Emmanuel Macron – Israël, les Juifs de France et le Proche Orient
Ferme contre le boycott d'Israël, défendant une laïcité inclusive ne menaçant pas les pratiques religieuses, le candidat d'En marche ! pourrait emporter une part non-négligeable du scrutin juif

Surdoué en économie, familier des concepts philosophiques, novice en politique étrangère, Emmanuel Macron est parfois comparé à Valéry Giscard d’Estaing ou à Georges Pompidou, qui lui aussi aimait les « humanités ».
Mais le candidat d’En Marche ! se voit plutôt en héritier des plus charismatiques François Mitterrand et Pierre Mendès-France. Ses détracteurs soulignent à juste titre que le candidat d’En Marche ! n’a toujours pas publié de programme. Ses partisans, dont le nombre grandit semaine après semaine, eux sont fiers de son modernisme et de son réalisme politique.
Meeting après meeting, déclaration après déclaration Emmanuel Macron dessine un projet qui, s’il l’applique une fois élu, impactera, au-delà de la vie politique française, également la vie des juifs : dans leur rapport à leur religion et à Israël.
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Si les suffrages le portent à l’Élysée, sera-t-il le président qui sortira la France de son rapport ambigu à Israël ? Saura-t-il apaiser le rapport entre la laïcité, cette spécificité française, et la présence de minorités religieuses, dont les Juifs, qui veulent préserver leurs traditions ?
Ses différentes déclarations permettent de tracer un portrait-robot des idées de cet homme de 38 ans, énarque, ancien inspecteur des finances devenu banquier d’affaires chez Rothschild sur recommandation de Jacques Attali, puis ministre de l’Economie et enfin candidat à la présidentielle française.
Sur l’alyah
Alors que Marine Le Pen promet d’imposer à tous les franco-israéliens le choix d’une seule nationalité, Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, lors d’un voyage officiel en Israël en septembre 2015, exposait sa vision de cette double appartenance : « Vivre en Israël ne signifie par couper les ponts avec le pays d’origine. Bien au contraire, les Franco-israéliens ont une double culture qu’il faut entretenir, chérir et qui constitue un véritable défi. Le lien avec la France doit rester vivace par-delà la distance », expliquait-il depuis Tel-Aviv.

Pour Emmanuel Macron ce lien est d’autant « plus simple à perpétuer du fait du partage de valeurs communes entre Israël et la France, les valeurs d’universalité et de dignité (…). Vous avez fait le choix d’avoir deux territoires. La France est encore votre maison, » affirmait-il à l’adresse des olim francophones.
Cette immigration des juifs français est respectée et reconnue par les institutions françaises comme une décision libre, ajoutait le candidat d’En Marche !.
« La seule mauvaise décision, ce serait celle dictée par la peur, parce que cela voudrait dire que nous n’avons pas été à la hauteur, » rappelait alors l’ex-ministre du gouvernement français.
Macron et la communauté juive
Sans aucun doute le passé professionnel d’Emmanuel Macron joue-t-il un rôle dans la manière dont il est perçu par la communauté juive française, et par ses détracteurs. Si le fait d’avoir travaillé pour la banque Rothschild excite autant l’extrême-droite qu’il pourrait rassurer une certaine frange de la communauté juive, il recèle une autre importance.
Le réalisme du monde économique, teinté de valeurs anglo-saxonnes multiculturalistes, est aux antipodes de l’idéologie en cours dans les couloirs qui mènent traditionnellement au pouvoir en France. Une idéologie qui charrie une certaine vision de la laïcité, ainsi qu’une défiance vis-à-vis d’Israël.
« C’est sans doute face à lui que je serais au second tour, » déclarait Marine Le Pen sur LCP au micro de Frédéric Haziza au début du mois de février.
Pour contrer Emmanuel Macron, la candidate du Front national, n’a donc pas hésité à le désigner comme le candidat « de la finance internationale » alignant les expressions courantes de la rhétorique antisémite, mais s’appuyant sur une réelle proximité du candidat avec les milieux financiers français.

« Emmanuel macron c’est le plus caricatural ! a-t-elle continué. Il est soutenu de manière massive par des gens à qui il a fait des fleurs quand il était ministre, décrit la présidente du Front National. Et je pense évidemment à M. Drahi qui est patron d’un groupe de presse très important ». Et d’énumérer les titres, L’Express, Libération, BFM, RMC que son groupe Altice possède et qui « soutiennent », selon elle, Macron, qualifié de candidat « sous influence » des « grandes puissances financières ».
Pour conclure Marine Le Pen attrape à pleine mains la perche tendue par Frédéric Haziza qui lui demande : « et de la finance internationale ? ». Mais oui, « de la finance internationale évidemment ! » affirme Marine Le Pen.
En octobre 2016, une courte polémique a assombri l’image de Macron auprès de la communauté juive. Questionné sur sa vision de la laïcité, lors d’un entretien publié dans l’hebdomadaire Marianne, il déclarait d’un côté, être contre une « laïcité revancharde » poussant les religieux « à la discrétion ». Et il jugeait de l’autre « très important de faire respecter la neutralité du service public ».
« La religion ne peut pas être présente à l’école, » affirmait-il. « Toutefois, regrettait-il, j’entends peu de gens émus lorsque les conséquences de ce débat envoient de plus en plus d’enfants dans des écoles confessionnelles qui leur enseignent la haine de la République, professent des enseignements essentiellement en arabe ou, ailleurs, enseignent la Torah plus que les savoirs fondamentaux ».
Et « les écoles juives » ont été… vexées. Il s’est donc rendu dans l’une d’entre elles à Pavillon sous Bois pour clarifier ses propos.
« En aucune manière, je n’ai souhaité installer l’idée d’un amalgame entre des situations qui sont très différentes a expliqué Macron au journal Actualité juive. Les rapports des religions à la République sont différents selon les religions et la restitution qui a été faite de mon entretien à Marianne – le rapprochement malheureux de ces situations – a créé le trouble ».
« Il y a constamment chez les Français de confession juive, les juifs de France, la volonté de promouvoir les valeurs de la République. Cette volonté est au cœur de l’histoire de cette religion avec la France, et je comprends que s’être senti attaqué sur ce point, alors que ce n’était pas mon propos ni mon intention, ait pu choquer ».
Le 14 février, deux ans après la mort de l’emblématique acteur juif pied-noir Roger Hanin en février 2015, le candidat d’En Marche ! en visite à Alger s’est rendu sur sa tombe.
On sait combien l’acteur, surnommé le « beau-frère » était proche de François Mitterrand, dont il avait épousé la belle-sœur en secondes noces.. Proche aussi du cœur des pied-noirs, juifs et non-juifs.
Emmanuel Macron a tenté un geste symbolique à tiroirs. Un geste quelque peu moqué dans la presse.
En effet, sur la gerbe déposée sur la tombe de Roger Hanin, enterré dans le cimetière de son quartier d’enfance, on peut lire sur le ruban bleu « Emmanuel Macron » écrit en grand caractères. Certains ont pu y voir une tentative de récupération un peu voyante, d’autres un simple hommage.
Un geste symbolique à Alger. Tombe de Roger Hanin. pic.twitter.com/NZFqAtCHRK
— LAURENCE HAIM (@lauhaim) February 14, 2017
Sur la pratique religieuse
Dans le même entretien, Emmanuel Macron expliquait sa vision de la laïcité, un domaine où l’élève de Paul Ricoeur semble à son aise. A travers ses propos percent le bagage philosophique acquis à l’université et une certaine compréhension du domaine spirituel.
« Le rapport religieux renvoie à la transcendance et, dans ce rapport-là, je ne demande pas aux gens d’être modérés, ce n’est pas mon affaire. Dans sa conscience profonde, je pense qu’un catholique pratiquant peut considérer que les lois de la religion dépassent les lois de la République. Simplement, à chaque instant où il est dans le champ public, les lois de la République prévalent sur les lois religieuses. »

Ses prises de positions sur le boycott d’Israël
Plus tôt dans l’année un signal, volontaire ou non, avait été envoyé aux partisans anti-israël du BDS. Lors de protestations faisant suite à la Loi Travail, un homme portant un maillot arborant le slogan « Free Palestine » avait abordé Emmanuel Macron, qui lui avait alors répondu : « Vous n’allez pas me faire peur avec votre T-Shirt ! ». Une remarque qui fait écho à une prise de position plus récente.
Il y a quelques semaines, lors d’un déplacement au Liban Emmanuel Macron déclarait : « Le boycott d’Israël a été condamné par la France et il n’est pas question de revenir là-dessus ». Le candidat, qui s’exprimait depuis l’École supérieure des Affaires (ESA) rappelait que la Cour de Cassation avait jugé l’appel au boycott illégal en 2015.
Alors ministre de l’Économie, en visite en Israël, il affirmait sa volonté d’intensifier les relations commerciales franco-israéliennes notamment dans le secteur de l’énergie : « j’ai fait part de notre volonté, au travers des entreprises françaises, de participer à l’ouverture du marché du gaz en Israël ».
Sur le conflit israélo-palestinien et le Proche-Orient
Emmanuel Macron ne s’est frotté que très récemment à la politique internationale, lors de cette même visite au Liban où il a revendiqué la « filiation gaullo-mitterrandienne » de sa vision géopolitique.
Pour le candidat « le rôle de la France est de mener une politique d’indépendance et d’équilibre qui permet de parler à tous, et d’assurer la construction de la paix ».
Alors que tous avaient encore en mémoire les polémiques autour de la Conférence de Paix qui s’était tenue une semaine auparavant à Paris, une réunion dont Israël a critiqué la volonté de vouloir imposer de l’extérieur une solution au conflit, Emmanuel Macron réaffirmait, toujours depuis le Liban, son soutien à une solution à deux États, et son refus d’orienter la politique israélienne en exerçant une pression diplomatique ou économique. Une manière de faire entendre une autre voix.
Sur le dossier syrien, la hiérarchie des urgences enjoint à se concentrer d’abord sur la destruction de l’organisation dite Etat islamique. Même si cela implique de collaborer avec le pouvoir syrien.
Macron a plaidé, face à des journalistes en marge d’un discours prononcé à l’Ecole supérieure des affaires dans la capitale libanaise, pour une « politique d’indépendance, d’équilibre de capacité à parler à toutes les parties » dans le conflit syrien, qui a fait plus de 312 000 morts depuis 2011.
C’est « une logique de construction de la paix beaucoup plus qu’une logique d’intervention à tout-va pour un clan ou pour un autre », a déclaré le candidat.
Macron, qui a quitté en août 2016 le gouvernement français pour diriger son mouvement « En marche ! », s’est dit opposé à ce que le départ du président syrien Bashar el-Assad soit un « préalable à tout », tout en refusant de « pactiser » avec lui.
Sous la présidence de François Hollande, Paris n’a cessé d’appeler au départ du président syrien, l’accusant de massacres contre son peuple et le qualifiant de « dictateur sanguinaire ».
« La France n’est pas là pour décerner des bons points et des mauvais points à qui que ce soit, elle est là pour construire la paix, c’est bien plus compliqué », a insisté Macron.
Il a déploré que « la France ne soit pas partie prenante » aux négociations de paix syriennes parrainées courant janvier par la Russie et l’Iran, alliés du régime, et la Turquie, soutien des rebelles.
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