Enlisement de la guerre et moins de dons pour les réfugiés ukrainiens au JCC de Cracovie
Cette ville proche du centre communautaire juif d'Auschwitz a collecté 12 millions de dollars pour les réfugiés ukrainiens depuis 2022. Mais l'argent se fait rare, ce qui fragilise les réfugiés
CRACOVIE, Pologne – Suite aux décisions prises au lendemain de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, le JCC de Cracovie est devenu la plus grande organisation juive de Pologne.
« Nous avons pris trois décisions ce jour-là et elles continuent de nous guider », explique Jonathan Ornstein, PDG du JCC de Cracovie. En plus de placer un drapeau de bienvenue rédigé en ukrainien devant ses locaux, le centre a décidé d’aider tous les réfugiés ukrainiens indépendamment de leur appartenance religieuse.
« Et nous avons décidé qu’en tant qu’institution, nous allions faire tout ce que nous pouvions pour aider l’Ukraine », poursuit Ornstein pour le Times of Israel.
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Situé à Kazimierz – l’ancien quartier juif de la ville – le JCC Cracovie a étoffé son personnel, passé de 35 à 75 employés à temps plein, suite à l’invasion russe. Il s’agit pour l’essentiel de réfugiés embauchés pour prendre en charge les opérations de secours, précise Ornstein.
En grande partie grâce à des dons internationaux, 12 millions de dollars d’aide aux réfugiés ont été distribués par le JCC de Cracovie, ajoute M. Ornstein, soit quatre fois le budget annuel du centre.
« Le monde a vu ce que nous faisions et des gens ont envoyé de l’argent », résume Ornstein.
Depuis l’impressionnante hausse de ses effectifs, le JCC de Cracovie est aujourd’hui la principale organisation juive de Pologne. Pourtant, les dons liés à l’Ukraine se tarissent, déplore Ornstein. À mesure que les moyens se font rares, il n’est pas certain que le centre reste longtemps encore la plus grande organisation juive de Pologne, car sans ces fonds venus de l’étranger, la taille de l’équipe sera revue à la baisse, ce qui aura pour effet de venir en aide à un moins grand nombre de personnes dans le besoin.
Au plus fort de l’afflux de réfugiés à Cracovie, ce sont jusqu’à 40 000 Ukrainiens qui arrivaient chaque jour à la gare centrale. Pour aider au mieux les réfugiés, le JCC de Cracovie s’est déclaré « espace sûr » pour les femmes et enfants en journée.
« Nous exploitons une épicerie solidaire depuis deux ans et demi maintenant », souligne M. Ornstein. « Nous continuons à le faire alors que nombreux sont ceux qui ont arrêté. Nous nous sommes lancés dans ce sprint et nous ne nous sommes jamais arrêtés », résume-t-il
Depuis le début de la guerre, le JCC de Cracovie a aidé directement 350 000 réfugiés, explique M. Ornstein. Moins de deux pour cent de ces réfugiés ukrainiens sont juifs.
Cracovie se trouve à une heure de route de l’ancien camp de la mort allemand d’Auschwitz-Birkenau, le plus grand site de meurtres de masse de la Shoah. Avant la Seconde Guerre mondiale, Cracovie abritait 70 000 Juifs. La plupart d’entre eux ont été assassinés à Auschwitz ou dans d’autres camps de la mort construits par les Allemands.
« Les Juifs veulent rester »
Très diversifiée, la communauté juive de Cracovie connait des conflits périodiques. Lors d’une rencontre mémorable, il y a de cela cinq ans, Ornstein et plusieurs manifestants ont escaladé une clôture entourant l’ancienne synagogue Izaak pour protester contre les intendants du lieu saint affiliés au Habad, accusés d’avoir embauché des voyous pour les empêcher d’accéder à la synagogue.
Rien d’aussi dramatique ne s’est produit depuis l’affaire de la synagogue. Mais Ornstein a été critiqué pour l’aide apportée par le JCC de Cracovie aux réfugiés ukrainiens, explique-t-il. Lorsqu’on lui demande si certains de ses contempteurs considèrent les réfugiés ukrainiens comme les descendants des auteurs ou collaborateurs de la Shoah, Ornstein répond par l’affirmative.
« Mais ce n’est pas le commandant de Stutthof que nous aidons », précise Ornstein. « Ce sont des mères avec des poussettes dehors ».
Le JCC de Cracovie compte parmi ses membres 58 rescapés de la Shoah. Peu de temps après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, tous ont fait don de leurs cotisations pour aider les réfugiés ukrainiens, souligne Ornstein.
« La Shoah nous enseigne que, justement parce que nous savons ce que c’est d’être abandonnés, nous avons la responsabilité de ne pas rester indifférents », affirme Ornstein. « Cette communauté a presque totalement été décimée il y a de cela 80 ans, précisément à cause de l’indifférence et du silence », poursuit-il.
Lors des douze premiers mois de la guerre, le JCC de Cracovie a attiré l’attention internationale en raison de son aide aux réfugiés ukrainiens. Le Second Gentleman des Etats-Unis, Doug Emhoff, s’est rendu au centre pour rendre hommage à son action en 2023, et les autorités ukrainiennes lui ont fait part de leur gratitude.
« Le modèle du JCC – à savoir l’embauche de réfugiés pour gérer et organiser l’aide humanitaire – est un cadeau inestimable », avait déclaré Wiaczlaw Wojnarowskyj, consul général d’Ukraine à Cracovie.
S’agissant des réfugiés aidés depuis 2022, Ornstein note une différence importante entre Juifs et non-Juifs.
« Les non-Juifs veulent retourner en Ukraine », conclut Ornstein. « Les Juifs veulent rester. »
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