Frappés par le Brexit, les juifs britanniques préviennent les adversaires de Trump de leur suffisance
Beaucoup des juifs du Royaume-Uni pensent que leurs cercles libéraux et leur mode de vie les ont isolés d’une majorité mécontente qui, à leur effroi, a voté pour quitter l’Europe
JTA – Si vous êtes un juif américain libéral qui pense que Donald Trump ne pourra jamais devenir président, les juifs britanniques ont un mot d’avertissement : Brexit.
Après le résultat choquant du référendum de juin où la sortie de l’Union européenne du Royaume-Uni l’a emportée, beaucoup de juifs britanniques pensent à présent que leurs cercles libéraux et leur mode de vie cosmopolite les ont laissés largement à l’écart de la majorité mécontente responsable du résultat qui n’a pas été prédit par les sondages, et semblait impossible.
Jusqu’à ce qu’il se produise.
Malgré les prédictions par la plupart des sondages de la défaite de Trump, Keith Kahn-Harris, sociologue juif de la région de Londres, a déclaré qu’il pensait que « Trump peut être élu président, et je me préparerais à ce résultat. »
David Hirsh, un autre sociologue britannique juif de la région de Londres, a utilisé un message plus précis pour exprimer une pensée similaire : « Etats-Unis. S’il vous plait, inquiétez-vous de Trump avant qu’il ne soit trop tard. Vous ne voulez pas avoir ce sentiment le 9 novembre », a-t-il écrit sur Facebook après le résultat du vote du Brexit.
Les leçons tirées du vote du Brexit par les juifs britanniques, ont dit beaucoup d’entre eux, sont pertinentes pour les électeurs américains juifs, en raison des similarités démographiques et sociales entre les deux communautés. Les libéraux britanniques voient la campagne pour le Brexit et celle du candidat républicain à la présidentielle américaine comme toxiques, et affirment qu’elles ont toutes les deux déchiré le tissu de leurs sociétés respectives, déchaînant une animosité et une polarisation importantes.
« J’ai été très surprise, comme beaucoup d’autres », a déclaré Laura Marks, récente vice présidente du Conseil des représentants des juifs britanniques et importante militante interreligieuse de Londres, en racontant le jour d’après le référendum du 23 juin en Grande-Bretagne. « J’étais estomaquée. Je ne pouvais tout simplement pas y croire. »
Pendant un diner le jour du vote, Marks et des amis s’étaient assurés les uns aux autres que « tout irait bien », a-t-elle raconté. « Le matin, mon mari m’a dit ‘c’est le Brexit’. La plupart des personnes que je connais avait un sentiment d’incrédulité très fort. »
Certains juifs britanniques qui soutenaient le Brexit avaient aussi été surpris, comme Geoffrey Alderman, historien et ancien membre du Conseil des représentants.
Sur la base de leurs habitudes de votes, Alderman avait prédit que les électeurs britanniques voteraient « non » et maintiendraient le cap. Avec le recul, il dit avoir échoué à anticiper le changement parce que lui, comme beaucoup de juifs britanniques, vit à Londres, où 75 % des électeurs se sont prononcés pour rester dans l’Union européenne.
Alderman n’a commencé à douter que quand il a quitté Londres, quand il a vu des passants « haranguer les militants du camp du ‘Bremain’ [pour le maintien du Royaume-Uni dans l’Union] » dans un centre commercial du nord est de l’Angleterre, où il était en vacances avec sa femme à la veille du référendum, a-t-il expliqué.
« J’ai pensé que s’il y avait une telle hostilité dans un des fiefs du Labour, le vote [pour le Brexit] pourrait passer après tout », a raconté Alderman.
La démographie des juifs américains, qui ont tendance à vivre dans les grandes villes ou à proximité de celles-ci, où la candidate démocrate Hillary Clinton jouit d’un large soutien, signifient qu’eux aussi peuvent se tromper dans leur prédiction du vote du reste de la nation, a déclaré Kahn-Harris.
« Aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, les juifs sont majoritairement concentrés dans les grandes zones urbaines », a déclaré le sociologue. Combiné à l’effet de résonnance des médias sociaux, « cela peut avoir un effet de distorsion puissant », a-t-il prévenu.
Marks et Alderman ont tous deux finalement reconnu qu’ils avaient vu le référendum principalement par le prisme étroit du sujet étudié, c’est-à-dire de savoir si le Royaume-Uni devait rester dans l’Union européenne. Pour beaucoup d’autres électeurs, c’était une opportunité d’exprimer leur désir d’un changement plus général d’une société où ils se sentent démunis ou brimés.
« Ce n’est qu’après le résultat que nous avons vraiment compris que le débat ne portait pas simplement sur le Brexit, a déclaré Marks. C’était sur des domaines de mécontentement bien plus vastes. »
D’un référendum sur la question de mettre fin à ce qui est essentiellement l’adhésion du Royaume-Uni à une institution internationale, le vote du Brexit a gonflé en une décision passionnée sur des questions cruciales. Ces questions étaient notamment la définition même de ce que signifie être britannique, la place des immigrants dans la société, les impôts, la réserve d’une élite détestée par des électeurs marginalisés innombrables, et même ce qui a été perçu comme une ingérence américaine dans les affaires britanniques.
« Toute la campagne du Brexit a clairement montré les divisions amères et clivantes du pays, avec un point bas tragique, le meurtre d’une jeune députée travailliste pro-Bremain, Jo Cox », a écrit dans le Forward Rebecca Schischa, une journaliste britannique juive.
Cox, 41 ans, fervente partisane du maintien dans l’Union européenne, a été poignardée à mort le 16 juin par un homme de 52 ans, dont la maladie mentale était connue.
Trump lui-même a rapidement joué des similarités entre le vote du Brexit et l’élection présidentielle américaine.
Se proclamant « Mr. Brexit », le magnat de l’immobilier milliardaire a prédit dans plusieurs discours de campagne un renversement électoral qui représenterait, a-t-il vanté, un « Brexit fois 10 ». Nigel Farage, ancien président du parti indépendant britannique et partisan majeur du Brexit, a été présent dans certains meetings de Trump.
Marks, qui se décrit comme optimiste, a déclaré que le côté positif du vote du Brexit avait été de lui rappeler combien de ses concitoyens se sentaient « laissés pour compte et effrayés » par la société cosmopolite ouverte et diversifiée qu’elle souhaite pour la Grande-Bretagne.
« C’est un réveil, un rappel des fractures sociales que nous devons traiter, et en ce sens, c’est une bonne chose », a-t-elle déclaré.
Mais certains juifs britanniques questionnent l’analyse de Marks, qui voit le succès de Trump comme un vote protestataire né de la détresse socioéconomique.
Le journaliste David Aaronovich a déclaré qu’il était « paradoxalement confortant pour les libéraux » d’accuser la pauvreté, parce que cela leur donne l’illusion d’avoir des solutions économiques.
Dans un éditorial publié le mois dernier par le Times de Londres et intitulé « L’affreuse vérité sur la montée de Trump et le Brexit », Aaronovich a cité des études qui réfutent la corrélation entre les caractéristiques socio-économiques et les électeurs qui ont voté pour le Brexit.
« C’est difficile d’écrire cela avec une formulation neutre, mais cela suggère que l’autoritarisme versus le libéralisme est un bien meilleur moyen de comprendre ce phénomène que ‘les élites versus le peuple’, ou ‘les laissés pour compte versus les aisés’, a-t-il écrit. Ils incarnent des idées différentes de comment vivre. »
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