Ethiopie : Les dépouilles des victimes du crash aérien toujours inaccessibles
Une parente de l'une des 157 victimes de l'accident a déclaré que les effets personnels et les corps jonchaient encore le site du crash, exposés aux intempéries
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.
Plus d’un mois après qu’un vol d’Ethiopian Airlines à destination du Kenya s’est écrasé à 62 kilomètres au sud de l’aéroport d’Addis Abeba, les familles des victimes doivent encore retrouver les dépouilles et les effets personnels de ceux qu’ils ont perdu au cours du drame. Les autorités locales, pour leur part, empêchent les secours d’y avoir accès.
Des proches des victimes qui n’ont pas souhaité être identifiées et le chef de la ZAKA – une organisation de secours d’urgence qui collecte les dépouilles pour assurer leur inhumation – ont tous décrit la situation autour du lieu de l’accident comme étant un immense chantier plongé dans la confusion. Des restes humains et des effets personnels jonchent encore le sol, exposés aux intempéries, aux pilleurs et aux animaux – mais les lieux restent fermés aux initiatives officielles de secours.
« Ce que j’ai personnellement trouvé sur le site du crash m’a laissée en état de choc. Parmi de nombreuses autres choses, j’ai trouvé des cartes de visite, un carnet de vaccination, un agenda… Chacun de ces objets présentait des noms et des prénoms parfaitement lisibles et ils étaient juste laissés sur le sol, sans susciter aucune attention », a expliqué une parente de victime au Times of Israel dans un courriel. Pour des questions de confidentialité, elle a demandé à rester anonyme.
Cette femme a déclaré s’être sentie obligée de se rendre sur le site de l’accident après avoir reçu des informations alarmantes et souvent contradictoires sur les recherches.
« A mon grand désarroi, nous avons également retrouvé ce qui ressemblait à des ossements humains qui ont été confiés aux gardiens, dans une tente militaire, aux abords du site », a-t-elle ajouté.
Cette parente a ajouté que ces restes ont été traités sans délicatesse par les gardiens et « emballés dans un simple plastique trouvé sur le sol ».
Le 10 mars, le vol 302 d’Ethiopian Airlines – un Boeing 737 MAX 8 – s’est écrasé six minutes après le décollage, apparemment en raison d’un dysfonctionnement technique, tuant les 157 passagers qui se trouvaient à bord. Les victimes étaient originaires de 35 pays, notamment du Kenya, d’Israël, du Canada, d’Italie, de Chine, d’Ethiopie et des Etats-Unis.
Parmi eux, deux Israéliens ont perdu la vie lors de l’accident : Avraham Matsliah, 49 ans, originaire de Maale Adumim et Shimon Reem, âgé de 55 ans, qui habitait Zichron Yaakov. La source qui est entrée en contact avec le Times of Israel n’est pas une parente des victimes israéliennes.
L’avion s’est écrasé sur le sol à proximité de la ville de Bishoftu à une vitesse de plus de 1 000 km/h creusant un cratère de 80 mètres sur 80 mètres à terre, sous l’effet de l’impact.
La zone a été fermée dans un premier temps de manière à ce que les enquêteurs locaux puissent déterminer la cause du crash. Toutefois, des semaines après que la boîte noire et autres éléments cruciaux de preuve ont été récupérés, le site reste n’est toujours pas accessible.
Des photographies des lieux qui ont été transmises au Times of Israel montrent des fragments d’avion, des chaussettes, des chaussures, des vêtements déchirés et le sweat-shirt d’un enfant arborant l’inscription « First hugs » écrit dessus – encore éparpillés sur le site, un mois après l’accident.
Dans les jours qui avaient suivi le drame, l’Etat juif avait annoncé que le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui est également ministre des Affaires étrangères, et d’autres hauts-responsables travaillaient avec leurs homologues éthiopiens pour permettre l’entrée de ZAKA et d’autres sur le site.
« Malheureusement, les appels lancés aux autorités éthiopiennes n’apportent pas, pour le moment, les résultats escomptés », avait commenté le ministère des Affaires étrangères dans une déclaration, le 14 mars.
Le co-fondateur et dirigeant de la ZAKA, Yehuda Meshi Zahav, a confié dimanche au Times of Israel qu’il avait encore évoqué la question avec Netanyahu, le 12 avril.
Selon Meshi Zahav, le Premier ministre a ensuite rapidement contacté le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, qui a indiqué que son gouvernement était prêt à donner aux équipes de recherches l’accès au site.
Environ à la même date, le 14 avril, Netanyahu a déployé une équipe de sapeurs-pompiers pour aider l’Ethiopie à venir à bout d’un incendie ravageur dans les montagnes Simien du pays.
Les ministères des Affaires étrangères israélien et éthiopien ont refusé de confirmer que cette conversation avait bien eu lieu ou de commenter les dispositions contenues dans un éventuel accord qui – s’il existe – permettrait d’ouvrir la zone aux équipes de recherche.
Meshi Zahav a expliqué qu’en dépit de l’accord apparemment donné par le Premier ministre éthiopien de permettre la collecte des restes humains et des effets personnels, son groupe attendait la confirmation que cette directive soit « arrivée aux personnels présents sur le terrain ».
« Nous prévoyons de retourner en Ethiopie après Pessah si nous disposons de toutes les approbations nécessaires », a commenté Meshi Zahav. La fête de Pessah qui dure une semaine s’achèvera le 26 avril.
Le chef de la ZAKA a noté que son organisation avait même offert d’acheter le site du crash pour pouvoir y accéder, mais que l’Ethiopie avait refusé.
« C’est une parcelle de terrain de 80 mètres sur 80 mètres, combien cela peut-il coûter ? », s’st interrogé Meshi Zahav.
La force de l’impact a propulsé les débris sur une distance d’environ un kilomètre dans toutes les directions, ce qui signifie que la majorité des restes humains sont plutôt constitués de fragments – un doigt, des mains, des fragments d’os -que de corps encore intacts.
« Il y a beaucoup de travail à faire », a poursuivi Meshi Zahav.
Il a supposé que l’opposition de l’Ethiopie à l’ouverture du site de l’accident naît du coût et du travail exigés par la supervision d’une telle opération, avec également une mauvaise compréhension de son importance.
Pour la majorité des peuples et des religions dans le monde, des restes physiques ne sont pas nécessaires pour organiser des funérailles religieuses complètes. Ils sont toutefois nécessaires dans les enterrements juifs. Malgré les retards accumulés pour retrouver les restes des victimes israéliennes, un tribunal rabbinique spécial a statué, à la fin du mois dernier, que les familles des deux hommes pouvaient commencer leur processus de deuil traditionnel.