France/Extrême droite: pour les syndicats, pas d’appel automatique à faire « barrage »
La plupart des syndicats demeurent nuancés sur la question, tandis que certains notent l'attrait de travailleurs - souvent précaires - pour les idées d'extrême-droite
A l’approche de la présidentielle, la plupart des syndicats multiplient les prises de parole contre l’extrême droite. Mais ils adopteront des positions nuancées en cas d’accession de Marine Le Pen au second tour, dimanche.
« L’extrême droite est, et sera toujours, l’ennemie du monde du travail », ont martelé la CGT, FSU et Solidaires dans un communiqué fin mars.
« Ensemble », le mensuel des adhérents de la CGT, a fait sa Une en mars sur « l’extrême droite, l’ennemie de toujours », tandis que Solidaires et la CFDT ont publié récemment de copieux argumentaires appelant à « combattre » ce courant politique.
L’Unsa, la CFDT et la CGT ont participé le 15 mars à une conférence organisée par la Fondation Jean Jaurès, sur le thème « Dialogue social: l’extrême droite européenne contre les travailleurs ».
« Aucune organisation syndicale n’est immunisée », et il y a un « envahissement de ces idées chez les travailleurs et notamment les plus fragiles », a déploré le secrétaire général de l’Unsa, Laurent Escure, tandis que le directeur général de la fondation, Gilles Finchelstein, rappelait la prégnance du vote d’extrême droite parmi les ouvriers.
48 % d’entre eux s’apprêteraient à voter pour Marine Le Pen ou Eric Zemmour dimanche, contre 29 % des Français, selon la huitième enquête Ipsos-Sopra Steria publiée le 28 mars.
Plus en retrait sur ces sujets, Force ouvrière a adopté la semaine dernière une déclaration rappelant son « refus du racisme, de l’antisémitisme, de la xénophobie, des slogans qui font de l’étranger, du migrant, le bouc émissaire faute d’apporter des réponses de justice sur le terrain économique et social » – sans nommer l’extrême droite.
Un « débat » à la CGT
De fait, il existe des nuances sur le sujet entre les organisations syndicales, dans les discours, et dans l’attitude vis-à-vis des adhérents ou militants qui fraient avec l’extrême droite.
« FO n’exclut pas les personnes concernées. Les affaires sont un peu étouffées ou gérées dans la discrétion, à la différence de la CGT, par exemple, qui est plus radicale sur ces questions », expliquait récemment dans le quotidien La Nouvelle République Dominique Andolfatto, professeur de sciences politiques et spécialiste du monde syndical.
Très attachée à l’indépendance des syndicats vis-à-vis des partis, la confédération Force ouvrière « ne donnera pas de consigne de vote » si Marine Le Pen affronte Emmanuel Macron à l’issue du premier tour, selon son secrétaire général, Yves Veyrier.
Même point de vue du côté de la CFTC, dont le président, Cyril Chabanier, affirme à l’AFP que « les consignes de vote, c’est dépassé ». La CFE-CGC, qui abrite le puissant syndicat de policiers Alliance, classé à droite, ne donne habituellement pas non plus de consigne.
Solidaires devrait comme en 2017 s’accorder sur la formule « Pas une voix pour l’extrême droite » – qui laisse la possibilité de l’abstention.
A la CGT, où cette position avait été prise en 2017, il y aura, si la situation se présente, un « débat », confie Pascal Debay, du collectif confédéral de lutte contre les idées d’extrême droite et le racisme.
« Le mandat Macron fait tellement de mal, son autoritarisme, ses mesures complètement antisociales, le fait que là, il a une stratégie d’aller encore plus à droite, de nous promettre une réforme des retraites qui va être terrible, ses âneries sur le RSA… ça ne va pas aider beaucoup de travailleurs à utiliser un bulletin de vote pour contrer l’extrême droite », estime-t-il.
Sous couvert d’anonymat, un responsable CGT affirme ne pas avoir « du tout envie d’appeler à voter Macron ». « Je vais proposer de faire un vote blanc massif, et que l’on se concentre sur les législatives », dévoile-t-il.
En cas d’affrontement Le Pen/Macron, l’Unsa invitera les citoyens à participer, à ne pas voter pour l’extrême droite, et à « privilégier les candidatures républicaines », mais ne nommera pas M. Macron, selon M. Escure.
Seul le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, appellerait clairement à voter pour Emmanuel Macron. « Le combat d’extrême droite ne souffre pas de nuance », dit à l’AFP le dirigeant du premier syndicat français, qui « souhaite que l’extrême droite ne soit pas au second tour ».