Herzog désigne officiellement Netanyahu pour former un gouvernement
Le président a dit "ne pas oublier" ni "minimiser" les accusations à l'encontre du chef du Likud et rappelé que la Cour suprême l'avait déjà autorisé à former une coalition

Arrivé en tête des législatives en Israël avec ses alliés d’extrême droite et ultra-orthodoxes, Benjamin Netanyahu a été officiellement désigné dimanche pour former un gouvernement.
Son gouvernement pourrait être le plus à droite de l’histoire d’Israël, une éventualité qui a suscité d’emblée des craintes localement et à l’international.
Plus tôt cette semaine, une majorité de députés, 64 sur les 120 du Parlement élu le 1er novembre, ont recommandé au président Isaac Herzog de confier à Netanyahu la tâche de mettre sur pied une nouvelle équipe ministérielle.
« Je vous donne le mandat de former un gouvernement », a déclaré dimanche le président Herzog aux côtés de Netanyahu, lors d’une conférence de presse à Jérusalem.
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Netanyahu revient aux affaires malgré son inculpation pour corruption dans une série d’affaires et alors que son procès est en cours.
En Israël, le Premier ministre ne dispose d’aucune immunité judiciaire mais n’a pas à démissionner ou à se retirer pendant la durée de son procès.
M. Herzog a dit « ne pas oublier » ni « minimiser » les accusations – que N. Netanyahu rejette – et rappelé que la Cour suprême avait précédemment autorisé un député inculpé à former un gouvernement – Netanyahu lui-même.
« Je serai le Premier ministre de tous, de ceux qui ont voté pour nous et les autres. C’est ma responsabilité », a déclaré M. Netanyahu, 73 ans, promettant « un gouvernement stable et performant, un gouvernement responsable et engagé ».

« Le peuple a clairement pris une décision en faveur d’un gouvernement placé sous mon autorité », a-t-il dit, et « nous allons tout faire pour garantir la mise en place d’un gouvernement stable, qui réussira – d’un gouvernement responsable… qui agira pour le compte de tous les citoyens sans exception ».
Il a indiqué que ce qui était en train de se passer « reflète le processus démocratique dont nous sommes si fiers – et à juste titre – au sein de l’État souverain et démocratique d’Israël ». Netanyahu a ajouté que « la liberté d’Israël et ses réussites ne peuvent pas être tenues pour acquises. Dans la décennie passée, nous avons transformé Israël en puissance montante parmi les nations… en l’une des dix premières nations du monde, même si nous représentons un millième de la population mondiale ».
Il a ajouté qu’aux côtés de sa nouvelle coalition, « nous ferons tout ce que nous pourrons pour atteindre de nouveaux sommets ».
Il a précisé être ému par cette nouvelle mission qui lui est confiée de former un gouvernement – aussi ému « que la première fois, il y a 26 ans ».

Semblant adopter un ton de réconciliation, il a indiqué que « les électeurs m’ont fait part de leur soutien clair, à moi, au mouvement du Likud ainsi qu’aux partenaires qui m’accompagnent sur mon chemin. Mais je veux le dire : J’ai l’intention d’être le Premier ministre de tous – de ceux qui ont voté pour moi comme de ceux qui n’ont pas voté pour moi. C’est là ma responsabilité en tant que Premier ministre d’Israël ».
« C’est un positionnement qui reflète ce que je crois et c’est lui qui oriente mes actions », a-t-il ajouté.
« C’est comme ça que j’ai agi dans le passé, en faisant venir des millions de vaccins pour tous les citoyens israéliens, en faisant vivre à Israël la meilleure décennie de toute l’Histoire du pays en matière de sécurité et d’économie au bénéfice de tous les citoyens d’Israël, en amenant quatre accords de paix historiques pour tous les citoyens d’Israël – et au profit aussi de tous les peuples de la région, au moins de ceux qui veulent la paix et qui forment la majorité ».
Il a indiqué que faire face aux défis nécessitait « l’unité intérieure » – et qu’il avait l’intention « d’élargir les sphères d’accord » entre les Israéliens dans cet objectif. S’il y a des différences, il y a de nombreux domaines où les Israéliens peuvent trouver un accord, a-t-il continué. « Il y a un large consensus sur le fait qu’Israël est l’État-nation du peuple juif » mais aussi sur l’impératif de « protéger les droits individuels de tous les citoyens ».

Il a signalé qu’il y avait aussi un consensus important sur la nécessité de combattre de terrorisme ; d’empêcher l’Iran de se doter de l’arme atomique avec laquelle la république islamique menacerait directement l’existence d’Israël ; de préserver l’unité de Jérusalem et de conclure de nouveaux accords de paix – « la paix par la force, la paix en échange de la paix avec des États arabes supplémentaires, et avec elle largement la fin du conflit israélo-arabe. Je ne parle pas du conflit israélo-palestinien, » a-t-il dit, ajoutant que « selon moi, ces accords de paix régionaux florissants sont un stade avancé et ils permettront aussi d’obtenir ce résultat ».
Il a juré de faire progresser l’économie, de réduire le coût de la vie et de continuer les travaux d’extraction de gaz dans les réserves offshore d’Israël.
« Il y a un accord très vaste que nous partageons tous, citoyens d’Israël, sur le fait que nous sommes frères et que nous sommes destinés à vivre les uns à côtés des autres, avec toutes nos différences et tous nos contrastes », a-t-il déclaré.
Si de nombreuses personnes sont satisfaites des résultats des élections, certains émettent des prophéties apocalyptiques, affirmant qu’Israël « est entré dans un tunnel noir ; ils disent que c’est la fin de l’État, que c’est la fin de la démocratie – effrayant le public », a-t-il continué.

Ce n’est pas la première fois qu’un tel phénomène se produit, a-t-il expliqué. « On avait dit ça au sujet de l’ancien Premier ministre du Likud, Menachem Begin, et on l’avait aussi dit à propos de moi. Cela ne s’est pas réalisé alors et cela ne se réalisera pas davantage aujourd’hui », a-t-il poursuivi.
« C’est un jour sombre pour la démocratie israélienne, a réagi le parti Yesh Atid en évoquant « le gouvernement de destruction » de Netanyahu.
La formation centriste, qui s’apprête à abandonner le pouvoir pour rejoindre les bancs de l’opposition, a déclaré que le futur gouvernement qui devrait être placé sous l’autorité de Netanyahu, était « un gouvernement de destruction ».
Le communiqué a accusé ce dernier d’être « facilement racketté par ses partenaires de la coalition », ajoutant que « leur objectif commun est de l’extirper de son procès et de ramener Israël vers l’obscurantisme ».

Yesh Atid a aussi critiqué Netanyahu et ses alliés d’extrême-droite et ultra-orthodoxes – avec lesquels il formera le prochain gouvernement – en les accusant d’avoir un ordre du jour anti-démocratique, qui comprend notamment une réforme judiciaire largement controversée, la révision à la baisse des droits LGBT et l’intention de revenir sur des réformes religieuses qui avaient été adoptées.
« Jamais nous n’abandonnerons notre pays et les valeurs libérales, et nous ne permettrons pas que l’avenir de nos enfants soit mis à mal – nous continuerons à combattre, unis, à la Knesset, sur les places des villes et sur les ponts jusqu’à ce que nous puissions remplacer le gouvernement de la destruction par le gouvernement du changement », a ajouté Yesh Atid.
Le Premier ministre désigné aura 28 jours pour former son gouvernement, avec un supplément de 14 jours si nécessaire.
C’est le Premier ministre centriste sortant, Yaïr Lapid, qui avait évincé l’an dernier M. Netanyahu en ralliant une coalition hétéroclite décidée à mettre un terme au règne du Premier ministre le plus pérenne de l’histoire d’Israël, en poste de 1996 à 1999 et de 2009 à 2021.

Relégué au rang de chef de l’opposition, celui que tout le monde surnomme « Bibi » avait alors promis de « renverser le gouvernement à la première occasion ».
Aussitôt après l’annonce des résultats des législatives du 1er novembre, les cinquièmes en trois ans et demi, il a commencé les discussions avec ses alliés sur la distribution des portefeuilles ministériels.
Alors que son parti de droite, le Likud, a obtenu 32 sièges à la Knesset, ses alliés ultra-orthodoxes 18 et l’alliance d’extrême droite HaTsionout HaDatit 14, un record pour l’extrême droite, son gouvernement pourrait être le plus à droite de l’histoire d’Israël.
Chez les ultra-orthodoxes, le chef du parti séfarade Shas, Aryeh Deri, revigoré par ses 11 sièges, lorgne sur les Finances ou l’Intérieur, d’après la presse. Deri a été reconnu coupable de fraude fiscale en 2021 et avait auparavant été emprisonné pour corruption.

L’alliance d’extrême droite HaTsionout HaDatit a elle réclamé le ministère de la Défense pour son chef Betzalel Smotrich alors qu’Itamar Ben Gvir, son numéro 2, cible le portefeuille de la Sécurité intérieure.
M. Ben Gvir, figure montante de l’extrême droite, est notamment connu pour ses diatribes anti-palestiniennes.
Lors de son entretien avec lui cette semaine, le président Herzog lui a dit recevoir « des questions de citoyens israéliens et des dirigeants du monde (…) des questions très sensibles sur les droits humains ».
« Il y a une certaine image de vous et de votre parti qui semble, et je le dis en toute honnêteté, inquiéter à bien des égards », lui a-t-il déclaré.

Après les dernières élections en Israël, pays divisé politiquement, plusieurs pays occidentaux dont les Etats-Unis ont appelé à la « tolérance » et respecter « les groupes minoritaires ».
Le député du Likud, Danny Danon, a suggéré dimanche que Deri et Smotrich réduisent leurs exigences dans les négociations de coalition.
« Le Likud devrait détenir les portefeuilles seniors. Nos partenaires oublient que nous avons 32 sièges », a déclaré Danon à la chaîne publique Kan.