Espagne : l’envoyée d’Israël condamne des propos de la numéro 3 du gouvernement
"La Palestine sera libre du fleuve à la mer", a lancé Yolanda Diaz tout en dénonçant ce qu'elle a appelé un "génocide du peuple palestinien"

L’ambassadrice d’Israël en Espagne a condamné jeudi comme « un appel à l’élimination d’Israël » des déclarations de la numéro trois du gouvernement espagnol, qui a dit souhaiter la libération de la Palestine « du fleuve à la mer ».
Yolanda Díaz, cheffe de file du parti d’extrême-gauche Sumar et ministre du Travail, a tenu ces propos dans une vidéo mise en ligne mercredi sur le réseau social X après l’annonce par le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez de la décision de l’Espagne de reconnaître l’Etat de Palestine.
« Nous saluons aujourd’hui le fait que l’Espagne reconnaisse l’Etat de Palestine », mais « nous ne pouvons pas nous arrêter là. La Palestine sera libre du fleuve à la mer », avait lancé Mme Diaz, en dénonçant un « génocide du peuple palestinien ».
Scandé dans les manifestations de soutien aux Palestiniens, ce slogan fait référence aux frontières de la Palestine sous mandat britannique, qui s’étendait du fleuve Jourdain à la mer Méditerranée, avant la création de l’Etat d’Israël en 1948. Il est vu surtout comme un appel à l’élimination d’Israël – de facto.
Les Pays-Bas et les États-Unis l’ont interdit.
Dans un message sur X, l’ambassadrice d’Israël en Espagne, Rodica Radian-Gordon, a exprimé « (son) rejet le plus total des déclarations de Yolanda Díaz », qu’elle a accusée d’ « utiliser le slogan du Hamas », groupe terroriste islamiste palestinien dont l’attaque sans précédent le 7 octobre dans le sud d’Israël a déclenché le conflit actuel dans la bande de Gaza.
« Cette expression est un appel clair à l’élimination d’Israël », a-t-elle dit, ajoutant que « les déclarations antisémites ne peuvent pas avoir leur place dans une société démocratique ».

« Il est absolument intolérable que (ces paroles) aient été prononcées par une vice-présidente du gouvernement », a poursuivi la diplomate.
M. Sánchez a annoncé mercredi la décision de l’Espagne de reconnaître l’Etat de Palestine le 28 mai, de manière coordonnée avec l’Irlande et la Norvège.
En réaction, Israël a annoncé le rappel pour consultations de ses ambassadeurs dans ces trois pays.
Les prises de position du gouvernement de gauche espagnol, en particulier celles des ministres issus de Sumar – qui gouverne en coalition avec le Parti socialiste de M. Sánchez -, ont provoqué de vives tensions avec Israël depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza.
L’ambassadrice israélienne avait déjà été rappelée pour consultations par son gouvernement en novembre, en raison de propos de M. Sánchez, un Premier ministre farouchement anti-Israël.
Géographiquement proche du Maghreb, l’Espagne s’est tournée vers les pays arabes durant la dictature de Franco (1939-1975) afin de contourner son isolement en Occident – une diplomatie dite de « substitution » longtemps cultivée par Madrid, rappelle Juan Tovar, professeur à l’université de Burgos.
Ce n’est qu’en 1986, en outre, que le pays a établi des relations officielles avec Israël. La conséquence de tensions nées de l’opposition de l’Etat hébreu à l’entrée dans l’ONU de l’Espagne au sortir de la Seconde Guerre mondiale, en raison de sa proximité avec l’Allemagne nazie, rappelle Isaías Barreñada, professeur à l’Université Complutense de Madrid.
Madrid est ensuite allé jusqu’à jouer les médiateurs, accueillant ainsi en 1991 une Conférence de paix, avec pour la première fois l’ensemble des parties arabes en conflit direct avec l’Etat hébreu : Palestiniens, Syriens, Jordaniens et Libanais.
Deux ans après cette conférence, les accords d’Oslo, à travers lesquels Israël et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) se reconnaissaient mutuellement, étaient signés à Washington.
Mais globalement, l’Espagne reste largement perçue par de nombreux acteurs comme pro-arabe.