages à Hambourg, en Allemagne. À l’approche des grandes fêtes, la peur et la panique se sont installées et de nombreuses familles juives de la ville ont fui.

Parmi elles se trouvaient Glückel et Hayyim von Hameln, des commerçants juifs prospères qui sont partis avec leurs trois jeunes enfants, dont une fille de 8 semaines. En route vers les parents de Hayyim, ils ont passé du temps avec des parents à Hanovre, où certains habitants sont venus à soupçonner que leur fille aînée, Tsipor, âgée de 4 ans, était infectée. Bien qu’ils aient assuré qu’elle n’était pas malade, Glückel et Hayyim ont été contraints de bannir Tsipor et les personnes qui s’occupaient d’elle dans une autre ville et n’ont été autorisés à leur rendre visite qu’à distance.

« Je laisserai n’importe quel bon père ou mère juger par lui-même ce que nous avons ressenti », écrira plus tard Glückel dans ses mémoires. « Mon mari, de mémoire bénie, se tenait dans un coin, pleurant et suppliant, tandis que moi je me tenais dans un coin. »

En pleine pandémie virale qui sépare à nouveau les parents de leurs enfants, la description poignante que fait Glückel de l’épreuve de la famille sonne terriblement familière. Et depuis décembre dernier, les lecteurs anglais peuvent l’apprécier par eux-mêmes grâce à la première nouvelle traduction anglaise depuis près de 60 ans.

Les mémoires de Glückel sont « rapides, captivantes, profondément compatissantes et pleines de pathos », commente Sylvia Fuks Fried, directrice éditoriale de Brandeis University Press, l’éditeur de « Glik: Memoirs 1691-1719 ». « C’est un exemple des remarquables compétences d’écrivaine de Glückel. C’est la raison pour laquelle elles ont une telle longévité et pourquoi nous les lisons aujourd’hui ».

« Glikl: Memoirs 1691-1719 ». (Brandeis University Press)

La nouvelle traduction en anglais – 375 pages, avec des illustrations et des notes méticuleuses de Chava Turniansky, lauréat du prix d’Israël, spécialiste de la littérature yiddish et professeure émérite à l’université hébraïque – a nécessité des décennies de travail. Elle est basée sur la version hébreu-yiddish de Turniansky de 2006, qui a été écrite à l’origine en vieux yiddish, la langue vernaculaire des juifs ashkénazes germanophones au début de l’ère moderne.

Le récit de Glückel est rare. Plus rare encore, il a été écrit par une femme, souligne Rachel Greenblatt, historienne culturelle spécialisée dans les Juifs d’Europe centrale et orientale, qui a récemment donné un cours sur ces mémoires parrainé par la Vilna Shul, une organisation culturelle juive de Boston.

« Glückel nous fournit une source historique inégalée, ouvrant une fenêtre sur la vie quotidienne, les angoisses, les rivalités mesquines et les histoires de sagesse populaire qui occupent le monde mental d’une femme qui a porté 14 enfants … tout en s’associant avec son mari dans une entreprise qui s’est développée à partir du commerce de pierres précieuses d’occasion dirigé par deux adolescents nouvellement mariés jusqu’au prêt d’argent international, l’échange de crédit et les marges de la société marchande des Juifs de la Cour », indique Rachel Greenblatt à la JTA.

Glückel a commencé à écrire ses mémoires environ deux ans après la mort de son mari en 1689, d’abord pour se consoler de ses nuits blanches. Elle avait 44 ans à l’époque et avait huit enfants non mariés vivant avec elle, ainsi qu’une entreprise familiale à gérer.

Glückel a écrit la résilience

« Glückel a écrit la résilience », commente Rachel Greenblatt. « Elle s’est tournée vers la plume pour se consoler et par auto-thérapie. »

En sept chapitres, Glückel tisse sa vision de la vie juive, de la gestion d’un ménage et de l’entreprise familiale, le tout agrémenté d’histoires et de proverbes. À travers les récits de ses nombreux voyages, les lecteurs ont un aperçu de la façon dont les communautés juives ont réagi aux événements historiques.

Des citoyens de Tournai enterrent des victimes de la peste noire. Pierart dou Tielt, 1340-1360 (Domaine public)

Son public cible était ses descendants, à qui elle voulait léguer un sens de leur identité et de l’histoire de leur famille. Mais l’experte Chava Turniansky a laissé entendre que le flair et les choix littéraires de l’auteure montrent clairement qu’elle a également senti qu’un public plus large pouvait être intéressé.

Dans son introduction, Chava Turniansky retrace l’histoire complexe de la publication des mémoires de Glückel. La version manuscrite originale n’a pas été conservée, mais deux copies – l’une faite par un fils et l’autre par un petit-fils – ont été transmises dans la famille pendant plusieurs générations, pour finalement trouver un éditeur à la fin du 19e siècle.

Elle est lisible et élégante

Depuis lors, le recueil de souvenirs a été traduit en allemand, en hébreu, en français et en plusieurs versions anglaises. Mais, selon Rachel Greenblatt, ces versions antérieures en anglais étaient incomplètes ou présentées comme une biographie et une histoire, et n’étaient pas fidèles au texte original. La nouvelle publication, dit-elle, présente aux lecteurs la voix authentique de Glückel.

« Elle est lisible et élégante », indique Mme Greenblatt.

Dans le passé, ces mémoires ont été explorés sous l’angle de l’histoire juive, de l’histoire sociale des femmes et du rôle extraordinaire de Glückel en tant que femme d’affaires avisée, explique l’éditrice Sylvia Fuks Fried. Cette nouvelle traduction devrait élargir ces perspectives tout en en ouvrant une nouvelle – comme une entrée importante dans le canon de la littérature juive.

« Elle mérite d’y être », souligne-t-elle. « Elle est de ce calibre. »

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