Des obstacles juridiques empêchent encore les poursuites contre les suspects du 7 octobre
Des milliers de terroristes présumés attendent d'être jugés ; en cause : difficultés liées aux preuves, manque de représentation, tribunaux surchargés et craintes pour la vie des otages
Onze mois après le pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas en Israël, une série de difficultés juridiques empêchent toujours le système judiciaire israélien de commencer à poursuivre les milliers de personnes soupçonnées de terrorisme arrêtées en Israël ce jour-là ou pendant la guerre qui s’en est suivie à Gaza.
Citant des sources anonymes du bureau de la procureure générale, Haaretz a rapporté la semaine dernière que les difficultés qui empêchent Israël de poursuivre les terroristes comprennent l’insuffisance des preuves dans les cas de certains suspects, la charge supplémentaire qui pèse sur un système judiciaire déjà en difficulté, l’absence de représentation pour les personnes jugées et la crainte que l’ouverture d’une procédure judiciaire ne nuise aux otages encore détenus à Gaza ou aux chances d’un accord pour les libérer.
Selon le quotidien, les enquêtes sur les milliers de personnes soupçonnées de terrorisme arrêtées le 7 octobre ou après cette date ont été menées à bien ou sont sur le point de l’être, mais on ne sait pas quand elles seront jugées.
Lors de l’assaut barbare et sadique du Hamas du 7 octobre, quelque 6 000 Gazaouis dont 3 800 terroristes dirigés par le Hamas ont pris d’assaut le sud d’Israël le 7 octobre, tué plus de 1 200 personnes, principalement des civils, et enlevé 251 otages de tous âges.
Les soldats israéliens ont tué un millier de terroristes et des centaines d’autres ont fui vers Gaza. Quelque 200 d’entre eux ont été capturés vivants et plusieurs milliers d’autres ont été détenus à Gaza au cours des onze mois qui ont suivi, bien que Tsahal n’ait pas fourni de chiffres détaillés et que beaucoup aient été libérés après avoir été interrogés.
Dans certains cas, même si l’enquête est terminée, les procureurs n’ont que peu ou pas de preuves que certains suspects ont pris part aux meurtres spécifiques dont ils sont accusés, ce qui rend leur condamnation peu probable.
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Selon l’article de Haaretz, une possible solution consisterait à regrouper les suspects en fonction des villes où ils ont opéré pendant l’assaut et à juger les groupes plutôt que les suspects individuellement. Mais la Cour internationale de justice (CIJ) et d’autres instances pourraient déclarer ces procès nuls parce qu’ils ne seraient pas conformes à la pratique juridique internationale.
En attendant, une solution possible à la pression que des centaines de procès feraient peser sur le système judiciaire serait de tenir les procès devant des tribunaux militaires à la place, ajoute Haaretz.
Toutefois, la question de savoir qui représentera les suspects lors de leur procès reste entière, les avocats commis d’office ayant refusé de les représenter. Dans son article, Haaretz ne présente aucune solution. Mais lorsqu’Israël a été confronté à un problème similaire pour le procès de l’architecte de la solution finale, Adolf Eichmann, en 1961, l’État hébreu a fait appel à des avocats étrangers.
Le dernier défi mentionné dans l’article est la crainte pour les otages encore détenus à Gaza, alors que les médiateurs continuent d’essayer de parvenir à un accord entre Israël et le Hamas qui verrait la libération des otages en échange de la libération par Israël des prisonniers palestiniens incarcérés pour atteinte à la sécurité en Israël et d’un cessez-le-feu.
Pour l’heure, les suspects arrêtés depuis le 7 octobre sont détenus principalement dans deux prisons israéliennes, Ofer et Ktziot, et ont été répartis en deux groupes.
Le premier est composé de personnes soupçonnées d’avoir participé ou aidé à planifier le pogrom du 7 octobre et désignées pour faire l’objet d’une procédure en tant que criminels, tandis que le second comprend des suspects qui sont maintenus en détention administrative en tant que terroristes.
Les suspects ont été séparés afin de protéger les droits des suspects criminels, souligne Haaretz, et d’éviter ainsi les accusations d’erreurs judiciaires qui leur permettraient finalement d’être libérés. Toutefois, des suspects ont été transférés d’un groupe à l’autre au cours des dernières semaines, au fur et à mesure que de nouvelles preuves apparaissaient.
Depuis que les États-Unis ont annoncé la semaine dernière poursuivre des dirigeants du Hamas, dont Yahya Sinwar, peu après l’exécution de six otages par leurs ravisseurs du Hamas, le bureau du procureur de l’État a été critiqué par la police et les citoyens pour ne pas avoir fait de même ou pour ne pas avoir commencé à poursuivre les suspects du 7 octobre.
Cependant, l’ancien chef du département international du bureau, Yuval Kaplinksy, a expliqué à Haaretz que le système juridique israélien ne permet pas à l’État d’inculper Sinwar comme cela est autorisé par le système américain.
« Contrairement aux États-Unis, Israël n’inculpe pas les personnes qui ne sont pas en état d’arrestation ou qui ne sont pas disponibles pour la procédure », a-t-il déclaré.
« Les États-Unis considèrent qu’il est de leur devoir, vis-à-vis des Américains lésés par le 7 octobre, de déposer un acte d’accusation, mais je ne pense pas qu’il y ait un seul procureur aux États-Unis qui croit que Sinwar sera réellement arrêté et jugé aux États-Unis. »
On estime que 97 des 251 otages enlevés par le Hamas le 7 octobre se trouvent toujours à Gaza, y compris les corps de 33 otages dont le décès a été confirmé par Tsahal.
Le Hamas avait relâché 105 civils au cours d’une trêve d’une semaine fin novembre. Quatre captives avaient été remises en liberté précédemment. Huit otages vivants ont été secourus par les soldats et les dépouilles de 37 otages ont été récupérées, notamment celles de trois Israéliens qui ont été tués accidentellement par l’armée.
Le Hamas détient également deux civils israéliens entrés dans la bande de Gaza en 2014 et 2015, ainsi que les corps de deux soldats tués en 2014.