Halevi : L’armée a été entraînée dans le débat politique, la cohésion mise à mal
Par ailleurs, des vétérans de plusieurs unités d'élite ont averti dimanche que les tensions liées à la refonte judiciaire se sont déjà propagées des réservistes aux sous-officiers
Emanuel Fabian est le correspondant militaire du Times of Israël.

Dans une missive adressée à ses troupes, le chef d’état-major de Tsahal, le lieutenant-général Herzi Halevi, affirme que l’unité au sein de l’armée israélienne a été mise à mal par les appels des réservistes à mettre fin à leur service volontaire pour protester contre les projets controversés du gouvernement visant à réformer en profondeur le système judiciaire.
« Nous avons agi pour tenir [Tsahal] à l’écart du débat, mais en raison de son intensité dans la société israélienne, nous y avons été entraînés, et la cohésion [de l’armée] en a souffert », a déclaré le chef d’état-major, Halevi. « Il est de notre devoir d’empêcher ces failles de se répandre. »
Halevi déclare qu’il ne discutera pas du débat sur la refonte, mais que le rôle de Tsahal est de « protéger le pays, notamment de permettre un débat dans des conditions sûres ».
Il poursuit en disant que les « failles » dans l’unité de l’armée « sont dangereuses ».
« Une troupe au sol peut penser à tort qu’un pilote de l’armée de l’air ne l’aidera pas à cause du débat ; et un pilote peut penser à tort qu’il n’a pas besoin de se préparer et de rester prêt au combat, alors qu’en réalité, on pourrait avoir besoin de lui bientôt », précise Halevi.
« Même s’il y a un débat, la cohésion est de la plus haute importance », souligne-t-il.
Halevi affirme que servir dans l’armée israélienne est « une obligation qui constitue un grand privilège » pour les forces permanentes et les forces de réserve.
« Aucun des membres du service n’a le droit de dire qu’il ne servira plus. Ils n’ont pas le droit de ne pas se présenter au service ou de refuser un ordre », déclare-t-il.
Halevi affirme que Tsahal « est forte grâce à son peuple ». « Nous n’avons pas d’autre nation et nous n’avons pas d’autre armée. »
Il juge qu’il n’est pas trop tard pour réparer les dommages causés à l’unité de Tsahal. « Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons maintenir le rôle de Tsahal dans la défense du pays et la garantie de son existence. »
Par ailleurs, des vétérans de plusieurs unités d’élite ont averti dimanche que les tensions liées à la refonte judiciaire se sont déjà propagées des réservistes aux sous-officiers servant dans l’armée, troublant leurs rangs.
« Ces dernières semaines et ces derniers jours, nos unités nous ont fait part d’un désir croissant et concret parmi (au moins) des dizaines de sous-officiers actifs de mettre fin à leur contrat (ou du moins de ne pas le prolonger) », ont-ils indiqué dans une déclaration citée par les médias israéliens.
« Les chiffres augmentent chaque jour. La décision de ces sous-officiers de rester ou de continuer à servir est basée sur le volontariat. »
Les réservistes à l’origine de la lettre appartiennent à des unités de haut niveau du renseignement militaire, telles que la Division des opérations spéciales et l’unité 8200, l’unité de commando naval Shayetet 13 et le Corps Médical, entre autres.
« La situation est bien plus grave que ce que décrivent les chefs militaires », affirment-ils.
« Une telle scission dramatique ne peut rester derrière des portes closes. »

Même l’ex-chef du Mossad, Yossi Cohen, un proche de Netanyahu, a demandé ce dimanche au gouvernement de mettre fin au mouvement de réforme judiciaire et reprendre les négociations, déplorant que le processus législatif menaçait très concrètement la sécurité du pays.
Enfin, quelque 10 000 réservistes de Tsahal ont annoncé qu’ils allaient suspendre leur service de réserve volontaire pour protester contre les plans du gouvernement visant à réformer le système judiciaire, a annoncé samedi soir un important groupe de protestation.
Lors d’une conférence de presse à Herzliya, les dirigeants du groupe Frères d’armes ont en effet annoncé cette décision, la dernière en date à avoir provoqué une onde de choc au sein de Tsahal.
« Nous avons tout essayé, c’est là que nous nous arrêtons. Nous nous sommes engagés à servir le royaume et non le roi. Nous sommes déterminés, nous sommes des combattants, nous aimons ce pays et nous ne l’abandonnerons pas », a déclaré Eyal Nave, l’un des dirigeants de Frères d’armes.
Des dizaines d’anciens hauts responsables de la sécurité – y compris d’anciens chefs de Tsahal, de l’agence de renseignement du Mossad et de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet – ont envoyé de leur côté samedi une lettre au Premier ministre lui demandant d’interrompre la législation sur la refonte du système judiciaire afin de permettre la reprise des négociations, tout en exprimant leur soutien aux réservistes qui ont menacé de cesser de se porter volontaires en signe de protestation.