GB : Une firme a payé un pirate informatique israélien qui l’a pris pour cible durant un procès
Daniel Feldman affirme que Vantage Intelligence a engagé Aviram Azari, condamné pour un piratage antérieur, pour intercepter des conversations privées avec son avocat, faisant basculer son procès

BALTIMORE, Maryland (Reuters) — Un avocat originaire de New York a accusé une société britannique de renseignement privée d’avoir embauché contre monnaie sonnante et trébuchante des pirates informatiques mercenaires qui, selon lui, ont fait basculer une bataille judiciaire en faveur de ses adversaires.
Dans une plainte qui a été déposée jeudi au tribunal fédéral de Manhattan, Daniel Feldman a accusé le cabinet londonien Vantage Intelligence d’avoir payé des espions qui ont intercepté des échanges privilégiés avec ses avocats en 2016, 2017 et 2018.
Feldman a précisé que ce piratage s’était produit alors qu’il était lui-même en procès avec les clients de Vantage, un groupe de sociétés liées au défunt géant pétrolier russe Yukos, des poursuites basées sur des accusations d’auto-enrichissement.
Feldman n’avait cessé de clamer son innocence, mais il avait été jugé coupable, en 2019, d’avoir manqué à ses obligations fiduciaires à l’égard de plusieurs entités liées à Yukos – même si le jury n’avait, par ailleurs, trouvé aucune preuve de préjudice, l’homme étant simplement condamné à payer une amende symbolique de 5 dollars. Feldman, dont la licence d’avocat avait été suspendue pendant un an à la suite de ce verdict, cherche maintenant à faire annuler le jugement, arguant que l’affaire a été entachée par le piratage informatique.
Nos tentatives visant à entrer en contact avec les entités liées à Yukos – elles sont basées dans les îles Vierges britanniques et aux Pays-Bas – ont été vaines. Les avocats américains de ces sociétés n’ont pas répondu à nos demandes répétées de réaction.
Vantage a renvoyé nos questions à un avocat qui n’a pas répondu à nos messages. L’année dernière, Vantage avait attiré l’attention, dans le milieu du renseignement privé, quand elle avait fait entrer au sein de son conseil consultatif Erik Prince, fondateur de la société militaire privée Blackwater et allié du président américain Donald Trump.
Le nom de Prince ne figure pas dans la plainte de Feldman. Rien n’indique, à ce stade, qu’il ait été impliqué d’une manière ou d’une autre dans l’acte de piratage. Les messages transmis à Prince et à son avocat sont restés sans réponse.
La plainte déposée par Feldman a suivi deux enquêtes qui avaient été menées par Reuters en 2022 et 2023, qui décrivaient la façon dont des parties au litige, dans le monde entier, avaient été piratées par leurs adversaires dans des affaires très médiatisées, à l’aide d’espions mercenaires qui étaient basés en Inde.

Feldman était l’une des cibles de cyber-espionnage – il y en avait des milliers – qui avaient été identifiées par Reuters dans le cadre de ses investigations. Dans son dossier, Feldman indique que les procureurs fédéraux de Manhattan ont confirmé en privé que ses courriels avaient été piratés avant la condamnation, en 2023, du détective privé israélien Aviram Azari, figure emblématique du secteur du piratage informatique.
Le département de la Justice s’est refusé à tout commentaire. Azari – qui a depuis purgé sa peine et qui est retourné en Israël – n’a pas répondu à notre courriel. Un ancien associé du détective a déclaré à Reuters qu’Azari « se refuse à discuter de quoi que ce soit en rapport avec sa précédente condamnation ».
Dans sa plainte, Feldman affirme qu’il a été victime de pirates informatiques indiens qui avaient été engagés par Azari et il ajoute que les procureurs lui ont fourni de nombreuses factures montrant que Vantage avait été commandité, à l’époque, par Azari pour ces actes de hacking. Azari avait facturé à Vantage la somme de 357 000 euros au total, note Feldman, qui fait remarquer que cet espionnage avait fait pencher la balance en faveur de ses adversaires lors de son procès.
« Les courriels ont été mon principal moyen de communication avec mes avocats », explique Feldman dans sa requête. « Il serait contraire au bon sens de dire que cela n’a pas entraîné un avantage injuste pour l’autre partie ».
Le nom de Feldman est venu s’ajouter à une liste de plus en plus longue de plaignants qui ont utilisé les preuves indiquant qu’ils avaient été victimes d’un piratage informatique pour contester des décisions de justice rendues, dans le sillage de l’enquête de Reuters.
Le mois dernier, l’investisseur israélien Ofer Levin a fait savoir dans des documents juridiques qui ont été déposés auprès d’un tribunal fédéral de Floride que son ancien partenaire commercial, Edmund Shamsi, avait engagé des pirates informatiques indiens chargés de l’espionner dans le cadre d’une procédure d’arbitrage israélienne qu’il avait perdue. L’avocat américain de Shamsi a indiqué dans un courriel que ces accusations étaient « ridicules et complètement mensongères ».
L’année dernière, Le jugement rendu au Royaume-Uni à l’encontre de Farhad Azima, un cadre du Missouri travaillant dans le secteur de l’aviation – il était accusé de fraude – a été annulé après que l’homme a démontré que son adversaire avait caché avoir eu recours à des pirates informatiques indiens pour voler ses courriels. Il a également réglé ainsi des poursuites parallèles intentées à Londres et à New York contre le cabinet d’avocats de son adversaire, Dechert, qui se trouve à Philadelphie. Il n’a cessé de clamer son innocence.