Israël en guerre - Jour 559

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‘C’était l’idée du rabbin’

Du gefilte fish casher à Cologne ? Oui, chez l’épicier iranien musulman

Kambiz Alizadeh, né à Téhéran, vend 250 produits importés spécialement pour les juifs de la ville. Et ce n’est pas de sa faute s’il n’y a pas de panneau casher en vitrine

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Kambiz Alizadeh, né à Téhéran, dans son épicerie Getränkemarkt Beethoven, située près de la synagogue Roonstrasse de Cologne, en Allemagne. (Crédit : Raphael Ahren/Times of Israel)
Kambiz Alizadeh, né à Téhéran, dans son épicerie Getränkemarkt Beethoven, située près de la synagogue Roonstrasse de Cologne, en Allemagne. (Crédit : Raphael Ahren/Times of Israel)

COLOGNE, Allemagne – Dans la quatrième plus grande ville d’Allemagne, la seule personne fournissant des produits casher aux juifs est un musulman iranien.

Devant sa petite épicerie située au coin de la synagogue Roonstrasse de Cologne, Kambiz Alizadeh, né à Téhéran, vend des poulets surgelés et de la viande rouge, du vin, des gâteaux, des cornichons, des olives, du gefilte fish, des crackers, des soupes et beaucoup d’autres produits portant la certification casher.

Dans le réfrigérateur habituellement réservé à la bière et aux boissons sans alcool, il entrepose des produits frais comme du houmous, du caviar d’aubergines et de tomates, et plusieurs fromages à pâte dure ou molle.

« Nous avons commencé avec des confiseries casher en provenance de Belgique et avec les années nous avons continué à ajouter de plus en plus d’articles », s’est-il rappelé un après-midi, s’occupant des fréquentes interruptions des clients.

« Initialement, c’était l’idée du rabbin. Il s’arrêtait toujours devant mon magasin après avoir emmené ses filles au parc situé à proximité. Un jour il m’a demandé si je pouvais avoir des bonbons casher. J’ai dit que je n’en avais jamais entendu parler, mais que je serais heureux de lui obtenir ça s’il me disait où je pouvais les trouver. »

Le rabbin, Netanel Teitelbaum (qui n’est plus à Cologne) a fait le lien avec un vendeur en Belgique et depuis, le magasin d’Alizadeh a sans cesse augmenté le nombre de ses produits casher. Il a même passé du temps avec des certificateurs en nourriture casher pour en apprendre plus sur les lois juives relatives à la nourriture.

Aujourd’hui, son magasin est approvisionné par des produits certifiés casher d’Israël, des Pays-Bas, de Pologne et de République tchèque, et propose plus de 250 produits, dont une gamme de 50 vins.

« Il y a deux ans, un marchand de vin israélien [de] Teperberg était là. Il était heureux de voir que je vendais ses vins. »

Pendant des décennies, les juifs religieux de Cologne et ses environs avaient dû faire sans magasin casher. Ils allaient soit dans les villes voisines avec de plus grandes communautés juives, comme Francfort, Antwerp ou Amsterdam, ou se faisaient livrer à grand prix des produits casher.

En 2006, Daniel Lemberg a ouvert « Hamason », le premier magasin de la ville à proposer exclusivement des produits strictement casher. Mais Lemberg a rapidement fermé son magasin quand il a réalisé qu’il ne pourrait pas gagner sa vie. Dans une ville qui compte seulement 5 000 juifs, dont seule une petite fraction observe les lois juives sur la nourriture, ne vendre que des produits casher n’est pas un modèle commercial viable.

‘C’est impossible de gagner sa vie avec ça. A Cologne, vous n’avez aucune chance de survivre en gérant un magasin qui est strictement casher’

Alizadeh, 46 ans, qui est venu en Allemagne quand il avait 15 ans et se rend toujours régulièrement en Iran, vend des produits casher depuis 2007. Sa recette pour le succès est une combinaison d’une épicerie classique, qui vend des journaux, des cigarettes, des bonbons et des boissons pour tout le monde, avec un rayon casher.

« C’est impossible de gagner sa vie avec ça, a-t-il dit dans un allemand emprunt d’un fort accent perse. A Cologne, vous n’avez aucune chance de survivre en gérant un magasin qui est exclusivement casher. Cela ne marche que parce que je propose des produits casher en plus des autres. »

Alors qu’il importe des douzaines de produits d’Israël, il n’a jamais pensé à vendre des produits iraniens. « Je n’ai pas les bonnes connexions pour ça », a-t-il expliqué. De plus, il y a assez de magasins à Cologne qui servent les 20 000 Iraniens vivant ici. « De nos jours, chaque marché à thème indien ou africain a son rayon perse. Même les Turcs commencent à vendre des produits iraniens. »

Mais quand il s’agit du casher, Cologne n’a que deux options : le restaurant situé dans la synagogue, outrageusement cher et uniquement sur réservation, ou le Getränkemarkt Beethoven d’Alizadeg, qui est nommé d’après la rue dans laquelle est situé le magasin.

L'épicerie Getränkemarkt Beethoven, de Kambiz Alizadeh, né à Téhéran, près de la synagogue Roonstrasse de Cologne, en Allemagne. (Crédit : Raphael Ahren/Times of Israel)
L’épicerie Getränkemarkt Beethoven, de Kambiz Alizadeh, né à Téhéran, près de la synagogue Roonstrasse de Cologne, en Allemagne. (Crédit : Raphael Ahren/Times of Israel)

La plupart de ses clients sont des touristes, des hommes d’affaires ou des juifs locaux qui mangent casher eux-mêmes ou ont des invités qui le font. Quand le Times of Israel y est resté une heure, deux ou trois des dizaines de clients qui sont entrés dans le magasin ont acheté des articles issus du rayon casher.

« Nous ne mangeons pas beaucoup de viande, mais ce soir je veux faire un plat à la dinde, c’est pour ça que je suis venue », a dit Schira Rademacher, attrapant quelques courses et tendant un sac de Bamba, un snack apéritif israélien à la cacahouète, à son fils Elisha, un an et demi. Rademacher, qui vit dans le quartier, a décidé de maintenir un foyer entièrement casher il y a quelques années, quand elle s’est mariée.

Deux fois par an, avant Pessah et Rosh HaShana, elle et son mari vont à Antwerp pour acheter de grandes quantités de nourriture casher avant les fêtes. La ville belge, qui accueille une grande communauté orthodoxe, offre plus de choix à des prix moins chers. Mais pendant l’année, a-t-elle dit, les Rademacher achètent tous les produits qui ont besoin de certification casher chez Alizadeh, qui est situé à côté de la crèche juive d’Elisha, dans le bâtiment de la synagogue.

‘Je suis peut-être un peu patriote, mais pas nationaliste’

Alizadeh a été envoyé à Cologne par ses parents pendant la guerre entre l’Iran et l’Irak pour éviter d’être enrôlé dans l’armée. Bien qu’il vive à Cologne depuis plus de 30 ans et n’ait pas appris le perse à ses deux filles, il est toujours proche de son pays natal et de sa culture. Une carte d’Iran et une calligraphie de proverbes perses décorent son bureau. Il rend visite à sa famille en Iran tous les deux ans, ce qui explique pourquoi il est réticent à parler de politique.

« Je suis peut-être un peu patriote, mais pas nationaliste. J’aime le pays. Je n’aime pas ce régime. Mais je n’appartiens pas non plus à l’opposition », dit-il. Bien qu’il ne soit lui-même pas religieux, il respecte toutes les religions, souligne-t-il. « Je n’aime pas le radicalisme. Quand quoi que ce soit devient radical, j’en reste en dehors. Ce n’est pas pour moi. Je suis libéral. »

Courtois et parlant d’une voix douce, Alizadeh dit qu’il n’a jamais affronté aucun problème à cause de sa décision d’importer des produits israéliens. Son rayon casher amène parfois des discussions avec les clients mais presque jamais de disputes (pendant la guerre de Gaza en 2014, deux clients ont commencé à débattre des mérites de l’opération israélienne contre le Hamas, mais quand ils sont devenus trop bruyants, il leur a demandé de partir et ils l’ont fait, se souvient-il).

« Une fois un groupe d’étudiants venus d’Israël est entré dans mon magasin et a observé le rayon des produits casher. Une fille m’a demandé d’où je venais. J’ai dit d’Iran. Elle était : Iraaaaan ?! Elle était choquée », se rappelle-t-il en riant.

‘Je n’ai pas peur pour ma sécurité, sinon je ne le ferais pas’

Il est tentant de voir le fait que les juifs pieux de Cologne dépendent d’un Iranien musulman laïc pour accomplir correctement leurs obligations religieuses comme une belle illustration de coexistence pacifique. La relation simple entre Alizadeh et la communauté juive est difficile à imaginer dans d’autres parties du monde, particulièrement au Moyen Orient. Et pourtant, même cette histoire a ses défauts.

Parce que gérer un magasin casher en Allemagne n’est apparemment pas sans risque, il n’y a pas de panneau en vitrine indiquant que des produits casher sont vendus ici. De l’extérieur, Getränkemarkt Beethoven ressemble à toutes les épiceries. Pas d’étoile de David, pas de ménorah, pas même le mot « casher » ne peut être vu de l’extérieur. Cette discrétion est évidemment intentionnelle, mais ce n’était pas l’idée d’Alizadeh.

Bien qu’il n’ait jamais été attaqué ni même menacé, les gardes de sécurité responsable de la synagogue Roonstrasse, qui est située à 100 mètres de son magasin, lui ont déconseillé d’annoncer sa section casher en vitrine.

Une pharmacie voisine avec plusieurs drapeaux dans sa vitrine, dont un drapeau israélien, a été sans cesse vandalisée, lui a-t-il été dit. (Pour assurer que les personnes sachent qu’il a des produits casher, il fait de la publicité dans le mensuel de la communauté juive et gère un site internet, Koscherland.)

Une cliente régulière lui a dit que quand quatre juifs ont été tués en janvier 2014 dans l’attaque contre le supermarché HyperCacher à Paris, elle avait immédiatement pensé à lui et avait été inquiète. Mais Alizadeh n’abandonne pas.

« Je n’ai pas peur pour ma sécurité, sinon je ne le ferais pas, dit-il. Les membres de la communauté m’interrogent souvent sur la sécurité. Ils sont plus inquiets pour moi que je ne le suis. »

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