Des soldats distingués pour la mission de sauvetage après le raid raté à Gaza
L'armée a publié la retranscription de la communication radio de l'hélicoptère dépêché à Khan Younis pour évacuer l'unité spéciale en proie aux tirs du Hamas
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.

L’armée israélienne a accordé dimanche des citations de mérite et d’autres distinctions à plusieurs soldats pour leur rôle dans une mission ayant consisté à évacuer une équipe des forces spéciales durant un échange de tirs avec le Hamas en novembre dernier, à la suite d’un raid raté à Khan Younis dans la bande de Gaza.
L’armée a également diffusé dimanche une retranscription éditée de la communication radio de l’hélicoptère dépêché pour extraire les troupes. Dans cet enregistrement, le pilote et les membres de l’équipage demandent à obtenir le nombre exact de personnes à secourir, ce qui mettait l’engin en danger mais qui était nécessaire pour que personne ne soit oublié.
Dans la nuit du 11 novembre, des soldats des forces spéciales sont entrés dans la ville de Khan Younes pour une mission de collecte de renseignements. Un an plus tard, une bonne partie des détails sont encore classés.
Lors de la mission, les soldats ont été interceptés et interrogés par des agents du Hamas, parce qu’ils agissaient de manière suspecte. Selon les médias arabes, les soldats étaient munis de faux papiers palestiniens. Alors que l’un des membres du Hamas se montrait suspicieux, un soldat israélien a ouvert le feu, tuant plusieurs membres du Hamas, mais touchant accidentellement « Mem » et un autre soldat, légèrement blessé.
À la suite de cette opération et de la mort de ses hommes, le Hamas et d’autres groupes terroristes palestiniens ont ciblé Israël pendant 3 jours et tiré quelque 500 roquettes et obus de mortiers contre les villes israéliennes jouxtant la frontière gazaouïe, laissant craindre le début d’une guerre.

Le chef d’état-major Aviv Kochavi a accordé trois citations militaires, appelées tzalash en hébreu. L’une d’elles a été accordée à titre posthume à l’officier tué, qui, pour des raisons de sécurité, n’a pas été identifié autrement que par son rang et ses initiales en hébreu, le lieutenant-colonel Mem, et une autre pour le soldat à l’origine du tir ayant tué Mem, le lieutenant-colonel Aleph.
« Un tzalash, une citation pour le mérite, est accordée principalement lorsqu’il y a danger et que le fonctionnement est adéquat, et c’est la situation dans laquelle vous vous trouviez. S’extraire d’une situation qui a mal tourné demande de mettre en œuvre une série d’actions qui représentent un danger, ce qui nous conduit à une situation où nous n’avons d’autre choix que de vous saluer pour votre mérite », a déclaré Kohavi durant la cérémonie.
L’armée a salué Aleph pour ses actions, en dépit du tir accidentel, expliquant dans un communiqué paru plus tôt cette année qu’il avait agi « avec calme, courage et héroïsme, et avait permis le sauvetage des troupes ».
Un nombre non précisé de soldats de l’unité des forces spéciales ont reçu une distinction du général de division du renseignement de l’armée Tamir Hayman, légèrement inférieure à la citation de mérite au rang de général.
Les trois membres de l’équipage de l’hélicoptère, le capitaine, le copilote et un mécanicien ont également reçu des citations de mérite de rang de général de la part du commandant de l’armée de l’Air, le général Amikam Norkin. Cinq pilotes ont obtenu une citation de Commandant de brigade de la part du commandant de la base de l’armée de l’Air de Tel Nof.

« Une équipe a été formée dans la pure tradition de l’armée de l’Air, avec pour principe que nous n’abandonnons aucun soldat… Dans cette situation, avec précision et talent, ils étaient déterminés à mener à terme leur mission avec courage et bravoure et avec ‘ce petit truc en plus’, ce sauvetage est devenu une référence dans les annales de l’armée de l’Air », les a félicités Norkin lors de la cérémonie.
La citation de Mem a été remise à sa femme, ses parents et ses enfants lors d’une cérémonie privée à leur domicile.

Mem a été récompensé pour avoir « opéré avec son équipe, derrière des frontières ennemies, avec détermination, entêtement et courage pour défendre ses camarades avec initiative et intrépidité, pour avoir pris les rênes face à l’ennemi et agi avec sagesse afin de dominer [l’ennemi] », a déclaré l’armée.
Selon une enquête de l’armée sur la mission échouée, Mem a agi avec calme durant l’interrogatoire du Hamas et réussi à retarder les tirs de plusieurs minutes. Quand Aleph a estimé qu’ils étaient sur le point d’être démasqués, il a ouvert le feu sur les membres du Hamas.

Une équipe de l’unité 699 de recherche et sauvetage par hélicoptère a été dépêchée pour exfiltrer les soldats de Khan Younis, accompagnés par des avions de chasse et des hélicoptères d’attaque, qui ont assuré un soutien aérien.
Selon l’armée, 20 minutes se sont écoulées entre le premier tir d’Aleph sur les agents du Hamas et l’atterrissage de l’unité spéciale en Israël. Durant ce laps de temps, l’armée israélienne a frappé 70 cibles dans Gaza pour donner à l’hélicoptère Sikorsky CH-53 de l’unité 699 la latitude nécessaire pour atterrir en toute sécurité et exfiltrer les troupes, a expliqué l’armée.
L’hélicoptère a passé au total trois minutes au sol dans la bande de Gaza. Sur ces 3 minutes, il aura fallu 48 secondes pour faire monter tout le monde à bord de l’engin et deux minutes et 12 secondes pour vérifier que personne n’était resté derrière, ce qui aurait pu avoir d’importantes implications stratégiques pour Israël.

La décision prise par le pilote et l’équipage a été saluée comme l’une des raisons justifiant les médailles remises par le chef de l’armée de l’Air.
« Les équipes [de sauvetage] ont agi avec professionnalisme, calme et courage, et ont fait preuve de leadership dans des conditions incertaines. Leurs actes témoignent des principes de camaraderie sur le champ de bataille, leur détermination et dévotion à leur mission, ce qui a permis de sauver des vies. C’est pour cela que l’équipage reçoit une médaille du mérite et des distinctions de reconnaissance », a déclaré l’armée.
« Combien sont-ils ? »
Dans un enregistrement édité diffusé dimanche, on entend le pilote de l’hélicoptère demander le nombre précis de personnes à bord, pour s’assurer que personne n’a été laissé derrière, en dépit du risque que représentait chaque seconde supplémentaire passée en territoire gazaouï.
« Combien sont-ils ? Combien sont-ils ? Vous devez avoir [nombre de soldats censuré]. Il faut que vous nous disiez qu’il y a [nombre de soldats censuré]. Sans cela, on ne peut pas décoller », demande l’équipage par radio. (Les images utilisées dans la vidéo diffusée par l’armée n’ont pas été prises pendant l’opération, elles ont été fournies à titre d’illustration.)
L’équipage fait remarquer que d’importants coups de feu sont en cours.
Après plusieurs secondes, l’équipage reçoit la confirmation que tous les soldats sont à bord.
« Tout le monde est là ? », demande l’un des membres.
« Oui », répond un soldat. « C’est bon, on est en route. On est déjà partis. »
A bord, des secouristes de l’unité 699 soignent Mem et d’autres blessés.
« Nous serons à l’hôpital d’ici cinq minutes », dit un autre membre de l’équipage, selon l’enregistrement.

Selon les responsables du Hamas, les soldats israéliens étaient issus de l’unité d’élite Sayeret Matkal et sont entrés dans l’enclave par un poste-frontière, Erez, qui relie Gaza à Israël, ou Rafah, qui relie Gaza à l’Egypte. Ils auraient circulé dans l’enclave à bord de camionnettes banalisées sur environ trois kilomètres.
Le groupe terroriste a déclaré que l’unité spéciale était composée d’hommes et de femmes, vêtus d’habits palestiniens traditionnels.
Israël n’a confirmé aucune de ces affirmations.
Les résultats de l’enquête de l’armée israélienne sur l’opération de sauvetage sont mitigés. Elle met en lumière des erreurs tactiques et des erreurs de planification, qui ont conduit à l’échange de tirs. Mais elle souligne également que les membres de l’unité spéciale qui ont pris part au raid ont fait preuve de courage et évité un désastre encore plus grand, notamment de la part de l’officier qui a accidentellement tué Mem.
Aviv Kochavi a déclaré que, dans l’ensemble, l’opération avait échoué. Ce fiasco, très médiatisé, a donné lieu à un remaniement au sein du renseignement militaire, et notamment à la démission précoce du chef de la division des opérations spéciales du renseignement militaire.
Plusieurs officiers de cette division ont également démissionné en conséquence.
« Le chef d’état-major a déterminé que la mission de l’opération n’avait pas été menée à bien. Il a exprimé son chagrin pour la mort du lieutenant-colonel Mem et souligné le courage dont ont fait preuve les autres soldats », avait concédé l’armée en juillet.
« Le chef d’état-major a souligné que l’analyse du déroulement des évènements laisse transparaître un certain nombre d’erreurs et contretemps qui ont conduit à l’exposition des troupes, ce qui signifie qu’il y a des manquements dans la façon dont l’opération a été menée et planifiée. »