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Analyse

Comment Yoav Gallant, l’ancien paria, a été réhabilité par Netanyahu

Il n'a pas fallu longtemps pour que le Premier ministre courtise son ministre de la Défense lors de séances photos après l'avoir limogé - et la sécurité nationale en est en partie responsable

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu , à gauche, et le ministre de la Défense Yoav Gallant après une conférence de presse, le 10 mai 2023. (Crédit : Haim Zach / GPO)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu , à gauche, et le ministre de la Défense Yoav Gallant après une conférence de presse, le 10 mai 2023. (Crédit : Haim Zach / GPO)

Sept semaines. C’est le temps qu’il a fallu au Premier ministre Benjamin Netanyahu pour réhabiliter le ministre de la Défense Yoav Gallant après un message laconique transmis par le porte-parole du Premier ministre aux journalistes dans la soirée du 26 mars, qui annonçait que le chef du gouvernement avait décidé de « renvoyer Gallant de son poste ».

C’est tout ce que Netanyahu avait eu à dire à ce moment-là. Rien au sujet de la personne qui aurait la responsabilité de guider l’establishment de la Défense pendant tout le mois sacré du Ramadan, habituellement une période de turbulence. Rien au sujet de la cause de ce renvoi – ne serait-ce qu’il était clairement lié aux avertissements publics qui avaient été lancés par le ministre de la Défense, qui avait affirmé haut et fort que le projet de refonte du système judiciaire israélien avancé par le gouvernement menaçait de saper l’armée, sans même parler de la société israélienne.

Et soudainement, sept semaines plus tard, Netanyahu semble aduler son chef de la Défense. Les deux hommes sont photographiés ensemble partout où ils se présentent et le Premier ministre, alors que l’opération à Gaza était à son paroxysme, a trouvé le temps de se rendre chez Gallant qui venait de perdre sa mère, pour présenter ses condoléances en compagnie de son épouse, Sara. Les photos qui ont suivi étaient plaisantes, pleines d’affection et d’empathie.

Pendant les combats de cinq jours qui ont opposé l’État juif au Jihad islamique palestinien – qui se sont achevés par un cessez-le-feu négocié par les Égyptiens dans la soirée de samedi – l’équipe du Premier ministre a diffusé des photographies montrant le commandant en chef en ordre de bataille, aux côtés des hauts-responsables militaires et de ses conseillers à la sécurité. Mais ce qui s’est principalement dégagé de ces clichés, cela a été la proximité retrouvée avec Gallant.

Cette volte-face ostensible peut partiellement être attribuée à de réelles considérations sécuritaires. Le renvoi de Gallant, qui n’avait pas pris immédiatement effet, a semblé capturer l’attention des factions palestiniennes au Liban qui ont entrevu dans ce limogeage l’expression d’une faiblesse israélienne. Le 6 avril, environ une semaine plus tard, ces factions avaient tiré 34 roquettes vers le nord du territoire israélien -les premiers tirs de barrage significatifs depuis la Seconde guerre du Liban, en 2006.

Les responsables de la Défense ne peuvent pas non plus se permettre de laisser apparaître des divisions devant les groupes terroristes de Gaza. Et le flot de photographies amicales montrant les deux hommes a été susceptibles de tempérer la perception d’une scission.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, le ministre de la Défense Yoav Gallant, le chef de la NSA Tzachi Hanegbi et le secrétaire militaire du Premier ministre, le général Avi Gil, évaluant la situation au quartier général de l’armée, à Tel Aviv, le 10 mai 2023. (Crédit : Haïm Zach/GPO)

Mais il y a encore peut-être un autre intérêt en jeu – un intérêt qui va au-delà de la sécurité de l’État. Gallant est le ministre le plus populaire d’un gouvernement qui, dans son ensemble, ne convient pas aux Israéliens.

Et la façon dont des milliers de personnes – dont la vaste majorité n’était pas alignée à la droite de l’échiquier politique – qui sont spontanément descendues dans les rues dans les minutes qui ont suivi le renvoi du ministre de la Défense, donnant le coup d’envoi à une série d’événements qui ont culminé avec la mise en pause du projet de refonte du système de la justice israélien, le lendemain, illustre parfaitement ce phènomène.

Le limogeage de Gallant par Netanyahu est survenu après les pressions exercées dans ce sens par le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir ou par son fils Yair. Depuis, Ben Gvir a continué à critiquer Gallant sur de nombreux sujets – depuis le plan de réforme gelé jusqu’à la restitution des corps sans vie de terroristes palestiniens à leurs familles.

Ces attaques n’ont pas aidé Ben Gvir à gagner en popularité – depuis l’établissement du gouvernement, le leader d’extrême-droite reste le ministre le moins populaire dans les sondages. Contrairement à Gallant, qui est considéré comme un atout – un sentiment qui n’a fait que se renforcer dans les sept dernières semaines.

Au pic de la campagne à Gaza, lorsque lui et les chefs de l’establishment de la Défense étaient profondément impliqués dans l’orientation de l’opération militaire, le ministre de la Défense a été informé du décès de sa mère. Gallant, qui avait perdu son père à l’âge de 17 ans, entretenait un lien privilégié avec sa mère dont il parlait fréquemment. Même la nuit de son limogeage, il avait diffusé l’enregistrement d’une conversation téléphonique avec cette dernière, dans lequel elle lui rendait hommage pour sa fermeté dans le respect de ses principes.

Pourtant, malgré cette nouvelle dévastatrice, Gallant n’a pas abandonné son poste un seul instant, montrant de manière claire au public qu’il contrôlait les événements et que sa priorité absolue était de diriger la campagne à Gaza et de garantir sa réussite.

Pour un Premier ministre vivant à travers les sondages, rien n’a été plus facile que de choisir Gallant plutôt que Ben Gvir, profondément impopulaire, ou même le ministre de la Justice Yariv Levin, l’ancien allié le plus proche de Netanyahu qui menace aujourd’hui de quitter le gouvernement si au moins une partie de la réforme judiciaire n’est pas adoptée dans les prochaines semaines.

Et c’est ainsi qu’en l’espace de sept semaines, Netanyahu est parvenu à faire une volte-face spectaculaire (d’aucuns diraient spectaculairement cynique) – transformant Gallant, le paria, en la personnalité la plus déterminante du tableau.

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