Golf : Un discret country club créé par des Juifs devient le haut lieu du sport canadien
Fondé en 1926 lorsque les clubs étaient interdits aux Juifs, l'Oakdale Golf and Country Club est resté très discret jusqu'à l'Omnium canadien de golf, cette année
TORONTO — Voici un titre grinçant du Toronto Star, en 1926 : « Des Hébreux achètent une ferme pour construire un terrain de golf. »
Quatre-vingt-dix-sept ans plus tard, on ne peut qu’imaginer ce que ces « Hébreux » – un groupe d’hommes d’affaires juifs à l’origine de la création de l’Oakdale Golf and Country Club, dans la mesure où tous les clubs de golf privés de l’époque appliquaient strictement le principe « Interdit aux Juifs » – penseraient des gros titres de la presse sur leur club, aujourd’hui.
Oakdale a en effet fait la une des journaux au Canada, le 5 juin dernier, en accueillant pour la toute première fois le Canadian Open, tournoi de golf de la PGA et troisième plus ancien championnat national au monde, derrière l’Omnium des États-Unis et l’Omnium britannique et, plus tard, l’un des plus grands moments de toute l’histoire du sport canadien.
Aves ses greens immaculés et ses fairways envahis par des dizaines de milliers de spectateurs, l’une des plus longues périodes sombres du sport canadien a pris fin lorsque Nick Taylor a rentré un putt miraculeux, qui lui a offert la victoire. Il est le premier Canadien à le faire depuis 1954.
Le club, aujourd’hui encore majoritairement juif, est passé du jour au lendemain du statut de quasi-invisible à celui de haut-lieu du sport canadien.
« Notre club est heureux et honoré d’avoir pu accueillir cet événement et montrer au monde qui nous sommes », a déclaré l’ex-président du club, Mark Sadowski, qui a joué un rôle clé dans la venue de l’Omnium canadien. « Oserais-je dire que nous sommes aussi un peu fiers ? »
Depuis son ouverture, Oakdale a tenu une ligne de lutte contre toute forme de discrimination.
L’adhésion au club se transmet de génération en génération – ce qui a contribué à affirmer son caractère juif –, mais tout le monde peut adhérer, de sorte que le club comprend également beaucoup de non-juifs. Il n’y a jamais eu — et Sadowski insiste sur le fait qu’il n’y aura jamais — de question sur le formulaire de demande concernant l’appartenance religieuse ou de tout autre élément d’identification.
Pour adhérer à ce club très chic, il convient de respecter ce que Sadowski qualifie de « partie très spécifique de l’ADN juif ».
« Il s’agit de la tzedakah », explique-t-il, en utilisant le mot hébreu qui signie « charité ».
« Donnez-vous à la communauté – pas nécessairement financièrement -, avez-vous l’esprit communautaire ? Les deux piliers du club sont la famille et ce que nos membres redonnent à la communauté, d’une façon ou d’une autre. »
Sadowski rappelle que le club – situé au coeur d’un bassin caractérisé par une population plutôt défavorisée du nord-ouest de Toronto – recrute prioritairement dans les environs. En outre, le club a mis sur pied des programmes qui permettent aux jeunes du secteur d’apprendre le golf.
Les membres du club, plutôt conservateurs et peu enclins à attirer l’attention, préfèrent rester discrets.
« Ce club a toujours cultivé une certaine forme de discrétion », estime Molly Jagroop, directrice générale du club et originaire de Guyane, qui souligne à quel point elle se sent à l’aise à Oakdale depuis son tout premier jour en poste, il y a de cela plus de dix ans.
« Nous n’avons jamais été sous les feux des projecteurs parce que cela n’intéresse tout simplement pas nos membres. Mais nous aurons 100 ans en 2026, et nous nous sommes dits qu’il était temps de faire parler de nous », explique Jagroop.
« Si l’on considère le terrain de golf, son état, le club house et que l’on repense à tout le travail qui a été fait au fil du temps, on peut être satisfait. Alors pourquoi ne pas en parler ? Le moment semblait bien choisi pour faire quelque chose de grand, comme de faire venir un Omnium canadien. »
Pour ce faire, il a fallu se mettre en relation avec Golf Canada, l’organisme gestionnaire de l’Omnium canadien, et voir s’il était intéressé. Nombre d’officiels et de grands joueurs n’avaient jamais entendu parler du club auparavant. Ce qui n’est pas le cas du directeur de Golf Canada, Laurence Applebaum, qui connaissait beaucoup de membres d’Oakdale, pour y avoir joué pour la première fois il y a une trentaine d’années.
« Pour savoir si un golf a tout ce qu’il faut pour accueillir ce tournoi, qui fait partie du PGA Tour, on procède à un examen pluriannuel à plusieurs niveaux », explique Applebaum, qui a rejoint les rangs de Golf Canada en qualité de directeur en 2017, après avoir fait une grande partie de sa carrière dans l’industrie des articles de sport. Oakdale nous a surpris à tous les niveaux. Attirent-ils de nombreux membres ? Oui, un millier de familles. Ont-ils un beau parcours ? Oui et nous avons choisi les 18 plus beaux trous des 27 trous qu’offre le parcours pour en définir un pour l’occasion. »
Applebaum précise que, sur tous les points de la liste d’exigences de Golf Canada – et notamment la possibilité d’organiser un concert et de proposer des stands de restauration et boisson, le club s’est montré à la hauteur.
« Chaque fois que nous avons demandé quelque chose, Oakdale a fait en sorte de le rendre possible », souligne Applebaum.
« Ce club vient d’accueillir le monde entier à bras ouverts, dans un esprit de solidarité dont beaucoup devraient s’inspirer. »
Les membres du club ont d’ailleurs été à plus de 75 % favorables à l’organisation de ce tournoi, ce qui est l’un des niveaux de soutien les plus élevés jamais enregistrés par un club dans cette situation.
Le travail de préparation s’est fait à un rythme soutenu, ce qui a permis à Golf Canada de disposer du parcours bien avant la compétition. En dépit des fumées des incendies, de la pluie et de l’annonce – très controversée – de l’investissement de l’Arabie saoudite dans le PGA Tour, tout s’est bien passé pendant les quatre jours du tournoi.
La victoire historique de Taylor a été un agréable bonus, une vraie surprise.
Les membres du club ont dû faire beaucoup de sacrifices, à commencer par renoncer à leur club pendant quelques semaines, pendant la haute saison de jeu.
Mais M. Sadowski est convaincu que les membres verront combien les avantages l’emportent sur les inconvénients. Et, sous réserve que les membres en soient d’accord, le club pourrait de nouveau accueillir un tournoi de cet ordre en 2026, l’année de son centenaire.
« C’est clairement un pas en dehors de la zone de confort, pour certains, mais ils se sont dit : ‘Peut-on le faire ? Peut-on vraiment le faire ?’ », explique Applebaum.
« Ils ont pris confiance et se sont jetés à l’eau. Nous avons eu beaucoup de chance de tomber sur cette perle et nous avons hâte d’y revenir en 2026. »
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