Gallant démissionne de la Knesset et dénonce l’imminence du texte exemptant les Haredim
L’ex-ministre de la Défense s'engage à rester au sein du Likud ; déclarant que son "parcours n'est pas encore achevé", il pourrait se présenter à la tête du parti à l'avenir
Moins de deux mois après avoir été démis de ses fonctions de ministre de la Défense, le député Yoav Gallant a démissionné de la Knesset mercredi soir, accusant le gouvernement actuel de compromettre la sécurité du pays tout en insistant sur le fait qu’il resterait membre du Likud, le parti au pouvoir du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Dans une annonce diffusée en direct à la télévision israélienne, le député du Likud a rappelé ses décennies de service militaire et politique, et s’est attribué le mérite de la destruction des capacités armées des groupes terroristes palestinien du Hamas et chiite libanais du Hezbollah et de l’Iran. Il a également déclaré qu’il assumait la responsabilité, en tant qu’ancien ministre de la Défense, de la préparation du pogrom perpétré par le Hamas le 7 octobre 2023 et de la guerre actuelle.
Gallant a indiqué qu’il avait passé « 35 ans dans l’armée israélienne, une décennie en tant que membre de la Knesset et ministre dans des gouvernements israéliens, y compris deux années spectaculaires en tant que ministre de la Défense ».
« En tant que membre du mouvement Likud, je continuerai à me battre pour la voie du mouvement », a-t-il promis, indiquant que ce n’était pas la fin de sa carrière politique et qu’il reviendrait probablement pour disputer la direction du parti.
« Ma voie est celle du Likud, et je crois en ses principes, je fais confiance à ses membres et à ses électeurs. Depuis que j’ai voté pour le Likud pour la première fois de ma vie et que j’ai participé à la révolution de Menachem Begin, je suis resté fidèle à la voie nationale et idéologique du mouvement », a-t-il déclaré.
Gallant a accusé Netanyahu et son remplaçant à la tête du ministère de la Défense, Israel Katz, de mettre en danger la sécurité du pays en soutenant une loi qui codifierait les exemptions militaires pour une grande partie de la communauté ultra-orthodoxe – ou haredi.
Il a déclaré qu’il avait été démis de ses fonctions de ministre de la Défense en novembre dernier parce qu’il avait refusé de capituler sur cette question cruciale et qu’il ne serait pas un partenaire dans les efforts de Netanyahu et de Katz. Il a également estimé que l’enrôlement des ultra-orthodoxes était une « nécessité militaire ».
Gallant a affirmé qu’il continuait à croire en la voie et aux valeurs du Likud, mais que la refonte judiciaire du gouvernement représentait un « danger clair et immédiat » pour le pays. Il a également fait remarquer qu’il avait lancé un avertissement à ce sujet avant les massacres du 7 octobre.
Gallant a également critiqué le gouvernement pour ne pas avoir ramené les otages détenus par le Hamas à Gaza, affirmant qu’il n’y aurait pas de victoire tant qu’ils ne seraient pas tous rentrés.
Katz a récemment déclaré qu’il était favorable à l’enrôlement de la moitié des recrues haredi éligibles, tandis que les autres poursuivent leurs études dans les yeshivot. Selon la chaîne publique Kann, Netanyahu travaille actuellement à l’élaboration d’un nouveau plan d’enrôlement afin de satisfaire les demandes des ultra-orthodoxes. Mercredi matin, le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, a déclaré lors d’une intervention à la chaîne publique qu’il y aurait environ 10 000 Haredim dans l’armée israélienne d’ici deux ans. Plus de 60 000 ultra-orthodoxes âgés de 18 à 27 ans sont susceptibles d’être enrôlés à ce jour.
« Comme sur le champ de bataille, dans le service public aussi, il y a des moments où il faut s’arrêter pour évaluer la situation et choisir la marche à suivre », a déclaré Gallant, précisant que son « parcours n’est pas encore terminé ».
Les analystes ont déclaré qu’il était probable que Gallant tente de briguer la direction du Likud lors des prochaines primaires, mais ils ont fait remarquer que la composition idéologique actuelle du parti était très éloignée des idéaux libéraux auxquels Gallant a fait allusion dans son discours.
Après sa prise de parole, Gallant a remis sa lettre de démission au président de la Knesset, Amir Ohana.
Netanyahu et Gallant se sont souvent opposés depuis que le gouvernement a prêté serment à la fin de l’année 2022. Le Premier ministre l’a renvoyé, une première fois, en mars 2023, après qu’il a mis en garde contre les dangers pour la sécurité découlant de la divergence nationale au sujet de la refonte du système judiciaire, avant de revenir sur sa décision en raison des vives objections de l’opinion publique.
Depuis son renvoi par Netanyahu le 5 novembre, Gallant a été absent lors de nombreux votes importants pour la coalition, notamment mardi soir, lorsque Netanyahu a été contraint de quitter son lit d’hôpital après une opération chirurgicale pour assurer l’adoption d’un projet de loi important relatif au budget face à la révolte de certains de ses partenaires de coalition d’extrême-droite et ultra-orthodoxes.
On s’attend à ce que Gallant soit remplacé à la Knesset par Abed Afif, un représentant de la minorité druze qui a obtenu la 44ᵉ place sur la liste du Likud lors des élections à la Knesset de 2022 et qui deviendrait ainsi le seul député druze au sein de la coalition gouvernementale.
Le chef de l’opposition Yaïr Lapid a décrit, dans un message publié sur le réseau social X, le discours de démission de Gallant comme « la pure vérité ». Lapid a également estimé qu’il avait été renvoyé afin que la coalition puisse « faire passer une loi honteuse sur l’évasion et l’insubordination qui est une trahison de nos combattants, de nos morts et de nos blessés ».
La démission de Gallant a suscité dans certains milieux des spéculations selon lesquelles l’adoption du projet de loi consacrant les exemptions militaires ultra-orthodoxes serait désormais plus facile, étant donné qu’il était l’un des principaux opposants à cette mesure au sein de la coalition.
Après son discours, le chef du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, ancien ministre de la Défense qui avait été membre du défunt cabinet de guerre avant de quitter la coalition en juin, a demandé à Gallant de reconsidérer sa décision de quitter la Knesset.
« Tant que le gouvernement ne va pas aux urnes, vous devez faire preuve du même courage que celui dont vous avez toujours fait preuve, rester à la Knesset et agir selon votre conscience. Ne contribuez pas à l’adoption de la loi sur l’évasion en temps de guerre », a écrit Gantz sur X.
Le chef d’Yisrael Beytenu, Avigdor Liberman, un autre ancien ministre de la Défense, a tenu des propos similaires, exhortant Gallant à retarder sa démission jusqu’à ce que le projet de loi sur l’enrôlement soit examiné en deuxième et troisième lecture, dans l’espoir qu’il soit encore possible de le contrecarrer.
Selon Liberman, démissionner maintenant « reviendrait à déserter le champ de bataille au milieu de la guerre et à donner une nouvelle voix aux partisans de l’évasion ».
Empêcher son propre renvoi du Likud ?
Selon certains médias, Gallant pourrait avoir démissionné pour empêcher son propre parti, le Likud, de le déclarer renégat et de l’évincer du parti, ce qui l’empêcherait de se présenter sur sa liste à l’avenir. Ynet a indiqué que le chef de la coalition, Ofir Katz, avait commencé à préparer son dossier en vue de la révocation du député.
Dans un message publié sur X, le député Avichay Buaron (Likud) a déclaré que Gallant savait que s’il n’avait pas démissionné mercredi, « la faction du Likud l’aurait déclaré exclu ».
Depuis qu’il a été licencié, a écrit Buaron, le comportement de Gallant a envoyé le message suivant : « Je ne suis pas engagé envers le Likud et la coalition. Même si cela signifie sortir le Premier ministre de son lit d’hôpital. »
Buaron a estimé que « Gallant devrait quitter la Knesset et le Likud ». Il a également affirmé avoir « reçu un large soutien » pour les efforts visant à évincer Gallant au vu de sa décision de ne pas participer à la session plénière de mardi à la Knesset.
Le porte-parole du Likud n’a pas encore répondu à une demande de commentaire.
Dans sa critique de Gallant, Buaron a été rejoint par ses collègues du Likud, Tally Gotliv et Moshe Saada.
Gallant était « un ministre de la Défense faible » qui « sapait le Premier ministre à chaque occasion et menait une politique indépendante même vis-à-vis de l’administration américaine, comme s’il était lui-même le Premier ministre », a affirmé Saada dans un message sur X.
« Tous les autres arguments que vous avez avancés ce soir ne sont rien d’autre que l’ouverture de votre campagne pour diriger le bloc de gauche lors des prochaines élections [législatives]. »
Gotliv a été encore plus virulente, accusant Gallant de défaitisme, de fuite d’informations vers l’administration du président Joe Biden, de chercher à « mettre fin à la guerre avant que tous ses objectifs ne soient atteints » et d’être de connivence avec le président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, Yuli Edelstein, « pour empêcher la promulgation d’un projet de loi équilibré… afin de provoquer l’effondrement du gouvernement Netanyahu ».