Israël en guerre - Jour 338

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Interview

Emilie Moatti: Nous devons nous séparer des Palestiniens et évacuer les avant-postes

Avant les primaires travaillistes de mardi, la députée expose sa vision de la construction d'une fondation pour la paix, estimant qu'une solution binationale serait "tragique"

Carrie Keller-Lynn est la correspondante politique et juridique du Times of Israël.

La députée du parti travailliste, Emilie Moatti, assistant à une réunion du comité des Affaires étrangères et de la Défense à la Knesset, le 9 novembre 2021. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
La députée du parti travailliste, Emilie Moatti, assistant à une réunion du comité des Affaires étrangères et de la Défense à la Knesset, le 9 novembre 2021. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Dans la vision cauchemardesque d’Emilie Moatti d’un futur proche, Israël et les Palestiniens restent à couteaux tirés jusqu’à ce que le pays tout entier se balkanise en entités ethniques en guerre. Dans ses rêves, Israël cesse d’attendre un accord de paix, laisse volontairement la Cisjordanie et Gaza aux Palestiniens pour qu’ils se débrouillent, et passe à autre chose.

Alors que son parti se bat pour séduire l’électorat de centre-gauche, la députée travailliste estime qu’une avancée immédiate et unilatérale vers cette dernière option est le seul moyen d’éviter une bombe à retardement démographique similaire à celle qui a déchiré la Yougoslavie il y a une trentaine d’années.

« Nous avons besoin de deux États pour deux peuples, sinon nous ouvrirons une succursale de la Yougoslavie », a-t-elle déclaré, affirmant que ce serait une « tragédie » si un unique État non-juif voyait le jour.

Au cours de l’année écoulée, en tant que nouveau membre de la Knesset, Moatti s’est distinguée en tant qu’envoyée du Parlement à l’étranger, en tant que cheffe de la délégation de la Knesset au Conseil européen et présidente d’une sous-commission sur la politique étrangère et la diplomatie publique, un rôle dans lequel elle contribue à superviser le ministère des Affaires étrangères.

Aujourd’hui, alors qu’elle fait campagne pour défendre sa place sur la liste des candidats aux primaires du parti travailliste, une élection qui aura lieu ce mardi, Moatti a fait part de ses réflexions sur ce qu’Israël peut faire pour accélérer le processus de création d’un État palestinien distinct, dans une interview accordée la semaine dernière au Times of Israel.

Se préparer à une éventuelle solution à deux États

Après avoir été conseillère en communication multimédia de l’ancienne ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni, puis personnalité de la télévision et romancière primée, Moatti a fait ses débuts à la Knesset en juin 2021, après avoir obtenu la troisième place sur la liste des candidats travaillistes.

Bien qu’elle se soucie de créer « l’égalité des chances » pour les différentes strates socio-économiques de la population, Moatti a déclaré qu’elle se concentrait principalement sur les questions diplomatiques à la Knesset, notamment en ce qui concerne la paix avec les voisins d’Israël. Alors qu’Israël a signé puis travaillé à consolider les Accords d’Abraham avec plusieurs pays arabes, les négociations de paix avec les Palestiniens ont été mises en veilleuse ces dernières années, sans réel enthousiasme du côté israélien ou palestinien de la table des négociations.

La députée travailliste Emilie Moatti dans la salle du plénum de la Knesset, le 16 février 2022. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

La position de Moatti est similaire à celle de son ancienne patronne Livni : elle souhaite la séparation entre les deux parties, avec l’espoir que celle-ci soit suivie d’un accord diplomatique.

« Si nous ne nous séparons pas des Palestiniens demain, et si nous ne gérons pas le conflit, nous comprendrons rapidement que c’est le conflit qui nous gère et que nous n’avons pas de solution pour sortir de cette épopée. Nous aurons un État binational », a-t-elle déclaré.

« Il y a des extrémistes radicaux de gauche qui disent : ‘Ayons un État de tous ses citoyens, nous vivrons tous ensemble.’ C’est une vision horrible, à mon avis », a-t-elle ajouté.

Sur ce point, Moatti et plusieurs autres personnalités de gauche plus souples diffèrent de certains partisans du parti de gauche Meretz. Les rumeurs allaient bon train quant à la possibilité que le parti travailliste et le parti Meretz présentent une liste commune pour les prochaines élections de novembre, afin d’assurer la survie de Meretz, mais comme ce dernier parti semble avoir plus de chances de franchir seul le seuil électoral, la pression est retombée.

Présentant sa vision pour les cinq prochaines années, Moatti a exposé trois mesures qu’elle souhaiterait que le gouvernement israélien prenne dès maintenant, afin de « préparer le terrain pour la séparation d’avec les Palestiniens ».

Illustration : Vue des implantations de Yitzhar en Cisjordanie, le 24 octobre 2019. (Crédit : Sraya Diamant/Flash90)

Plus précisément, Moatti préconise d’étendre le territoire de Cisjordanie défini comme la zone B – qui est sous contrôle administratif palestinien et sous contrôle militaire israélien – ainsi que d’empêcher la création de tous les nouveaux avant-postes illégaux et de mettre en œuvre un plan d’évacuation et de dédommagements des Israéliens juifs vivant en dehors des gros blocs d’implantations.

Cette dernière idée rappelle l’ancien chef du parti de Livni, l’ancien Premier ministre Ariel Sharon – qui est à l’origine du désengagement unilatéral d’Israël de la bande de Gaza en 2005.

Alors qu’un sondage réalisé en 2021 par l’Institut israélien pour la démocratie a révélé que seuls 41 % des Israéliens pensent que la poursuite du status quo actuel est souhaitable, ils sont encore moins nombreux – 34 % – à juger acceptable la solution à deux États.

La vision de Moatti pour mettre fin au conflit a très peu de chances de s’imposer dans le climat politique actuel. L’année dernière, le parti travailliste a intégré un gouvernement pour la première fois en dix ans en apportant le soutien de ses sept sièges à un gouvernement hétéroclite de huit partis, aujourd’hui dissous. Ce gouvernement a éclaté, au moins en partie, en raison de différences idéologiques liées au conflit que Moatti veut aborder, et les sondages actuels prévoient qu’une alliance de centre-gauche n’a pas assez de sièges pour former un gouvernement sans partenaires de droite, voire sans aucun partenaire.

Joignez le geste à la parole

Au cours de sa première année à la Knesset, Moatti s’est discrètement taillée un CV qui, espère-t-elle, lui permettra d’occuper un poste similaire à celui du ministre sortant de la Coopération régionale du parti Meretz, Issawi Frej.

Dans le cadre de son travail au sein de la commission à huis clos des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, Moatti a contribué à lancer une série de six discussions planifiées portant sur l’amélioration du travail, de l’éducation, de la coexistence et de la condition féminine chez les Palestiniens.

Le ministre de la Sécurité régionale Issawi Frej à la Knesset, le 14 juillet 2021. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Bien que le ministère de la Défense ait augmenté le nombre de permis de travail accordés aux Palestiniens à 3 000 titres après une réunion en janvier sur le sujet, elle a déclaré que cela prendrait plus de temps pour créer progressivement un véritable changement dans l’approche sécuritaire de l’État envers les Palestiniens.

« Le fait que ces conversations aient eu lieu est un accomplissement… Ils n’ont jamais traité les Palestiniens sous un angle civil », a-t-elle dit, « surtout quand il n’y a pas de solution diplomatique à l’horizon ».

Moatti a travaillé avec Frej à la création d’un organe consultatif gouvernemental, semblable au Conseil national de sécurité, qui serait axé sur la promotion de la paix.

Proposé comme la Commission pour la promotion de la paix, elle a déclaré que les efforts ont réussi à obtenir 10 millions de shekels pour une commission temporaire placée sous la tutelle du ministère de Frej pour se concentrer sur la construction de passerelles avec les Palestiniens et les pays musulmans qui n’ont pas de relations avec Israël.

L’effondrement du gouvernement à la mi-juin a cependant condamné cet effort.

Les travaillistes vont-ils migrer vers le centre ?

Moatti est d’accord avec ce qui est devenu une idée reçue chez de nombreux politiciens, à savoir que les élections du 1er novembre seront probablement décidées par les électeurs de la droite douce. Le parti travailliste n’a aucune chance de les attirer, mais ses partenaires politiques potentiels – le parti Yesh Atid du Premier ministre Yair Lapid et le parti unifié Kakhol lavan-Tikva Hadasha du ministre de la Défense Benny Gantz et du ministre de la Justice Gideon Saar – devront orienter leurs listes de partis et leurs promesses électorales de manière à courtiser ces électeurs religieusement libéraux mais idéologiquement bellicistes, s’ils veulent avoir une chance de remporter le vote.

Le parti travailliste lui-même a récemment organisé une élection pour sa direction, au cours de laquelle certains de ses membres, et notamment le secrétaire général du parti, Eran Hermoni, ont préconisé un rapprochement avec le centre de l’arène politique.

Le Secrétaire général du parti travailliste, Eran Hermoni. (Courtoisie)

Moatti, cependant, pense que ce n’est pas le rôle du parti travailliste, qui doit plutôt être un vent de gauche dans la voile d’un bloc de centre-gauche.

Après des années de délégitimation de la gauche, il est plus facile de dire « je suis un centriste », dit-elle.

Même si le parti travailliste se retrouve exclu de la coalition en novembre, Moatti a déclaré que la faction s’efforcera de poursuivre son travail pour façonner le pays depuis l’opposition.

« Nous serons un acteur significatif à la Knesset », a-t-elle promis.

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